En cette fête de sainte Anne, Emmanuel Lamontagne nous propose de découvrir Marius Dubois (1944-2016), l’un des principaux artistes ayant contribué au décor du sanctuaire de Beaupré.
Il faut le dire en toute franchise, Marius était une sorte d’ovni dans le monde artistique de son époque.
Alors que la vaste majorité de ses confrères artistes s’intéressaient au modernisme et à l’abstraction, lui se voyait comme un successeur des peintres de la Renaissance italienne. Grand adepte du symbolisme, Marius aimait évoquer les réalités subtiles et les sens cachés.
Il faut admettre qu’il y a quelque chose d’extrêmement audacieux dans le fait de vouloir peindre des saints et des madones dans une époque en profonde rupture avec le monde religieux.
Une anecdote du temps où il étudiait la peinture au Hornsey College of Arts de Londres résume bien la perception du milieu : « Au Hornsey, je m’étais adonné à la peinture réaliste, mais les professeurs m’avaient dit qu’il était inutile de vouloir encore peindre de la sorte ».
N’en déplaise à ses professeurs, le natif de Plessisville passera tout de même sa carrière à peindre de manière réaliste. Comble de malheur pour ce milieu athée militant, il le fera en s’inspirant abondamment des grands mythes de la civilisation occidentale ainsi que du christianisme.
Il commence sa carrière au début des années 1970 alors que le Québec sort à peine de la Révolution tranquille. Il faut admettre qu’il y a quelque chose d’extrêmement audacieux dans le fait de vouloir peindre des saints et des madones dans une époque en profonde rupture avec le monde religieux.
L’apport de Marius Dubois à Beaupré
Entre 2000 et 2010, Marius peint pour le sanctuaire 14 tableaux de grands formats représentant les personnages marquant de l’histoire religieuse canadienne-française.
On y retrouve entre autres François de Laval, Marie de l’Incarnation, le frère André, Marguerite Bourgeoys, Marguerite d’Youville et Kateri Tekakwitha.
Ces tableaux donnent une saveur locale à la basilique en présentant aux visiteurs du monde entier comment la vie chrétienne a été vécue par les gens de chez nous.
Le tout s’harmonise à la perfection avec les éléments de décors existant déjà dans la chapelle basse dédiée à l’Immaculée Conception. Pensons notamment au plafond en mosaïque d’un bleu marial réalisé en 1987 par Walter del Mistro représentant une voute céleste étoilée. Climat typique du Québec oblige, on remarquera même des flocons de neige parsemés dans les voutes !
Ces motifs naturels s’additionnent aux 178 mosaïques de style byzantin réalisées par l’atelier Spilimbergo représentant la faune et la flore de notre coin de pays et décorant les piliers de la nef : fleurs, gerbes de blé, champignons, oiseaux, écureuils, papillons et autres font étalage de la diversité de la création tout en étant un discret rappel visuel du caractère local de la chapelle.
Une chapelle méconnue
Du côté sud du bâtiment se trouve une petite chapelle dédiée au Saint-Sacrement (photo de couverture). Pourtant toujours accessible, le lieu est relativement peu connu des nombreux visiteurs fréquentant le sanctuaire.
L’abside de cette chapelle a été entièrement décorée par Marius Dubois. Son décor, qui est lui aussi de style byzantin, présente l’Agneau mystique reposant sur le livre de l’Apocalypse au sein de la Jérusalem céleste. L’ensemble est entouré par des figures d’anges et jouit d’une florissante décoration végétale.
Le programme iconographique du lieu dégage une puissance mystique unique pour qui sait en saisir le sens véritable. Le décor est un rappel du but le plus profond de la venue du Christ sur terre, soit d’offrir une possibilité de rédemption aux pécheurs en vue d’une existence éternelle au-delà de la mort.
En somme, c’est tout à fait dans la lignée des œuvres de Marius : peindre des éléments que l’on reconnait facilement, mais qui, sous les apparences simples, évoquent une réalité beaucoup plus complexe.