Hildegarde de Bingen
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L’héritage médical de sainte Hildegarde de Bingen

Un texte d’Éric Plante

L’Association des facultés de médecine du Canada ou AFMC (2013) présente l’évolution récente de la notion de la santé. La santé n’est plus un but dans la vie lié à un état de fonctionnement dit « normal » de la personne et pouvant être perturbé, à l’occasion, par la maladie. Au-delà de la simple absence de maladie, la santé devient une ressource de la vie quotidienne, un processus d’adaptation des capacités physiques et psychologiques de la personne à son contexte de vie sociale et économique. Hildegarde de Bingen (1098-1179) avait compris cela depuis longtemps.

Sainte Hildegarde de Bingen est une religieuse mystique allemande, une moniale bénédictine, une abbesse, une compositrice ainsi qu’une femme de lettres et de sciences. Elle a vécu de 1098 à 1179. Le pape Benoît XVI l’a proclamée docteure de l’Église catholique le 7 octobre 2012.

Cette sainte du 12e siècle a déployé un engagement apostolique très actif. Elle a effectué des voyages missionnaires dans le nord-ouest de la Bavière, à Würzburg, à Bamberg, à Cologne et à Trêves. Dans les monastères ou sur les places des marchés publics, elle prêchait la pénitence et la conversion. Son génie s’étend au domaine de la médecine, où elle nous montre que nos approches contemporaines des soins et de guérison gagnent à puiser dans une diversité de traditions de santé (Herztka, 2013).

Hildegarde suggère d’accorder une place plus quotidienne à notre vie spirituelle. Ainsi, les désirs des sens cessent de nous fasciner. Ce n’est pas de renoncer aux penchants des sens qui crée des frustrations, mais de nous y confiner.

La vérité fuit les extrêmes

Selon cette grande mystique allemande, la santé devient une surabondance de vie, une aptitude à nous épanouir, avec l’aide de Dieu. Elle considère la personne sous les trois plans connexes du corps, du psychique et de la spiritualité, en lien avec la nature et le Créateur. Cette moniale bénédictine fait dépendre la santé d’un retour à l’unité intérieure connectée à la création et à son Créateur. La spiritualité est centrale à son approche de la santé.

Au Moyen Âge, l’accent était mis sur la pratique spirituelle, mais au détriment des soins du corps. Hildegarde s’opposait aux mortifications exagérées du corps.

De nos jours, à l’inverse, nous devenons esclaves des exigences de notre corps, auquel nos sociétés occidentales matérialistes vouent un culte engendrant des désordres alimentaires et des mutations esthétiques qui le dénaturent. Selon Hildegarde de Bingen, la vérité fuit les extrêmes (Hertzka, 2013). La santé est donc la « voie du juste milieu ». Le corporel, le psychique et le spirituel ont des besoins à harmoniser dans notre personne, que celle-ci cultive dans une relation vivante avec la nature et avec Dieu, le Créateur.

Hildegarde nous enseigne que la culture des pensées de méfiance, de tristesse, de peur et d’égoïsme est un poison pour notre être. Dans leur intensité et leur durée, ces pensées peuvent conduire à des maladies psychiques graves. La médecine occidentale nous confirme cette découverte médiévale.

À l’opposé, la culture, en Dieu, des pensées de foi, d’espérance, de compassion et de joie aident à prévenir des maladies psychiques et physiques, en plus d’aider à l’harmonisation de toute notre personne, et de notre personne avec la nature.

Désirs et liberté

Or, à notre époque vouée au culte du corps, comment contrer l’emprise des désirs de nos sens sans provoquer des frustrations mutilantes ?

Hildegarde suggère d’accorder une place plus quotidienne à notre vie spirituelle. Ainsi, les désirs des sens cessent de nous fasciner. Ce n’est pas de renoncer aux penchants des sens qui crée des frustrations, mais de nous y confiner.

Cela est semblable à une personne qui s’enferme dans l’obscurité, lors d’une journée remplie de soleil. Équilibrer les désirs de notre corps en les guidant par la spiritualité permet de ramener nos désirs à leur juste proportion et de redécouvrir notre liberté intérieure ou la « voie du juste milieu » (Hertzka, 2013). « Lorsque l’âme et le corps s’accordent dans leur rectitude, ils obtiennent dans une joie unanime des récompenses suprêmes. L’âme certes n’est ni chair ni sang, mais elle emplit et la chair et le sang, pour leur donner la vie » (Bingen, Une pensée par jour).

Cette voie sanitaire du juste milieu nous dispose à être plus disponibles au service de notre entourage immédiat et se nourrit de notre relation vivante avec la création comme avec notre Créateur.

Selon Hildegarde, une alimentation à base de fruits, de légumes et de céréales, la marche de communion avec la création et avec le Créateur, la prière, le chant, la méditation des Écritures ainsi que la pratique, avec une joie courageuse, de la charité permettent aux besoins de notre corps de retrouver leur juste place (Hertzka, 2013). Notre personne en vient, peu à peu, à vivre la sainteté, qui est la santé quotidienne de l’âme en symbiose avec la pensée, le cœur, le corps et le monde créé par Dieu.

Voilà l’appel à la sainteté ou à la surabondance de vie que nous adresse sainte Hildegarde de Bingen !


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