Martin Bureau
Martin Bureau, Saint-Déluge-de-la-Consolation 4

Martin Bureau: peintre de l’apocalypse

L’ambiance quasi apocalyptique qui règne présentement aurait pu me décourager de sortir de chez moi. Ne reculant devant rien, j’ai mis le pied dehors et je suis allé interviewer l’artiste Martin Bureau à la Galerie 3, dans Saint-Roch. Rencontre avec un homme témoin de son temps.

Martin Bureau
Martin Bureau, Anthropocène 22

L’exposition est très actuelle. La première série qui la constitue est Anthropocène : elle illustre le conflit entre l’homme et son environnement à travers des compositions aussi étonnantes qu’une grande roue de parc d’attraction envahie par les flammes et qu’une forêt plantée sur des circuits informatiques. 

La deuxième rappelle les enjeux liés à la conservation du patrimoine. Alors que Catherine Dorion milite pour la conservation de l’Église du Très-Saint-Sacrement et qu’une pétition circule, Martin fait voir le problème en peignant des églises en cours de démolition. 

Comme l’entrevue avec Martin me l’a fait comprendre, les deux séries sont plus liées qu’on pourrait le penser. D’une certaine manière, les toiles traitent toutes de… la fin du monde. 

Quels sont vos sujets dans la peinture ? Que voulez-vous révéler ?

Photo: Jean Bernier

Mon inspiration provient surtout du sublime, de peintres comme William Turner. Dans le sublime, la petitesse de l’homme est au premier plan ; la nature est plus forte que l’homme. 

C’est ce que j’ai voulu représenter dans la série Anthropocène. L’anthropocène, c’est une nouvelle époque, celle de l’homme. On pourra retrouver, dans des milliers d’années des sédiments qui témoigneront de notre présence sur terre, de notre relation avec la nature. 

Martin Bureau
Photo: Jean Bernier

Mes peintures essaient de saisir ce combat entre l’activité humaine et la nature, la violence que l’homme lui fait. Mais essayer d’ordonner la nature, c’est voué à l’échec. La nature est intrinsèquement libre ; on ne peut pas la réguler. C’est une erreur de vouloir le faire et de ne pas voir qu’on dépend d’elle. 

Dans la toile de l’église du Très-Saint-Sacrement qui s’effondre avec le glacier, j’ai décidé de relier la série Anthropocène avec l’autre, Saint-Déluge-de-la-Consolation. L’œuvre vient créer une fable, une métaphore de la destruction du patrimoine. 

D’où vous est venue l’idée de représenter les églises en ruine qu’on voit dans la série Saint-Déluge-de-la-Consolation ?

Ce n’était pas ce qui m’intéressait au début : mon travail est centré sur la géopolitique. Mais un jour je suis passé devant l’église de Saint-Cœur-de-Marie lors de sa destruction. J’ai été sidéré par la scène ; c’était une scène de guerre, de désolation, de ruine. J’ai pris mon appareil photo et j’ai sauté par-dessus la clôture. Ça a démarré la série. 

Martin Bureau
Martin Bureau, Saint-Déluge-de-la-Consolation 1

J’avais un devoir de mémoire. Lors de la démolition de l’église Saint-François-d’Assise, je suis allé presque tous les jours sur les lieux dans le but de faire des tableaux. Je voulais créer une image.

Que signifie le titre de la série ?

Même si les peintures de Saint-Déluge-de-la-Consolation ne représentent pas toutes des églises, je voulais faire référence au religieux. La forme du titre rappelle le nom composé des églises. 

J’ai été sidéré par la scène ; c’était une scène de guerre, de désolation, de ruine. J’ai pris mon appareil photo et j’ai sauté par-dessus la clôture. Ça a démarré la série.

La consolation, elle, vient de l’idée que Dieu va nous consoler face à l’Apocalypse.

Martin Bureau, Saint-Déluge-de-la-Consolation 5

Mes tableaux reprennent cet imaginaire de l’apocalypse, de la fin du monde. En m’intéressant aux catastrophes et aux changements climatiques, j’ai découvert le déluge raconté dans l’Ancien Testament. J’ai décidé de l’intégrer dans mes peintures pour créer l’imaginaire catastrophique : il est représenté sous plusieurs formes, même le feu. 

Nous parlons de catastrophes, de grandes choses qui s’écroulent. Avez-vous l’impression qu’en tant qu’artiste vous pouvez jouer un rôle pour contrer les différents effondrements ?

Je me vois comme un témoin : l’objectif de mon œuvre est de montrer ce qui est aujourd’hui. La peinture est un médium destiné à la pérennité. Je pense donc que je peux aider à poser un référent pour le futur. 

Ça va avec le devoir de mémoire : en ce moment, au Québec, on détruit le patrimoine religieux. Le Ministère de la Culture n’a qu’une petite enveloppe pour garder ces lieux qui font partie de notre histoire. Toutefois, la conscience collective, c’est une responsabilité. 

Martin Bureau
Martin Bureau, Saint-Déluge-de-la-Consolation 7 et 2. Photo: Jean Bernier

Le patrimoine demande des sacrifices : ça coute cher bâtir une église, ça coute cher la conserver. Malgré cela, garder ce témoin de notre passé doit être un choix de société. 

Il y a des gens que ça touche, mais il y a une certaine indifférence. Dommage que cette négligence affecte ce qu’on lègue aux générations futures. 

Mon rôle d’artiste est aussi là. Je sers de relai. Mon objectif est de toucher les gens de divers horizons par rapport aux enjeux que j’aborde. Mon œuvre se veut accessible pour que chacun voie le témoignage qui s’y trouve. 

***

La Galerie 3 accueille présentement les œuvres saisissantes et révélatrices de Martin Bureau. L’exposition se termine le 22 mars. 


Ambroise Bernier

Ambroise Bernier étudie la littérature à l’Université Laval. Féru de poésie comme de prose, il révise nos textes destinés au site Web.