De nombreux fidèles sont bouleversés par ce temps de carême très exceptionnel. Mais que faut-il retenir de cette épreuve et quoi faire pour ne pas céder au désespoir ? Le Verbe s’est entretenu avec Mgr Pelchat, évêque auxiliaire de Québec, qui voit ce moment comme une opportunité pour se recueillir dans la prière et être des signes d’espérance.
En ce temps de pandémie où nous sommes conviés à demeurer chez nous, que pouvons-nous faire pour aider notre prochain ?
Même si nous sommes tenus de garder une certaine distanciation sociale, il ne doit pas y avoir une distanciation du cœur par rapport à Dieu ni par rapport à nos frères et sœurs. Nous sommes choyés, nous avons plein de moyens de communication, il faut donc rester en contact.
Aussi, les personnes en santé qui ont encore le droit de sortir de chez elles peuvent aller approvisionner des gens isolés ou prêter main-forte aux services essentiels s’ils ont des compétences professionnelles particulières.
Comment continuer à alimenter notre foi ?
Il ne faut pas attendre le prêtre pour lire la Parole de Dieu. La lecture personnelle de la Parole et le partage au sein des familles sont aussi importants.
De plus, il y a beaucoup de ressources sur Internet pour rester connecté à Dieu. Il est possible d’assister aux messes quotidiennes et aux célébrations paroissiales sur le site du diocèse de Québec. Le site de KTO, quant à lui, permet de visionner les messes du Pape.
Qu’aimeriez-vous dire aux fidèles inquiets de ne pas célébrer l’Eucharistie ?
Bien sûr, l’Eucharistie c’est très important pour nous, les chrétiens, et malheureusement nous en sommes privés en ce moment. Il ne faut toutefois pas oublier que Jésus a beaucoup insisté sur l’importance de la prière personnelle. C’est ce qu’il nous rappelle dans Matthieu 6, 7-13.
Quand nous lisons la Parole liturgique quotidienne, il faut aussi se remémorer que nous sommes en train de lire les mêmes textes que tous les chrétiens du monde et que nous sommes ainsi connectés les uns aux autres.
Comme dans le récit de la tempête apaisée (Mc 4, 35-41) où Jésus dort dans la barque, le Seigneur ne semble peut-être pas présent avec nous ces derniers temps. Pourtant il est là et nous assure que tout ira bien. Il y a aussi beaucoup de psaumes qui peuvent apaiser notre inquiétude, comme le psaume 22 :
Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraiche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ; il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom.
Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure.
Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis ; tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante.
Grâce et bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie ; j’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours.
Comment interprétez-vous cette crise en plein carême ?
C’est un carême vraiment exceptionnel, c’est une situation inédite. On vit actuellement un jeûne des biens spirituels avec la privation des rassemblements, de la communion, de la prédication et de la prière universelle.
On vit actuellement un jeûne des biens spirituels avec la privation des rassemblements, de la communion, de la prédication et de la prière universelle.
Par le passé, nous avons eu d’autres épidémies, telles que le SRAS, le SIDA et le H1N1, mais jamais nous n’avons connu le confinement et l’état d’urgence sanitaire. L’épreuve que nous vivons actuellement va nous faire grandir. Que ça coïncide avec le carême est en un certain sens une chance, car c’est un appel encore plus fort à pratiquer le jeûne, la privation, la prière et les œuvres de miséricorde.
Comment avez-vous accueilli la décision de l’Assemblée des évêques du Québec d’annuler tout culte religieux ?
Exceptionnellement, j’étais présent lors de l’Assemblée et je peux dire que ça n’a pas été une décision facile à prendre. Au début, plusieurs ne voulaient pas annuler les célébrations et désiraient commencer par appliquer des mesures d’hygiène dans les églises. Mais rapidement, la question « comment on va gérer ça ? » a été soulevée et nous avons compris que ce serait difficile d’assurer la sécurité des paroissiens. Nous avons donc pris des dispositions pour être justes envers tout le monde et assumer notre responsabilité sociale.
Faire grimper la courbe de la charité
J’étais triste, moi aussi, de cette décision. Si jamais un de mes proches devait mourir, ça me ferait beaucoup de peine de ne pas pouvoir présider les funérailles.
Comment concilier nos intérêts personnels avec ceux de la cité ?
Évidemment, il faut le plus possible respecter les règles qui sont édictées par la santé publique. Par contre, il faut aussi se servir de son jugement et ne pas oublier de s’intéresser au sort des autres.
La semaine dernière, j’ai jugé que non seulement je pouvais, mais que je devais sortir pour faire mon pèlerinage au centre Marie-Catherine de Saint-Augustin. J’ai pensé que ça ferait du bien à des personnes de me voir aller prier sur le tombeau de Monseigneur de Laval et près des reliques de la bienheureuse.
Étant vous-même en confinement volontaire, quelle a été votre première réaction à cette demande ?
Je dois dire que c’est quelqu’un d’autre qui m’y a fait penser. Je vais avoir 70 ans le 3 mai et je n’avais simplement pas réalisé que je devais me mettre en confinement. Lorsqu’on m’a annoncé ça, j’ai d’abord pensé, comme beaucoup de gens, « ben voyons dont », puis j’ai pris la décision de m’isoler.
Ça n’a pas été facile au début, car je ne m’y attendais pas et ça impliquait d’annuler toutes mes réunions (exceptées celles pouvant être faites en vidéoconférence). Mais après réflexion, je me suis dit que j’allais donner l’exemple. J’ai donc sensibilisé les gens ici, à l’archevêché, et demandé d’instaurer des dispositions à table et lors des messes. Comme le disait saint Paul, « obéissez à vos gouverneurs dans les choses justes ».
Que faites-vous pour rester dans l’espérance du Christ et pour ne pas céder à l’inquiétude générale ?
J’ai la chance de vivre avec d’autres personnes. C’est une façon de ne pas me décourager. L’humour est un bon remède et nous avons encore le droit de l’utiliser et de nous taquiner entre nous.
L’humour est un bon remède et nous avons encore le droit de l’utiliser et de nous taquiner entre nous.
De même, dans mes temps libres, je lis, j’écoute de la musique, je me suis abonné à Netflix, je contacte des gens par Internet ou téléphone. Il faut garder confiance et espoir, conserver notre bonne humeur et ne surtout pas devenir morose.
La prière aide évidemment aussi à ça. C’est une épreuve et nous allons la traverser sains et saufs.