foi
Photo: Gardie Design/Unsplash

La foi et ses pièges en temps de pandémie

Un texte du père Laurent Penot

J’ai entendu dire, par plusieurs personnes de bonne foi, que nous manquions de foi en enlevant l’eau bénite des bénitiers, en cessant les célébrations publiques de la messe, en fermant nos églises…

Que nous manquions de foi me parait une évidence… Le Christ n’a-t-il pas prié pour notre unité, pour que nous nous aimions comme Lui-même nous a aimés? De ce point de vue là, nous manquons clairement de foi, tout n’est pas achevé en nous et dans nos communautés. Aime ton prochain comme toi-même… et pas moins!

Récemment, un apôtre nous invitait, dans la liturgie, à nous réjouir d’une très grande joie pour les épreuves. Un autre met sa fierté dans ses faiblesses, et se réjouit de souffrir dans son corps ce qui manque aux épreuves du Christ… Comment ces paroles illuminent-elles nos vies?

Manque de foi vous avez dit? Je ne vous jetterai pas la pierre…

Au nom de la foi

Alors, devons-nous croire que nous pouvons ignorer les consignes de prudence de nos dirigeants politiques légitimes, de nos pasteurs légitimes, au nom de notre « foi »?

Je me souviens d’une Parole récente, le premier dimanche du carême, qui raconte que l’Esprit emmène Jésus au désert pour y être tenté par Satan. Lors de la 2e tentation, il L’emmène au sommet du Temple, à Jérusalem, et Lui suggère de sauter.

C’est peut-être pour épater la galerie : vu que tu es le fils de Dieu, Dieu va faire un miracle, tout le monde va le savoir et tu vas pouvoir les convaincre plus facilement. Fais ça au Temple, au siège des autorités religieuses, et hop! Mission facile…

Nature ou grâce?

À moins que je me trompe, la grâce ne remplace pas la nature. Prenons un virus dans l’eau, et que l’eau lui plait, je peux bénir cette eau, mais la petite créature va continuer son bain… Si vous avez un doute, remplacez le mot « virus » par le mot « grenouille »…

Quand le prêtre consacre le pain et le vin, ils deviennent le Corps et le Sang du Christ. Mais les propriétés physiques, de l’ordre de la nature, restent celles du pain et du vin.

Il existe parfois des miracles eucharistiques où le Seigneur opère la transformation jusque dans la nature. Mais, visiblement, ce sont des cas assez exceptionnels que Dieu, dans Sa grande sagesse, ne reproduit pas à chaque eucharistie.

Au contraire, il me semble que ce sont des cas particuliers qui confirment la foi de l’Église, mais sans nous priver de l’acte de foi quotidien ou hebdomadaire…

Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu…

Que se passe-t-il si je n’obéis pas? Je prétends que Dieu, au nom de ma « foi », va altérer le cours normal de la nature? Il me semble que c’est précisément cela tenter Dieu, ce que Jésus va refuser de faire en haut du Temple.

Viendra pour Lui le temps des miracles, mais pas pour échapper à Sa mission. Il va prendre sur Lui nos péchés, souffrir et mourir pour vaincre la mort et nous emmener avec Lui dans Sa résurrection. Ce n’est pas à nous de présumer que l’heure est venue pour ce genre de signe, pour éviter de nous priver de ce à quoi nous sommes tant attachés…

La foi est pour les pauvres et les petits. Mais les vrais pauvres, les vrais petits, sont conscients de leurs limites, et notamment celles de leur propre discernement. Le Seigneur nous a donné des autorités légitimes.

Il est tout à fait possible d’avoir des convictions différentes, mais désobéir est d’un autre ordre… Il faudrait pour cela qu’ils nous demandent de contrevenir objectivement à la volonté de Dieu. Ce n’est pas du tout le cas ici. Personne n’est empêché de sanctifier le jour du Seigneur, même si c’est d’une façon différente. Et l’Église a toute autorité pour discerner les modalités les plus adaptées à notre situation.

Peut-être manquons-nous de foi. Eh bien, assumons. Les mesures sanitaires actuelles sont-elles excessives? Je ne le crois pas, mais peu importe. Si elles peuvent contribuer à ce que baissent les risques évidents actuels, elles sont bienvenues. Si elles sont excessives, on en reviendra. Le doute va en faveur du plus faible, qui risque de pâtir de notre orgueil.


Collaboration spéciale

Il arrive parfois que nous ayons la grâce d'obtenir un texte d'un auteur qui ne collabore habituellement pas à notre magazine ou à notre site Internet. Il faut donc en profiter, pendant que ça passe!