Prendre soin de la poule

Dans son récent papier au Devoir, Francine Pelletier n’a pas tout faux, vous savez. J’ai voulu en savoir plus sur la « politique nataliste » de la CAQ. Je n’ai rien trouvé, sauf le discours du chef.

En le lisant, j’ai soupiré de lassitude.

Encore une fois, on veut « travailler à éliminer les différents obstacles financiers qui se dressent devant les familles du Québec qui désirent avoir un enfant ». On veut diminuer les impôts des familles, car « quand vient le moment où les couples souhaiteraient avoir d’autres enfants, ils y renoncent souvent ».

On veut aider les familles parce que vous savez, « une augmentation des naissances, c’est dans l’intérêt de tout le Québec. Ça veut dire une économie plus forte! », parce que, vous savez, « la famille, c’est l’âme de la nation québécoise ».

Misère de misère.

Mme Pelletier a bien raison: « Comme disaient les mères à leurs filles jadis avant leur nuit de noces: « Ferme les yeux et pense au pont Champlain. » Ou à toute autre icône de l’économie québécoise souffrant d’abandon. »

Pas très érotique tout ça.

Si une baisse d’impôts de 1000$ par année, ou bien un bonus de 3000$ vous donne envie de faire un enfant, eh bien, ma foi, probablement que votre vie manque cruellement de piquant. Vous êtes peut-être murs pour aller faire un petit voyage dans le Sud ou sauter en bungee.

L’œuf

Ne nous demandons pas ce que l’économie peut faire pour la famille, mais demandons-nous ce que la famille peut faire pour l’économie.

Il y a un rapport étroit entre la famille et la vie économique. On ne peut le nier. Mais l’économie n’est pas le moteur d’une nation; c’est la famille qui l’est.

L’économie n’est pas une entité indépendante. Elle doit sa vitalité au travail de la famille.

L’économie n’est pas une entité indépendante – comme un œuf! Elle doit sa vitalité au travail de la famille, laquelle agit dans toutes les sphères sociales.

« L’économie est née du travail domestique: la maison a longtemps été et continue d’être – dans de nombreux endroits – une unité de production et un centre de vie. » (1) La famille engendre l’économie. Pas l’inverse.

Notre monde concentre ses politiques sur l’économie en disant que les familles en bénéficieront. C’est pourtant par la famille, en valorisant ses dons, ses talents et son travail, que la vie économique se développe!

«La famille doit donc être considérée, à bon droit, comme un acteur essentiel de la vie économique, orientée non pas par la logique du marché, mais par celle du partage et de la solidarité entre les générations ». (2)

La poule

Francine Pelletier amène un début de solution:

« Il faudrait des CPE gratuits partout, des congés parentaux obligatoires d’un an, des pères prêts à rester à la maison, des règles interdisant la discrimination de femmes enceintes au travail, des autobus, des rues et des restaurants conçus pour les enfants, des couples qui durent, des salaires qui montent et un environnement sans pesticides ou autres poisons susceptibles de s’attaquer à votre système reproducteur. Bref, une vision du monde qui, on s’en doute, n’est pas sur le point de se réaliser. »

Ici s’arrête la réflexion de la féministe. Elle oublie une bonne partie de la population; j’ai nommé les mères (ou les pères) à la maison.

Il faut d’abord « éliminer tous les obstacles qui empêchent les époux d’exercer librement leur responsabilité de procréation et, en particulier, ceux qui contraignent la femme à ne pas accomplir pleinement ses fonctions maternelles » (4).  Occupons-nous de la poule, et on aura des bons œufs!

Si l’on pense famille, on serait en droit de se demander s’il est normal que les femmes soient toujours prêtes, toujours performantes, toujours disponibles à travailler?

Ne serait-il pas temps que notre société admette que les femmes devraient bénéficier d’une politique spéciale étant donné leurs fonctions maternelles? N’est-ce pas ça, le véritable féminisme? Les besoins des femmes ne sont pas les mêmes que ceux des hommes. Et je ne parle pas seulement des SPM…

Comme le dit la philosophe Thérèse Hargot:

La véritable libération de la femme ne réside pas dans la négation de ce qu’elle est, mais dans la défense de ce qui la constitue, notamment sa fécondité.

Thérèse Hargot, Une jeunesse sexuellement libérée (ou presque)

Une vraie politique familiale va plus loin qu’une baisse d’impôts. Si l’on veut valoriser la famille, la mettre véritablement au centre de notre société, on doit avant tout valoriser la maternité des femmes. Prendre soin de la poule, quoi !

Une politique familiale devrait permettre aux femmes d’avoir autant d’enfants que leur cœur et leur corps le désirent. La maternité devrait recevoir un traitement spécifique dans le monde du travail. C’est donc tout le Code du travail qui serait à revoir.

Le sens de la vie

Francine Pelletier a raison de dire qu’« en matière de conciliation travail-famille, l’arrivée des femmes sur le marché du travail n’a jamais été proprement réfléchie ».

La maternité ne peut être mise de côté ou considérée comme un obstacle à l’épanouissement personnel.

Portons plus loin notre réflexion.

Non seulement les CPE pourraient être gratuits pour les mères qui travaillent, mais celles qui désirent demeurer à la maison bénéficieraient d’une compensation économique au moins égale à celle d’autres travaux.

Il faut savoir que les CPE reçoivent déjà du gouvernement une subvention pour chaque enfant. Cela aide les femmes qui travaillent.

Être à la maison devrait faire partie du traitement spécifique accordé à la maternité dans le monde du travail.

Cependant, les mères qui sont à la maison ne reçoivent aucune aide de ce genre. Être à la maison devrait faire partie du traitement spécifique accordé à la maternité dans le monde du travail. À cause de leur maternité, les femmes devraient pouvoir faire ce choix, soit parce qu’elles souhaitent avoir plus de trois enfants, soit parce qu’elles préfèrent travailler temps partiel, soit parce qu’elles décident de mettre en veilleuse leur carrière.

Il y a donc, présentement, deux classes de femmes. On se demande comment il se fait que les femmes n’aient jamais lutté pour obtenir des droits pour toutes les femmes, indépendamment de leur choix de vie.

Actuellement, la politique familiale québécoise aide les femmes à retourner travailler le plus tôt possible après l’accouchement. (Un an ? C’est ridicule !)

Voilà la place que nous donnons aux familles, à la maternité, à la paternité – ils sont des petits grains de sable qui ralentissent le grand engrenage économique, ce petit dieu que nous adorons en croyant qu’il nous donnera un pays et un sens à nos vie.

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Note :

(1) Compendium de la doctrine sociale de l’Église, Éditions de la CECC, p. 122, article 248.

(2) Idem.

(3) Op. cit., article 251.

(4) Idem.

Brigitte Bédard

D’abord journaliste indépendante au tournant du siècle, Brigitte met maintenant son amour de l’écriture et des rencontres au service de la mission du Verbe médias. Après J’étais incapable d’aimer. Le Christ m’a libérée (2019, Artège), elle a fait paraitre Je me suis laissé aimer. Et l’Esprit saint m’a emportée (Artège) en 2022.