Minimaisons pour grands bobos

Le mouvement californien des Tiny Houses est arrivé au Québec. Et comme ici tout se doit d’être « festif », l’été 2015 aura donné naissance à son premier Festival des minimaisons, à Lantier, seule municipalité qui accepte les maisons de 308 pieds carré.

Vous avez bien lu: 308. Quoi! Il y a la chambre à l’étage! Bon. On ne peut pas tenir debout, mais bof! C’est « économique »! « Écologique »! C’est la façon rêvée d’avoir « accès à la propriété », martèle le Festival et les reportages des bulletins de nouvelles à la télé.

Entendez-moi bien. La minimaison, en soi, c’est bien. L’économie aussi. L’écologie aussi. Ce qui agace, c’est qu’on semble vouloir cacher – et on le cache très mal – l’individualisme crasse qui se cache derrière les bonnes intentions écono et écolo de cette mode.

Le mot « mode » est voulu. Si l’engouement pour la minimaison était suscité par un réel désir de simplicité, une authentique recherche d’humilité, ce serait tellement bon et beau à voir et à vivre.

Mais là, c’es bobo.

Qu’est-ce que le boboïsme?

Qu’est-ce qu’un bobo? J’y arrive.

« Bobo » est une contraction des mots bourgeois et bohème. C’est le journaliste américain David Brooks qui théorise le concept le premier dans son livre Bobos in Paradise : The New Upper Classe and How They Got There, en 2000. À l’époque, il voulait expliquer la manière dont les « yuppies » des années 80 – sa propre génération – avaient été inspirés par les valeurs bohèmes et ultralibérales de la contreculture des hippies des années 60 et 70.

Aujourd’hui, on remarque que les valeurs bobo font la loi dans la culture populaire, et même dans celle qui se veut intellectuelle ou artistique, et que ce sont les valeurs dites « traditionnelles » qui sont en train de devenir contreculturelles, par exemple, la famille, la religion, le nationalisme, le mariage, etc.

Même s’il y a le mot « bourgeois » dans bobo, il n’est pas nécessaire d’être riche, mais si on l’est, il semble être mal vu de le montrer ; on doit le cacher, car la richesse, voyez-vous, est souvent un mal – on doit, après tout, avoir l’air bohême…

Le bobo veut jouir sans entrave, vivre sans foi ni loi. Le plus souvent grand admirateur du Che et de la Révolution cubaine, et profondément nostalgique de Woodstock ou de Mai 68.

Quand on regarde d’un peu plus près ce Festival des minimaisons, on pourrait dire que ces cabanes au Canada sont faites POUR le bobo et PAR le bobo.

Il y vit comme un pauvre, seul comme un ermite, comme dans la nature et comme en communauté… comme ses ancêtres, si admirables, les hippies.

Vous aurez remarqué que le bobo est, le plus souvent, dans l’image qu’il projette de soi aux autres. Se disant bohême, il exècre le capitalisme et donc tout ce qui se rapproche de près ou de loin de la notion de pays – car on l’entend souvent dire qu’il est citoyen du monde, Imagine, de John Lennon étant sa prière matinale : pas de frontière, pas de religion, pas de possession. Il ne veut habituellement pas être propriétaire, sauf si c’est une minimaison-non-énergivore-écono-socialo-responsable-et-durable.

Il clame son humanisme, mais en vrai, quand on y regarde de plus près, on constate qu’il nie les besoins les plus fondamentaux de tout être humain.

Par exemple : un festivalier répond à la journaliste :

Vivre là avec des enfants? Il ne faudrait pas que ce soit trop trop mini… », rétorque-t-il, un peu gêné.

Eh oui! Dans la réalité, « dans la vraie vie » comme dit souvent mon petit gars de six ans quand il veut souligner la différence entre la vie et la vie dans un film – dans le réel, donc, on a besoin de place pour des enfants! À moins d’avoir la famille de 1.2 enfant en vogue… Mais alors, où mettre le 0.8 qui reste?!

Puis, on visite la maison d’un couple cinquantenaire. Mobiliers et accessoires dernier cri… mais la maison est « de matière recyclée ». Le couple a vendu sa maison pour celle-ci. Pour l’accès à la propriété, on repassera!

Et ce couple qui vie depuis trois ans « dans 125 pieds carrés avec quatre chiens et un chat! Voyez le reportage de TVA »!

Et ce jeune homme barbu, couette au vent, qui rêve d’« économiser pour surfer en Californie chaque année ».

« Au Festival, non seulement vous pourrez en apprendre plus sur des solutions d’habitations abordables, mais aussi sur plusieurs sujets connexes comme l’autonomie alimentaire, l’autonomie énergétique et le respect de l’environnement. »

Culte de l’autonomie

Être autonome. Se suffire à soi-même. Être avec les autres, mais seul.

« Payer moins pour votre habitation, c’est garder plus d’argent dans vos poches, réduire votre dépendance au travail et choisir une plus grande liberté financière. »

On ne travaille pas pour créer quelque chose, ou pour contribuer au bien commun, ou encore pour s’échanger des services. Non. On est « dépendant » du travail.

Passez une fin de semaine festive tout en ayant une chance de découvrir la minimaison et le milieu de vie de vos rêves. »

Festivités. Hédonisme. Ne plus travailler. Surfer.

Garçon! Un Jardin d’Eden SVP! Et surtout sans Dieu, hein!

La réalité c’est que l’homme n’est pas fait pour être écolo, écono, proprio ou commune-auto!

L’homme et la femme sont faits pour aimer et être aimés. Point.

Dans l’amour, il n’y a pas d’image. Il n’y a que du bonheur, du travail et de la souffrance. Il n’y a pas de surf non plus. Il n’y a que du combat spirituel pour demeurer dans l’Amour.

La seule chose qui donnerait du sens à cette mode des minimaisons, dans le fond, c’est l’amour.

Faire tout ça par amour pour les autres.

Mais là, c’est bobo.

Brigitte Bédard

D’abord journaliste indépendante au tournant du siècle, Brigitte met maintenant son amour de l’écriture et des rencontres au service de la mission du Verbe médias. Après J’étais incapable d’aimer. Le Christ m’a libérée (2019, Artège), elle a fait paraitre Je me suis laissé aimer. Et l’Esprit saint m’a emportée (Artège) en 2022.