Il y a quelques années, j’ai fait l’arbre généalogique de ma famille. J’y ai découvert plusieurs agriculteurs, des soldats, un marin, une lignée de notaires et… un évêque ! Mgr Ignace Bourget (1799-1885), second évêque de Montréal, est un cousin éloigné du côté paternel de ma famille. Tout comme moi, il est un descendant de Guillaume Couture (1618-1701), fondateur de la ville de Lévis. Il ne m’en fallait pas plus pour courir me renseigner sur ce personnage historique !
La situation de l’Église après la conquête britannique
Avant de parler de Mgr Bourget, il convient de se pencher brièvement sur la période s’étalant de la Conquête en 1760 à l’Acte d’Union en 1840. Il s’agit de huit décennies très précaires pour l’Église catholique du Québec.
Le clergé, tout comme le reste de la société canadienne-française, a été fortement affaibli lors de la Conquête. Son effet le plus visible est évidemment la destruction totale ou partielle de certains édifices religieux. Au plan économique, la conquête affecte l’Église catholique puisque le gouvernement colonial force la fermeture de certaines institutions, des collèges et des écoles, ce qui entraine une perte de propriété et de revenus.
En ce qui concerne la politique, le pouvoir colonial britannique ne reconnait pas l’Église catholique comme une institution officielle. S’en suit une pénurie de prêtres qui est causée à la fois par l’expulsion de certaines communautés, comme les Jésuites et les Récollets, et par l’interdiction faite au clergé de recruter à l’étranger. Ce contexte rend également difficile le recrutement local : on note des pénuries de personnel à tous les niveaux, des curés de paroisses aux enseignantes ursulines et aux hospitalières augustines. Un peu comme aujourd’hui, le chaos s’installe dans les écoles et dans les hôpitaux ; les curés et les prêtres de communautés doivent desservir plusieurs églises à la fois.
De plus, au plan religieux, l’arrivée des Britanniques entraine une concurrence de la part des diverses dénominations protestantes que favorise le pouvoir colonial. Le traité de Paris de 1763 accorde certes la liberté de culte aux catholiques, mais celle-ci s’accompagne de mesures visant à la restreindre au profit du culte anglican.
Mgr Bourget : acteur du renouveau catholique.
Il faudra attendre le milieu du XIXe siècle pour que l’Église catholique se remette pleinement des effets de la Conquête de 1760. Le personnage le plus marquant de ce renouveau est Mgr Ignace Bourget, second évêque de Montréal.
Cet évêque fut sans contredit, pour l’Église du Canada, l’homme le plus considérable et le plus prodigieux de son siècle
Louis Colin
Il organise d’abord une série de « missions paroissiales », c’est-à-dire des évènements prenant la forme de conférences d’évangélisation dans les paroisses existantes. Il envoie en quelque sorte les prêtres de son diocèse et des conférenciers invités au front pour contrer les missionnaires protestants et raviver la flamme religieuse des Canadiens français.
On pense entre autres à Mgr Charles-Auguste de Forbin-Janson qui préside la grande mission de Montréal en 1840-1841. L’évêque fait même une tournée québécoise de prédication qui donne lieu à un véritable réveil du catholicisme et mène à la création des premiers mouvements de tempérance.
De l’aide extérieure et intérieure
Par rapport au pouvoir colonial britannique, Mgr Bourget continue l’effort de son prédécesseur Mgr Latrigue afin d’en émanciper l’Église catholique. Un relâchement des tensions politiques entre le Royaume-Uni et la France, qui est gouvernée à nouveau par une monarchie depuis 1815, permet à Mgr Bourget d’aller recruter des missionnaires en France.
C’est ainsi que bon nombre de communautés viennent s’établir au Québec avec la bénédiction de l’évêque de Montréal et l’accord des autorités coloniales. Les Oblats de Marie-Immaculée arrivent en 1841, puis les Jésuites sont de nouveau autorisés en 1842. Suivent les Frères de la Sainte-Croix, les clercs de Saint-Viateur ainsi que les Dames du Sacré-Cœur. Les sœurs du Bon-Pasteur ferment la marche en 1844.
En plus du recrutement extérieur qui amène plusieurs communautés au Québec, un véritable mouvement de fondation locale voit le jour au même moment. Pour la seule période de 1841 à 1866, ce sont quatorze communautés nouvelles qui s’établissent ou sont fondées dans le diocèse de Montréal dont Mgr Bourget est à la tête.
Le vaste héritage
Les décennies 1840 et 1850 sont donc une période de grand renouveau dans l’Église catholique au Québec. Le travail de Mgr Bourget permet de mettre fin à une période de déclin constant. À son décès en 1885, l’oraison funèbre et les journaux de l’époque parlent de Mgr Bourget comme d’un homme ayant ni plus ni moins qu’« assuré la sauvegarde de la nationalité canadienne-française, si vigoureusement appuyée sur la religion catholique ».
Cela fera dire à son contemporain Louis Colin, ancien supérieur de Saint-Sulpice : « cet évêque fut sans contredit, pour l’Église du Canada, l’homme le plus considérable et le plus prodigieux de son siècle ».
Bref, les éloges ne tarissent pas pour mon cousin. Le jésuite Léon Pouliot a même rédigé une biographie énorme en cinq volumes de Mgr Bourget dans l’intention de soutenir un procès à Rome en vue de sa béatification !