Le 8 octobre 2018, j’ai vécu un sacrement du pardon qui a changé radicalement ma vie. Étant à Florence depuis environ un mois pour mes études doctorales, je me suis confessée à un prêtre, choisi au hasard, durant une soirée de prières.
Au milieu de la confession, il m’a regardé droit dans les yeux et m’a dit, les yeux pétillants et le sourire aux lèvres, que je devrai en priorité devenir humble. « Il va falloir que tu redeviennes comme un petit enfant. »
« Si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. » (Mt 18, 3)
Son sourire m’a fait sourire. J’ai senti mon cœur s’exclamer « oui, je le ferai » et mes lèvres ont de fait prononcé « sì, ce la farò ».
Sauf que devenir humble, c’est plus mystérieux et plus difficile que je ne le pensais au départ. Ça ne se fait pas à coup de belles pensées, de belles réflexions. Tant et si bien que j’ai passé plusieurs mois à me lamenter auprès de ce prêtre florentin : « Come si farà? Comment deviendrai-je humble ? »
« Vedrai. Le Seigneur te montrera. Sois patiente. » me répétait-il.
Humiliation psychologique
Et le Seigneur m’a effectivement montré une voie : celle de l’humiliation.
Car mon cheminement à Florence m’a humilié. Et ce devant le même prêtre qui m’avait demandé de devenir humble.
Devant lui, j’ai appris à me sentir vulnérable, comme un petit enfant. C’est après plusieurs mois à lutter, à pleurer et à trembler de honte que j’ai fini par baisser les armes et que je me suis humiliée.
« Ho bisogno di te. J’ai besoin de ton affection et de ta présence. J’ai besoin d’être aimée, comme un enfant a besoin d’être aimé par son père. »
J’ai avoué ma faiblesse psychologique. Et j’ai fait mon premier pas vers l’humilité, vers la voie de l’enfance.
Humiliation physique
En revenant au Québec, je ne me doutais pas que Dieu me préparait d’autres humiliations, pour me rapprocher de lui et détruire mon orgueil.
Après l’humiliation psychologique, c’est à une humiliation physique que j’ai gouté.
Ma grossesse m’a fait connaitre d’abord l’humiliation de quémander sans cesse de l’aide à mon mari ainsi qu’à ma belle-mère. Souffrant d’hyperémèse gravidique durant les trois premiers mois, j’avais perdu mon autonomie.
Le 8 octobre 2020, deux ans donc après ma fameuse confession à Florence, je me suis rendue à l’hôpital pour accoucher de mon premier fils.
L’accouchement m’a fait expérimenter la douleur et la faiblesse de mon corps. Moi qui désirais vivre un accouchement naturel, après six heures de contractions intenses, je n’ai pas pu résister à l’offre de la péridurale. Je ne pouvais juste plus tolérer la douleur, et ce malgré ma bonne volonté de « prier dans la souffrance avec le Christ ».
Mon accouchement s’est finalement terminé avec les forceps… et une déchirure importante du périnée.
Apogée de l’humiliation
Et il y a eu l’apogée de l’humiliation !
Dimanche dernier, premier jour avec mon fils à la maison, je dois me rendre à l’urgence. Rien de glorieux : un caca impossible à évacuer, me causant une douleur importante.
Juste avant que ma belle-sœur arrive pour me reconduire à l’hôpital, je me fais pipi dessus en toussant. Je suis découragée.
Je me présente finalement à l’urgence vers 23 h et j’explique en pleurant ma situation à l’infirmière. Je me sens coupable d’abandonner mon fils pour sa première journée à la maison.
« Pas facile les hormones ! » me répond-elle candidement.
Je la remercie intérieurement pour cette belle empathie.
Le médecin m’examine avec pitié. « Vous ne l’avez pas facile. C’est une grosse déchirure. Et pour la selle, on va devoir vous faire un lavement. »
Je me retrouve dans les toilettes de l’hôpital et j’attends, sous les conseils de l’infirmière, la délivrance. Délivrance qui survient plus tôt que le temps qu’elle m’avait indiqué. Je souille mes pantalons, le sol et la toilette. Rien de joli ! je vous épargne les détails !
J’appelle l’infirmière pour qu’elle me fournisse de nouveaux pantalons, afin de retourner chez moi.
« J’ai seulement trouvé deux jaquettes d’hôpital. Mets-en une à l’avant, une autre à l’arrière. »
Le médecin me regarde paternellement, un peu amusé tout de même par mon accoutrement.
« Tachez de vous reposer maintenant. Je vous comprends. Les premières journées avec un bébé, c’est pas facile ! »
Apologie de l’humiliation
Il est deux heures du matin. J’attends ma belle-sœur dans le stationnement du CHUL, avec mes deux jaquettes et mes crocs.
Et ça me fait rire. Je me sens tellement libre !
Libérée de ma crotte.
Libre de retourner prendre mon fils dans mes bras.
Libre de mon orgueil.
Je me sens libre sous le regard bienveillant du Seigneur, qui aime ceux qui sont comme des petits enfants. Qu’ils soient pleins de crottes ou pas.
Vraiment, le Seigneur m’a humiliée pour mieux me relever.
« Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. » (Lc 1, 52)