«tout inclus»

Mon maudit voyage de noces

Nous avions prévu ce voyage bien avant qu’il fasse sa demande, parce qu’il nous semblait bon d’avoir un projet commun. Nous souhaitions découvrir le sud-ouest des États-Unis, plus particulièrement le Colorado et le Nouveau-Mexique.

Il y a un an, nous n’avions pas de voiture. J’étais convaincue de mon incapacité à conduire. Un jour, il m’a surprise avec un minivan trouvé sur kijiji, payé cinq-cents dollars et convertible, avec un peu d’imagination, en campeur. Quelques semaines plus tard, nous nous sommes fiancés. Je me suis inscrite à des cours de conduite. Notre grand road trip se ferait voyage de noces.

Ça part bien…

Après quelque 3000 kilomètres, nous sommes enfin prêts à commencer cette belle aventure. À notre arrivée à Garden of the Gods, un parc naturel du Colorado, nous sommes émerveillés par les formations géologiques qui s’offrent à nous. Je veux prendre un cliché de mon époux qui pose devant une roche. Il est à peine dix heures, il fait déjà plus de trente-cinq degrés Celsius.

J’ai les mains moites, pleines de sueur et de crème solaire.

Au moment même où j’appuie sur la touche, le cellulaire, le sien, me glisse des mains. Tombe sur le sol. Se fend en deux morceaux bien distincts. L’écran ne fonctionne plus. Nous ne pouvons plus utiliser ni l’appareil photo ni l’application GPS, qui contient toutes les cartes nécessaires à nos déplacements. Pendant que je me confonds en excuses, il reste stoïque.

Encore honteuse d’avoir brisé le précieux téléphone du mari, je verrouille la portière sans faire attention…

Je persiste à vouloir prendre de belles images. Nous retournons à la voiture pour prendre ma tablette. Encore honteuse d’avoir brisé le précieux téléphone du mari, je verrouille la portière sans faire attention.

C’est alors que j’aperçois les clés bien en vue, sur le siège du conducteur.

Sans dire mot, nous nous rendons au Visitor Center. Les bénévoles qui y travaillent sont d’une aide remarquable. Ils appellent le AAA (c’est pas du steak, c’est l’équivalent du CAA), qui promet de nous envoyer quelqu’un dans les plus brefs délais. Comme nous n’avons plus de téléphone, ils ne peuvent nous aviser du moment exact de l’arrivée de la dépanneuse. Une heure passe, puis deux. Il est maintenant midi. Le soleil plombe. Nous pensons qu’ils nous ont oubliés. Qu’il faudra rappeler et attendre encore plusieurs heures. Nous sommes à bout de nerfs. Le AAA finit par arriver. En moins de quinze minutes, nous avons récupéré notre voiture. On nous donne même une bonne adresse où faire réparer le téléphone.

On se dit qu’on y verra dès le lendemain. Qu’il est maintenant l’heure de trouver un endroit où se poser pour la nuit. C’est censé être notre première nuit en camping. J’ai lu qu’il y avait un site gratuit dans la forêt nationale, non loin de là. Feu le GPS indiquait que ça prenait environ cinquante minutes s’y rendre. Ni lui ni moi n’avons conscience de ce qu’implique rouler sur des chemins forestiers. Nous avons simplement hâte de prendre un verre et de soupirer un bon coup.

On se lance sur cette route sans nom ni garde-fou, marquée de panneaux qui, troués de balles, rappellent qu’il y est interdit de tirer du fusil.

Les cinquante minutes s’étirent. Nous réalisons que nous sommes perdus.

Le ciel nous tombe dessus

Après deux longues heures d’allers-retours sur ces chemins boueux, j’aperçois une indication qui nous mène au camping recherché. Nous arrivons enfin au bout de cette journée. Nous nous installons pour souper.

Il se met soudainement à grêler. Des morceaux de glace gros comme ça nous tombent sur la tête.  Nous nous regardons et hochons de la tête, ébahis. Nous passons la soirée cloitrés dans notre minivan.

Alors que je m’enorgueillissais de ce voyage soigneusement préparé, je me suis retrouvée humiliée face à ce gâchis : depuis le début de notre relation, nous n’avions pas connu d’aussi piètre journée.

C’est pourtant dans ce condensé de mauvaises péripéties que j’ai découvert le meilleur de mon époux :  depuis le début de notre relation, je ne l’avais jamais vu aussi patient et compréhensif.

Il y avait quelque chose, dans son regard, d’un amour qui le dépassait.

Ça disait :

– T’as vraiment manqué ton coup. Mais j’t’aime pareil.

Valérie Laflamme-Caron

Valérie Laflamme-Caron est formée en anthropologie et en théologie. Elle anime présentement la pastorale dans une école secondaire de la région de Québec. Elle aime traiter des enjeux qui traversent le Québec contemporain avec un langage qui mobilise l’apport des sciences sociales à sa posture croyante.