Notre-Dame-des-Anges
Photo: Pierre-Jean Gauthier / Wikimedia Commons

Touristes chez nous, prise deux

Je vous propose encore une fois de jouer aux touristes chez nous en vous donnant envie de découvrir certaines églises en dehors de celles mises de l’avant par l’industrie touristique. Cette fois, la balade virtuelle se concentrera uniquement sur la chapelle Notre-Dame-des-Anges, située au 260 boulevard Langelier.

Un petit bijou patrimonial méconnu de la région de la Capitale nationale. Oui, oui, région et non ville de Québec, puisque légalement l’ensemble conventuel des Augustines est une municipalité autonome ! 

Sa frontière est d’ailleurs très visible. La municipalité est entièrement délimitée par la clôture monastique, un gros mur en pierre impossible à manquer, qui entoure l’enclave religieuse du quartier Saint-Roch. Le lieu ne se limite donc pas à une chapelle : c’est tout l’ensemble conventuel (donc la municipalité en entier !) qui est classé lieu historique national depuis 1977.

Notre-Dame-des-Anges: un lieu témoin du passé

La chapelle conventuelle date de 1671-1673 et a été fondée par les Récollets. En effet, les Augustines arrivent plus tard, en 1692, à la suite de l’achat du monastère par Mgr de Saint-Vallier, second évêque de Québec. L’évêque et les sœurs se servent du lieu pour fonder un hôpital général qui existe encore de nos jours. Vous pouvez d’ailleurs aller visiter Monseigneur en même temps que la chapelle… Il vous suffira de faire un petit détour par le cimetière jouxtant cette dernière ! 

Tant qu’à y être vous pourrez passer dire le bonjour au marquis de Montcalm et à ses soldats morts des suites de la guerre de Sept Ans de 1756 à 1763. 1000 d’entre eux s’y trouvent.  

Mais revenons à notre chapelle. Selon les archives, les Augustines ont trouvé une chapelle très sobre après la vente. 

En fait, les archives témoignent surtout de la grande politesse des sœurs. On sait maintenant qu’en réalité, quand elles ont investi le lieu à la suite du départ des Récollets, il n’y avait plus rien dans la chapelle. Un beau grand local vide ! Bref, au moment de la prise de possession, la barre n’était pas très haute pour améliorer la décoration !

Un tableau central

La pièce centrale du retable est une Assomption peinte en 1671 par un récollet, le frère Luc. Le tableau avait été retiré, comme tout le reste du retable, au moment de la vente aux Augustines par les Récollets. Il a toutefois su retrouver son lieu d’origine à la fin du 17e siècle. Ce serait le père Juconde Drué, récollet chapelain des Augustines de 1693 à 1698, qui aurait rapatrié l’œuvre. 

Il ne faut pas penser que les liens des Récollets avec la chapelle se sont entièrement effacés à la suite de la vente. C’est même autour du tableau du frère Luc qu’on pensera le décor intérieur de la chapelle. 

Cette pièce centrale illustrant l’Assomption de la Vierge est d’ailleurs entourée par des médaillons représentant saint Augustin et saint François d’Assise… qui sont respectivement les saints patrons des Augustines et des Récollets ! 

En 1770, Pierre Émond réalise un lambris de bois de chêne orné d’une vingtaine de scènes de paysages. L’élément essentiel, bien au-delà de l’artiste, est qu’il est rarissime pour un lieu de culte de présenter une série de paysages. En 1825 s’ajoutera au décor un important ensemble de neuf tableaux grand format peints par Joseph Légaré. 

Une division ciel/terre

Cet ajout permet de combler une lacune plutôt importante… l’absence du Christ dans la chapelle ! En effet, le précédent décor ne comportait aucune illustration de ce dernier, ce que corrige Légaré avec cinq scènes sur neuf représentant le Messie. S’ajoutent en même temps au décor un saint Pierre et un saint Jérôme. 

Cet ajout de 1825 vient créer une division de l’espace entre une partie basse et une partie haute. Le paysage qui figure sous le lambris rappelle le monde humain. À l’inverse, la section au-dessus est réservée au Christ et aux divers saints, représentant ainsi un espace divin. Et c’est là tout le génie du décor de Notre-Dame-des-Anges. On y voit la création et ceux qui veillent sur celle-ci ! 

Et c’est là tout le génie du décor de Notre-Dame-des-Anges. On y voit la création et ceux qui veillent sur celle-ci !

Nous sommes ici face à une chapelle conçue comme une œuvre d’art totale. 

Le fait que l’ensemble soit encore entièrement préservé dans son lieu de création plusieurs centaines d’années plus tard est une immense chance. Notre-Dames-des-Anges est tout simplement un lieu exceptionnel de notre patrimoine national qui gagne à être découvert.

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Dernier conseil. Si vous désirez visiter la chapelle Notre-Dame-des-Anges, mieux vaut vous renseigner auprès des sœurs sur les heures d’ouverture. 


Emmanuel Lamontagne

Emmanuel est historien de l'art et de l'architecture. Il se spécialise en iconographie et en architecture religieuse. Il travaille présentement dans le domaine de la conservation du patrimoine bâti.