Les incendies en Australie ont dévasté 100 000 km2, brulé vif plus d’un milliard d’animaux et tués une trentaine de personnes. De fortes pluies ont également provoqué des inondations, puis des tempêtes de sable et des orages de grêle se sont abattus dans certaines régions. Et pour couronner le tout, le fort taux d’humidité serait également propice à la prolifération d’une araignée venimeuse à Sydney.
Je vous écris cela après avoir lu quelques articles de journaux seulement. Ces dernières semaines, je ne me suis pas inquiétée tous les jours pour savoir si les feux étaient en train de diminuer, si la pluie allait enfin tomber, si un million d’animaux morts de plus allaient s’ajouter au décompte macabre.
Comme bien des personnes, je me suis sentie impuissante. J’ai peut-être versé une larme. J’ai peut-être donné quelques dollars à une association.
Et puis, je suis passée à la nouvelle suivante.
C’est l’overdose
Les journaux ont beaucoup parlé des changements climatiques pour expliquer les feux australiens. Notre terre est en overdose de gaz à effet de serre. On le sait depuis un moment, mais on ferme les yeux souvent; les effets ne sont pas toujours aussi spectaculaires qu’un gigantesque incendie. Et ils arrivent si loin de ma station-service.
Moi aussi, je suis en overdose.
Je pourrais chercher des images de koalas morts, lire des témoignages de rescapés sur des plages, chercher à tout comprendre et tout savoir. Mais si je voyais, cela ne changerait strictement rien. L’Australie est si loin; loin de mes yeux, loin de mon cœur. Les images ne diminueront pas la distance entre l’Australie et moi. Peut-être ressentirais-je quelque chose, mais ce ressenti sera comme un caillou jeté dans la mare de mon cœur : une onde sans effet et bien vite oubliée.
Ou peut-être ne ressentirais-je rien. Mon cerveau aura déjà eu sa dose maximale d’images, alors les réseaux électriques qui le relient au cœur se seront simplement mis en veille. Il faudrait une dose supplémentaire pour qu’ils se réveillent… mais une dose de quoi?
Expérimenter le réel
Prenez donc un bain.
Pas une douche-de-3-minutes-pour-sauver-la planète, mais un bon bain.
Une demi-heure, baignoire remplie à ras bord, avec une bougie. Pas de cellulaire, pas de tablette, pas de radio, pas de ventilation — rien d’autre que vous, le silence et la noirceur.
Sentez la chaleur sur votre peau, respirez l’air saturé d’eau. Goutez le silence. Accueillez la nudité.
Cet instant est le seul qui existe vraiment. Hier est passé et demain n’existe pas encore : il n’y a que maintenant qui soit.
Voici la réalité.
La conversion au présent
On entend souvent dire « il vient de se convertir », « je me suis converti à 18 ans » ou encore « cela me rappelle ma conversion. » Pourtant, la conversion n’appartient pas au passé.
On ne se détourne pas rien qu’une fois du mal.
Se convertir veut dire « se détourner ». Se détourner de quoi? Et pour se tourner vers quoi?
On ne se détourne pas rien qu’une fois du mal. On se détourne en permanence, et on se tourne à chaque instant — du moins, essaie-t-on — vers Dieu. La conversion appartient au présent; à maintenant.
Si on veut cesser de se détruire, de détruire nos relations, de détruire les autres et de détruire la terre avec, il faut choisir ici et maintenant de se détourner de la source de la destruction. Se convertir.
Mais comment choisir de faire un acte ici et maintenant si je ne vis même pas dans le présent?
Je dois donc prendre un bain. Gouter la réalité de l’existence. Puis choisir de me détourner des ténèbres pour me tourner vers la lumière. Ici et maintenant.
Peut-être que si je commence aujourd’hui à vivre pour de vrai, et que d’autres me voient faire, ils voudront vivre aussi. Et l’Australie, et toute la terre avec, cessera peut-être un jour de bruler. Car tout est lié.
Bonne Nouvelle pour l’Australie
Car la bonne nouvelle est ici : se convertir éteint des feux. Les feux de la destruction. Les feux du non-amour. Tout un tas de petites étincelles qui en s’additionnant crée un incendie ravageur sur le monde.
Je peux choisir d’alimenter cet incendie destructeur. Ou bien devenir une lumière qui éclaire sans rien consumer (et sans consumer les autres au passage).
En effet, un lampadaire ne fait rien de mal. Il ne fait pas non plus la morale et ne choisit pas qui il éclaire. Il révèle le chemin caché dans les ténèbres, et c’est tout. Sans hausser la voix, sans s’élever tel un incendie, mais en crépitant doucement. Comme un bon feu auprès duquel on vient se réchauffer.
Qu’il pleuve sur l’Australie
L’Australie, en passant, ce n’est pas forcément un pays. Mon Australie ne fait pas forcément de tempêtes dévastatrices et ne tue pas directement des millions d’êtres vivants. Indirectement, par contre…
Mon Australie est souvent bien cachée, invisible. J’ai l’air vivante, et pourtant, tout est en train de mourir : je suis en feu. Aucune pluie ne semble venir l’éteindre. Et je peux décider d’ignorer ce feu. De ne jamais prier pour la pluie. Jusqu’à ce que ce feu me tue, âme et corps, après avoir tué les autres et tout ce qui m’entoure.
Ou alors je peux décider de regarder la réalité en face : l’Australie brule. Je prends un bain. Je goute à l’existence. Je me détourne du mal. Je prie pour la pluie. Ici et maintenant.
N’attendez pas demain.