Aimer son corps comme soi-même

Dans une lettre d’opinion publiée le 11 mai par Le Devoir, l’écrivaine Martine Delvaux dénonce les codes et les normes vestimentaires des écoles québécoises. En plus de cibler les jeunes filles, cette pudibonderie cacherait en fait, selon l’auteure, l’incapacité des adultes (c.-à-d. les enseignants) de voir les corps autrement que comme un objet de désir sexuel.

On retrouve toutefois une certaine confusion dans le propos de Mme Delvaux, ce qui n’aide pas le débat sur la présence de codes vestimentaires dans nos écoles et sur notre rapport au corps en général.  

Notons d’abord que les codes vestimentaires sont généralement les mêmes pour les garçons et les filles : il est également interdit pour un garçon de porter des vêtements qui font voir ses épaules, ses cuisses ou son ventre. À cet effet, les normes sont égalitaires, au contraire de ce qu’affirme Mme Delvaux. Mais l’auteure y voit aussi un vecteur d’hypersexualisation. Cacher des parties du corps reviendrait à les associer à un désir sexuel. Bien sûr, la réalité veut que différentes parties des corps sexués soient justement plus érogènes que d’autres – tant pour des raisons de nature que de culture – et qu’elles génèrent un désir sexuel chez l’autre sexe.

Or, qui veut faire l’ange – un être sans spontanéité charnelle – fait la bête, selon le mot de Pascal, qui n’a jamais été autant d’actualité. Sans nier ni refouler cette attraction naturelle, il s’agit plutôt de la modérer à l’aide d’un certain décorum, qui favorise l’apprentissage et qui symbolise le sérieux de nos institutions éducatives.

Ne faut-il pas chercher ailleurs les causes de l’hypersexualisation? La présence massive de la pornographie dans notre société, les clips de la musique populaire américaine et le carrousel de la mode ne mettent-ils pas beaucoup plus de poids sur les épaules des jeunes filles que tous les codes vestimentaires réunis?

En lisant la lettre, on ne sait plus à quel registre appartient le corps. D’une part, les normes vestimentaires viendraient réifier le corps des femmes, qui est ici plutôt considéré par l’auteure comme une réalité éminemment personnelle et vécue. Mais d’autre part, les individus n’auraient pas choisi leur corps, celui-ci ne constituerait donc pas vraiment leur identité personnelle et ils pourraient ainsi en faire ce qu’ils veulent.

Mais alors, une personne est-elle son corps ou pas? Si ces jeunes filles se sont supposément fait « assigner » un sexe, comme l’écrit Martine Delvaux, alors ce dualisme nous obligerait à accepter une conclusion qui nous répugne, avec raison : le corps n’est pas le sujet, il est un objet, et donc il peut être réifié.

Et pour ce faire, de simples règles de pudeur peuvent être un bon début, autant pour les garçons que pour les filles, puisqu’elles accordent au corps une réelle signification.

Au-delà des particularités des codes vestimentaires, qu’il est possible de discuter, il nous faut choisir le bon combat pour assurer le bien-être véritable des femmes qui font malheureusement trop souvent l’objet d’une convoitise malsaine et parfois violente. Et pour ce faire, de simples règles de pudeur peuvent être un bon début, autant pour les garçons que pour les filles, puisqu’elles accordent au corps une réelle signification.

La pudeur n’est pas la pudibonderie, et l’école n’est pas le lieu où les diktats de l’hypersexualisation mercantile devraient avoir le champ libre. Il nous semble qu’un tel argument n’est pas pour déplaire à une auteure aussi critique de la logique marchande que l’est Martine Delvaux.

Maxime Huot-Couture

Maxime œuvre en développement communautaire dans la région de Québec. Il a complété des études supérieures en science politique et en philosophie, en plus de stages à l'Assemblée nationale et à l'Institut Cardus (Ontario). Il siège sur notre conseil éditorial.