La crise climatique au service de l’âme

Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps.

Mt 10,28

La crise climatique que l’on vit actuellement, avec ses acteurs, ses drames quotidiens et ses produits dérivés, nous forcera à terme à remettre en question notre mode de vie. Comme la nature nous l’a si souvent fait sentir, notre âme et notre esprit demandent mieux. 

L’élan écologique aura fini par mettre hors-jeu le consumérisme, le capitalisme vorace et le tout-aux-vidanges, produit intérieur brut de la désillusion qui s’ensuit. Ce n’est pas rien. Il aura tout de même fallu une hausse du niveau des océans pour que l’on commence à recycler nos boites en carton et à s’interroger sur les produits suremballés au IGA. 

Mettons qu’on n’est pas exactement une espèce spontanément sujette aux examens de conscience…

On pourrait observer cette tournure d’évènements et se dire qu’il était temps. Ces façons de vivre étaient devenues un lieu d’incarcération pour l’âme et l’intelligence de l’homme.

Un passé encore présent ?

Les inquiétudes climatiques atteignant l’ampleur d’un mouvement de fond. Les circonstances sont donc propices à un retour sur ce matérialisme rapace qui, espérons-le, est en train de devenir chose du passé.

Mais ne soyons pas exagérément optimistes et observons placidement ce qu’il y a pour l’instant dans le rétroviseur.

La nature a toujours eu le don de nous dire que nous faisions tout trop vite.

La spirale de la surconsommation, la publicité qui pianote sur les boutons psychiques du plaisir instantané ainsi que le mirage de la carrière furent les ingrédients principaux de cette déroute. 

Ils n’auront eu comme effet que de nous séquestrer l’esprit dans l’attente de l’euphorie ordinaire du magasinage en ligne, ou de nous pousser à nous oublier dans le vide abyssal qu’est devenu le divertissement de masse. L’essentiel était d’occuper l’intellect entre les épisodes d’achat. Et d’absorber dans une logique marchande toute initiative d’entrepreneuriat humain.

Les relations au service du capital

La superficialité des relations et la subtilisation du spontané qui étaient l’apanage de la publicité, non contentes de nous engourdir l’intelligence pendant les heures ouvrables de la journée, se mirent en devoir d’occuper le reste de nos temps libres par l’intermédiaire de Facebook et d’Instagram. Nous pouvions ainsi consommer notre dose quotidienne recommandée d’insignifiances. Tinder nous a même initié à une forme d’abjection flambant neuve qui était de consommer l’autre.

Le corps, lui, quand il n’était pas retenu au travail, fut maintenu affalé devant le petit écran, en attente de l’électrochoc qui lui donnerait vie. On a grossi l’écran avec le temps, parce que dans un cachot trop petit on se sent vite à l’étroit. 

Le mauvais miroir

L’alternative était de se démener le popotin sur un vélo stationnaire. Cela afin de ressembler au modèle ferme et compact constamment mis en vitrine par les siphonneux d’âmes professionnels. Un esprit vide dans un corps sain.

Pendant que cette mascarade se déroulait en arrière-plan, les génies du marketing nous ont vendu l’idée que la meilleure réponse à notre instinct de liberté était d’acheter des choux-claques Adidas ou de fuir l’hiver au Mexique. Leurs slogans abrutissants de perversion et les images d’hommes libres, puissants et indépendants qu’on nous enfonçait dans la gorge n’eurent d’autre effet que d’aggraver le constat de notre médiocrité alors que nous faisions la file, le samedi matin, devant les caisses du Walmart (Just do it).

Un esprit vide dans un corps sain.

Fallait-il se rincer l’esprit de cette mièvre boue suffocante, qu’on allait passer une fin de semaine dans le bois, là où l’air est plein et où il n’y a pas de wifi. Alors, nous pouvions respirer et décrocher pour mieux revenir dans le quotidien dérouler une bobine de routine. La nature a toujours eu le don de nous dire que nous faisions tout trop vite. Et nous de ne pas l’écouter.

Le mensonge de tous contre tous

L’aliénation rebrandée sous le nom de liberté signifiait maintenant que l’être humain trouvait son émancipation dans l’extériorisation de sa personnalité par l’entremise de marques de commerce. Conduire une Mazda, c’est mordre dans la vie.

Bien sûr, nous ne croyions pas à toutes ces sottises. « J’ai lancé des roches en mai 68, j’emmerde les multinationales ». Ce qui n’empêcha pas les sociétés par actions de faire des affaires en or. Or, on sait aujourd’hui que ces sociétés, ces « personnes morales », ont les attributs d’un psychopathe, et que ce psychopathe a foutu le bordel dans la demeure.

De ce fatras, nous calculons encore les conséquences. S’il y a quelque notion à tirer de cette apocalypse climatique, c’est que la décomposition de notre habitat est étroitement liée à celle de notre esprit. Bien avant que le monde ne commence à surchauffer, le cœur de l’homme pourrissait.

Méfions-nous donc à l’avance des choses qui, avant d’être visibles, sont invisibles.


Gabriel Bisson

Physiquement bellâtre, intellectuellement ambitieux, socialement responsable, moralement innovateur, Gabriel croit aux choses qu'on peut prouver, mais aussi à certaines choses qu'on peine parfois à rationaliser. Ingénieur, il met son amour des lettres et du dessin au service de notre média.