France
Fran Boloni / Unsplash

S’en sortir sans sortir: le COVID-19 en France

C’est maintenant un rituel : chaque soir, les Français regardent, inquiets, le point de presse de la Direction générale de la santé sur l’évolution de la pandémie de COVID-19. 

Le dimanche 22 mars, la France comptait 16 018 personnes contaminées connues, dont 7 240 hospitalisées, 1 746 en réanimation, et 674 décédées. Chaque jour, tous ces chiffres sont en forte croissance alors que la pandémie n’a pas encore atteint son pic. 

« Nous sommes en guerre »

C’est par ces mots, prononcés sept fois lors de son allocution télévisée du 16 mars dernier, qu’Emmanuel Macron annonçait le confinement obligatoire du pays. La soudaine prise de conscience par le chef de l’État de la gravité de la situation sonnait comme le réveil d’une longue indifférence de la France. 

Indifférence politique d’abord, alors que l’État semblait aux abonnés absents face à l’arrivée de la pandémie, restant sourd aux appels du monde médical et scientifique qui tirait la sonnette d’alarme depuis plusieurs semaines déjà. Le 12 mars, Emmanuel Macron s’était contenté de lancer un appel à la distanciation sociale, avec quelques mesures superflues comme la fermeture des écoles. 

Indifférence sociétale ensuite, car la population a ignoré ce premier appel. Les images des Parisiens nonchalants, allongés dans les parcs ou au bord de la Seine pour profiter du soleil, ont largement circulé. On n’arrête pas si facilement l’homo festivus

Aujourd’hui, le confinement est obligatoire et son non-respect entraine une amende de 135 euros, et jusqu’à 3700 euros et 6 mois de prison en cas de récidive. 

Crise politique

Le refus initial du gouvernement de prendre conscience de la gravité de la situation s’est parfaitement illustré par sa décision de maintenir le premier tour des élections municipales le dimanche 15 mars. Alors que la pandémie touchait de plein fouet la France, le gouvernement martelait qu’il était sécuritaire d’aller voter, tout en préparant le confinement qui allait être annoncé le lendemain ! 

Quelques jours plus tard, on apprenait que le second tour des élections municipales, qui devait se tenir une semaine après le premier tour, était finalement annulé et reporté. L’impréparation et l’amateurisme du gouvernement face à cette crise se retournent aujourd’hui contre lui. 

L’impréparation et l’amateurisme du gouvernement face à cette crise se retournent aujourd’hui contre lui.

Agnès Buzyn, qui fut ministre de la Santé jusqu’au 16 février (elle a quitté son poste en pleine crise pour être candidate à la mairie de Paris), a soulagé sa conscience dans un article paru dans Le Monde le 17 mars dernier. Cet article a eu l’effet d’une bombe. On y apprend que le gouvernement était informé dès le mois de janvier de la gravité de la pandémie et du tsunami à venir, mais n’a rien fait pour protéger la population. 

Le collectif C19 (qui représente plus de 600 médecins) a porté plainte le 19 mars à la Cour de justice de la République contre Agnès Buzyn et le premier ministre Édouard Philippe. Ils encourent jusqu’à 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour protéger la population du COVID-19, alors qu’ils étaient au courant que la pandémie allait durement toucher la France.    

Crise sociale

La question de l’économie est au cœur de la pandémie de COVID-19. Vis-à-vis des règles de confinement, tous les commerces sont fermés, à l’exception des commerces essentiels (épiceries, banques, etc.). Les entreprises peuvent rester ouvertes, mais elles ont l’obligation de mettre leurs employés en télétravail lorsque cela est possible. 

Le problème, c’est que le télétravail n’est possible que pour le secteur tertiaire ou pour les emplois généralement bien rémunérés. Ceux qui occupent les emplois les moins bien payés ne peuvent pas télétravailler, car leur emploi ne s’y prête pas. C’est le cas des livreurs, des ouvriers, des caissières dans les épiceries, etc., qui deviennent paradoxalement très sollicités durant le confinement et voient leur exposition au virus augmenter. 

Face à cette situation, des syndicats se crispent et dénoncent vigoureusement cette injustice. Pourtant, le gouvernement a fait du maintien de l’activité économique son cheval de bataille. Au risque d’une aggravation de la situation sanitaire pour les plus précaires ?

Position de l’Église catholique en France

Elle a été une des premières institutions à prendre des mesures contre le COVID-19. Dès le 29 février, Mgr Jacques Benoit-Gonnin, évêque de Beauvais, Noyon et Senlis dans l’Oise (un département au nord de Paris particulièrement touché par le COVID-19) a demandé aux fidèles de ne plus se rendre à la messe. 

Dans la foulée, l’Archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit, a édicté de nouvelles consignes pour son archidiocèse : interdiction de proposer la communion directement dans la bouche, vidage les bénitiers, interdiction de la poignée de main en signe de paix, etc. Depuis l’annonce du confinement, toutes les messes en France sont suspendues. S’il y a des obsèques, seuls dix membres de la famille peuvent y assister ; ceux-ci doivent garder entre eux une certaine distance. 

Le confinement au temps du carême

Les Français vivent le confinement en plein carême. Les privations qu’entraine le premier font alors écho aux privations auxquelles nous invite le second. 

Le confinement interroge notre mode de vie ; par la solitude qu’il nous impose, il nous force à nous retrouver face à nous-mêmes. Il devient alors un moment de réflexion : découvrir de nouvelles formes de solidarité, de nouveaux modes de consommation qui laissent de côté le superflu, de nouvelles activités à faire en famille. Cette pandémie nous fait prendre conscience de la précarité de notre existence et de notre confort occidental. Il est alors évident qu’une fois cette pandémie passée, plus rien ne sera comme avant. 


Étienne-Lazare Gérôme

Étienne-Lazare Gérôme collabore au Verbe depuis 2017. Adepte d'un ton franc, direct, et souvent tranché, sa plume aiguisée est singulière, mais fait toujours montre de justesse, de compassion, et d'empathie.