Contrairement à ce qu’on annonce dans le titre de l’article qui m’a fait bondir ce matin, l’Église ne change pas sa « doctrine » en ce qui concerne les personnes homosexuelles. Elle ne fait que réaffirmer la nécessité d’accueillir les personnes telles qu’elles sont. Les pères synodaux doublent cette exigence, cette fois, d’une invitation à reconnaître les dons particuliers de ces personnes.
Évidemment que les associations d’homosexuels sont contentes, nous dit l’article. Évidemment que les ultra-tradis sont outrés, aussi. Et voilà que tout le monde (journalistes et lecteurs) est reconduit dans ses confortables pantoufles idéologiques : dans la vie, y’a les gentils et les méchants; y’a les illuminés des Lumières et les obscurantistes médiévaux.
C’est ce que j’appellerais des extrémités intellectuellement douillettes. Le confort de bouffer une pensée prémâchée. Chaude et molle comme un hamburger de clown.
Avec un peu de chance, comme dans le cas qui nous intéresse ici, la « nouvelle » sera boostée d’un vox-pop ou d’une série d’opinions d’experts bienveillants qui nous aideront à réfléchir. Alors, la pensée prémâchée vient avec un bonus: elle est prédigérée. Bref, rendu là, on n’est pas loin de la sortie aux lieux d’aisance.
L’esprit critique
Imaginez. Vous êtes un physicien. Vous lisez le journal, parfois, le matin. Il vous arrive de tomber sur un article qui parle de physique. Vous le lirez avec un certain esprit critique. C’est normal. Et vous dénicherez sûrement quelques à-peu-près et raccourcis qui vous feront avaler votre bouchée de Special K de travers.
Vous êtes infirmier, comptable, mécanicien, enseignante… Il risque de vous arriver quelques fois la même chose.
Comme membre de l’Église catholique, journaliste et sociologue particulièrement intéressé à la « théorie du genre », je me permets de souligner ici le léger manque de rigueur dans un article publié hier sur le web par un réseau national d’information.
(À la défense du journaliste, soulignons quand même que les titres sont souvent décidés par le patron.)
Rectifions un peu
Ce Rapport après le débat général ne modifie pas le catéchisme, n’en déplaise au gentil journaliste illuminé de Radio-Can qui a pondu l’approximation journalistique. L’Église ne change pas sa « doctrine ». Le Vatican a publié un document non officiel, à la mi-parcours des travaux du synode, contenant des questions et quelques orientations afin de poursuivre le travail lors de la prochaine rencontre qui aura lieu l’an prochain.
Quand on va à la source et qu’on lit le paragraphe au complet, on se rend compte « [qu’]il n’est même pas acceptable que l’on veuille exercer des pressions sur l’attitude des pasteurs, ou que des organismes internationaux soumettent les aides financières à la condition d’introduire des lois s’inspirant de l’idéologie du gender. »
Le pape de la joie
On le voit bien, le pape François est différent. Il tire à boulets rouges sur les requins de la finance et autres soft-mafieux de tout acabit. Mais en même temps, il a tendance à s’accrocher à… sa catholicité. Et ça, les mass-media trouvent ça fâcheux. Il serait bien plus cool s’il n’avait pas ces positions pro-famille.
Ce qui apparaît comme une outrageuse confusion des « genres idéologiques » (oserait-il faire un pas du pied gauche, puis enchaîner avec le droit?), n’est en fait qu’une grande cohérence: le pape François est un humaniste chrétien.
Et de cette anthropologie – ce regard sur l’homme et sur sa véritable nature – naît une espérance contagieuse. Et de cette espérance, naît une joie qui se propage mieux que n’importe quelle doctrine.
Dans un monde gris, au fond, c’est peut-être cette joie qui dérange davantage que la doctrine. ◊