Lors des divers évènements tragiques ayant eu lieu l’année dernière, un nouveau mode d’expression de la sympathie fut de signifier au monde entier que #NousSommes ceci ou cela: #JeSuisCharlie, #JeSuisParis, #JeSuisMalien, etc.
En guise de solidarité envers les victimes, les réseaux sociaux s’enflammaient en quelques minutes seulement à la suite d’un attentat terroriste, d’une attaque, d’une catastrophe naturelle.
Depuis lors, le célèbre cogito, ergo sum de Descartes semble remanié à la saveur de notre siècle épidermique: sentio, ergo sum; je sens, donc je suis. Les émotions sont aussi intenses qu’éphémères. Jusqu’au prochain massacre.
Le bémol avec les dièses
Je ne fustige pas la compassion. Elle est nécessaire. J’en ai contre tous ses succédanés. Est-ce que le #JeSuisCeciOuCela est un pas vers une conversion, ou est-ce plutôt un mot-clic qui pacifie ma bonne conscience?
À la fin de l’année, nous avons été Charlie, puis le chanteur d’un groupe rock décédé d’overdose, puis nous sommes Paris, et enfin #JeSuis un béluga menacé d’extinction. Il y a là, j’imagine, quelque chose de profondément humain. Nous voulons être la personne qui souffre. Le Christ lui-même a pris la place du pécheur sur la croix.
De fait, bien avant nous, Jésus a popularisé la tendance du verbe être.
Visualisons la scène: Jésus débarque au milieu de ses disciples et leur lance tout bonnement: «Salut, les gars! En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fût, #JeSuis.» (Le tout, non sans rappeler ce qu’un certain buisson avait murmuré à Moïse: #JeSuisCeluiQuiSuis.)
Les Douze sont bouche bée.
Cela dit, si notre monde a un urgent besoin de compassion, il n’a pas moins besoin de personnes qui vivent dans leurs bottines, sans se projeter sans cesse dans la vie des autres.
Laissons-nous inspirer par cette audace du Christ. Soyons. Point. Le verbe, sans complément.
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Note:
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