Thérèse d'Avila Madrazo
Peinture de Luiz de Madrazo. Wikimedia Commons.

Thérèse d’Avila et l’aventure de la grâce

À ma sœur Geneviève pour son anniversaire

« Quien a Dios tiene, nada le falta. Sólo Dios basta. »
« Celui qui a Dieu ne manque de rien. Dieu seul suffit. »

(Vers écrits par sainte Thérèse d’Avila dans son bréviaire.)

Beaucoup de gens qui ont essayé de lire les écrits de sainte Thérèse d’Avila se sont vite découragés. Souvent désemparés, on se sent bien loin de la réalité mystique et spirituelle qu’elle relate. 

Du moins, c’est ce qui semble à première vue. Elle-même se sentait bien impropre à écrire sur Dieu et sur la relation que l’âme entretient avec Lui. Si elle finit tout de même par se mettre à l’ouvrage, ce n’est que par pure obéissance envers ses supérieurs et confesseurs. Celui (ou celle) qui obéit ne se trompe pas1.

Ainsi, celle qui deviendra la patronne de l’Espagne et docteur de l’Église — la première femme à en obtenir le titre — illuminera de sa sagesse ceux qui prennent la peine de la côtoyer. 

Ce qu’il faut comprendre de l’auteur du Château intérieur et du Chemin de la perfection, c’est qu’elle-même était d’abord une âme très pratique ; ses nombreuses fondations de monastères du Carmel en sont la preuve vivante. En témoignent aussi ces vers de Paul Claudel dédiés à la sainte contemplative à la vie bien active :

Entre le ciel et la terre, si tendue que ses os sont séparés,
Entre l’obéissance et l’amour elle est comme une écartelée,
L’exigence immédiate de l’amour et la chose bonne ici qui lui est donné à faire,
Dieu lui-même des deux côtés qui l’appelle, à la fois dans le ciel et sur la terre !
[…] Et cependant les chemins de l’Estramadure et des Deux Castilles
La voient en marche jour et nuit pour planter une prieure et quatre filles
Où Dieu le veut, entre deux pierres du désert, le Carmel comme un rayon de miel fauve…

Un épisode d’enfance

Petite fille, sainte Thérèse mêlait déjà un désir paradoxal de vie érémitique et de martyre. Avec son frère Rodrigue, elle rêvait de revêtir la pourpre des confesseurs de la foi et d’apporter le nom du Christ aux non-croyants. Elle trouvait le temps long et l’attente lui pesait.

Un beau jour, elle est partie vers les terres du sud à la rencontre des Maures, entrainant son frère, en criant « Éternité ! Éternité ! » Elle voulait être introduite le plus tôt possible dans la cour du roi du Ciel. Les deux enfants ont évidemment été vite arrêtés par leur oncle.

Cependant, ce petit épisode d’enfance nous en dit long sur l’ardeur et la hâte de la sainte d’Avila. Ce qui surprend lorsqu’on sait que plus tard, comme Carmélite, elle a souffert et enduré 18 ans de sècheresse spirituelle. C’est bien parce que la profondeur de son expérience mystique ne s’est pas faite du jour au lendemain, et que la patience que le Seigneur lui a inculquée a été un travail, que dis-je, une grâce de longue haleine, comme toute vie de prière. 

Chasser les serpents et les bêtes sauvages

Ainsi pour nous qui peinons au quotidien à cultiver une intimité avec Dieu, elle peut être une véritable guide. Elle nous apprend à chasser les serpents et les bêtes sauvages — c’est ainsi qu’elle appelle les pensées « profanes » —, qui du monde extérieur comme de notre propre psyché, surgissent pour nous détourner de la prière. Et petit à petit, nous apprenons à pénétrer dans le château de notre âme pour y trouver enfin, dans la chambre nuptiale, notre époux, le Christ.

C’est une parole vivante pour nous qui attendons la fin de la pandémie, mais surtout l’avènement du Royaume.

Sainte Thérèse d’Avila, priez pour nous. 



Emmanuel Bélanger

Après avoir commencé son cursus théologique et philosophique au Liban, Emmanuel Bélanger a complété son baccalauréat en philosophie à l'université pontificale Angelicum. Sa formation se ponctue de diverses expériences missionnaires au Caire, à Alexandrie, au Costa-Rica et à Chypre.