pandémie
Photo: J. Côté o.s.b.

La pandémie vue par des pros du confinement

Alors que la pandémie de coronavirus bouleverse nos habitudes de vie, une autre épidémie se propage et menace nos âmes : celle de la peur. Le Verbe a interviewé le prieur du monastère de Saint-Benoît-du-Lac dans les Cantons de l’Est, afin de savoir comment les moines vivent ce temps de crise et, surtout quelles paroles de sagesse ils peuvent nous livrer.

Comment traversez-vous la crise sanitaire communautairement ?

En communauté, nous appliquons les directives données à toute la population : consignes d’hygiène, distanciation, etc. Ces directives nous ont été bien expliquées par une personne de l’extérieur. À l’église comme au réfectoire, nous laissons une place libre entre chacun. Étant donné la situation, notre père abbé nous a dispensés du jeûne du carême afin de nous permettre de mieux traverser cette période. Il nous a par ailleurs invités à le remplacer par d’autres privations ou par des gestes de charité fraternelle. Il s’assure aussi que nous soyons bien informés.

N’êtes-vous pas d’une manière des experts en quarantaine ?

Il faut bien reconnaitre que, dans un sens, l’adaptation au confinement nous est plus facile à vivre que la plupart des gens. Étant donné le style de vie que nous avons choisi, nos sorties et nos rencontres sont déjà limitées.

Est-ce que cela a changé votre mode de vie ?

Notre horaire n’est en rien modifié : la cloche continue de nous appeler sept fois par jour pour célébrer la liturgie des Heures et l’eucharistie dans l’église, mais sans hôtes et sans visiteurs.

Sans visiteurs justement, comment pouvez-vous continuer votre mission ?

Ce confinement accentué, parce que sans aucun visiteur, nous insère davantage dans notre vie de prière, nous replace devant notre mission de priants. Dans une période comme celle-ci, la prière n’est-elle pas un service essentiel ? Tout en étant réalistes, nous ne perdons pas confiance et nous croyons que le Seigneur est près de nous durant cette épreuve.

Ce confinement accentué, parce que sans aucun visiteur, nous insère davantage dans notre vie de prière, nous replace devant notre mission de priants. Dans une période comme celle-ci, la prière n’est-elle pas un service essentiel ?

Quelle est la principale tentation à éviter en ce temps d’isolement et d’incertitude ?

Ce serait de se laisser abattre, de se laisser porter par les évènements plutôt que de les accepter et d’y faire face.

Il est préférable de continuer à vivre dans une certaine régularité, d’accomplir certains travaux qui nous mobilisent, qui nous disent et disent à notre entourage que, malgré la pandémie, la vie continue.

Avec les yeux de la foi, comment lire les évènements actuels ?

Cette pandémie nous fait prendre conscience que notre vie est fragile, qu’elle ne tient qu’à un fil et que notre société également est fragile. N’est-ce pas pour tous l’occasion de découvrir les vraies valeurs, une chance aussi de se centrer sur l’essentiel ?

Cette crise peut-elle devenir une occasion de se rapprocher de Dieu ?

Je pense en effet que pour nous chrétiens, cette période de confinement est l’occasion de méditer la Parole de Dieu et de prier afin que l’Esprit nous inspire des gestes prévenants, les bonnes paroles qu’il faut. En ce sens, la pandémie est une occasion de grandir, de vivre davantage la charité fraternelle. C’est le moment de témoigner de notre espérance en demeurant confiants et sereins.

Pourquoi ne pas même remercier Dieu dans cette épreuve pour l’intelligence qu’il nous a donnée ? Grâce à ce don, grâce à nos connaissances en matière d’hygiène et de microbiologie, grâce à notre travail et à celui des générations qui nous ont précédés, cette pandémie sera sans doute moins meurtrière qu’elle aurait pu l’être.

Plusieurs moines sont âgés, est-ce que la pandémie leur fait peur ?

J’ai posé la question à un de mes frères moines de 93 ans. Il m’a d’abord répondu avec humour qu’il ne se sentait pas vieux ! Puis il m’a avoué qu’il est difficile de répondre à cette question. En fait, le Christ lui-même a vécu angoisse et tristesse à Gethsémani avant de s’abandonner à son Père.

En ce qui concerne la peur de la pandémie, il faut considérer qu’au monastère nous vivons dans un milieu sécurisant. Nous interagissons toujours avec les mêmes personnes et les contacts avec l’extérieur sont limités, ce qui réduit les risques.

Aussi, nous sommes à l’abri de ce qu’on pourrait appeler la « surabondance médiatique » qui crée beaucoup d’inquiétude chez certaines personnes. En ce sens, on pourrait conseiller de bien s’informer, mais de le faire avec modération.

Pax (Paix) est la devise de l’ordre de saint Benoît. La pandémie ne nous empêche pas de continuer à vivre dans un climat de paix. 

Quels passages bibliques peuvent nous aider à garder cette paix ?

Je pense d’abord au psaume 120 :

Non, il ne dort pas, ne sommeille pas, 
le gardien d’Israël.

Le Seigneur, ton gardien, le Seigneur, ton ombrage,
se tient près de toi.

Il me vient aussi un passage du prophète Isaïe au chapitre 30 :

Le Seigneur, le Dieu saint d’Israël, vous l’a dit : « Vous serez sauvés si vous revenez et si vous restez calmes, votre courage sera de rester tranquilles et d’avoir confiance. »

Enfin, la parabole du bon Samaritain dans l’évangile de Luc me semble tout indiquée, car la pandémie est une occasion de poser des gestes de charité concrets envers tous, sans exception.

En terminant, quelle parole d’espérance pouvez-vous nous donner ?

À ceux que la situation désespère et accable, nous leur disons ceci : sachez que vos frères moines de Saint-Benoît-du-Lac prient et espèrent pour vous !


Simon Lessard

Simon aime engager le dialogue avec les chercheurs de sens. Diplômé en philosophie et théologie, il puise dans les trésors de la culture occidentale, combinant neuf et ancien pour interpréter les signes des temps. Il est responsable des partenariats au Verbe médias.