Mon fils sera-t-il athée ?

J’ai rendez-vous avec mon accouchement cette semaine. J’ai fini par me ranger à l’avis de mon médecin, qui voit dans ma grossesse un autre cas « à risques » nécessitant un déclenchement. Polyhydramnios oblige !  

Je devrais être heureuse, contente, fébrile. Mais j’ai peur. Pas de l’accouchement comme tel… J’ai peur de l’absurde. Je me sens de retour à la case départ. 

Le début de la grossesse 

La case départ, c’est l’état psychologique qui m’a habité durant mes premières semaines de grossesse.

Après mon mari, c’est mon père spirituel qui a appris le premier la nouvelle. « Che bello Sono molto contento ! », s’est-il exclamé. 

Mais il a bien vu que je ne me réjouissais pas autant que lui. Et j’ai dû lui avouer que je n’arrivais pas à me défaire de deux idées : 1) je serai une mauvaise mère et 2) mon fils sera athée et vicieux. 

Comment moi, qui n’ai pas été élevée dans la foi, pourrais-je protéger mon fils de la sagesse du monde ? Il vivra la même enfance que moi. Pire : la même adolescence !

Une vie plongée dans l’absurde.

(Oui, je sais : les philosophes sont déprimants et pessimistes. Philosophe enceinte ou pas…)

Deux vérités

La bonne nouvelle, c’est qu’une grossesse, c’est long. Ça laisse le temps de penser, de cheminer et de reprendre courage.

C’est donc ce que j’ai entrepris, avec l’aide de mon directeur spirituel. 

Il m’a demandé de prier et de méditer ces deux vérités : 1) Dieu n’était pas absent durant mon enfance et mon adolescence, même si je ne le connaissais pas et 2) mon fils grandira dans la foi, dans une famille chrétienne, et n’est destiné ni au vice ni à l’incrédulité.

« Parce que tu portes en toi la fausse impression que Dieu s’est fait absent dans ton passé, tu en déduis faussement qu’il ne sera pas présent dans le futur, pour ton fils. Mais Dieu était présent dans ton passé. Et il le sera dans le futur. Addirittura ! Il le sera encore plus clairement. »

Dieu était présent

C’est donc tout mon passé que j’ai dû revisiter durant les derniers mois, pour faire croitre en moi la conviction que Dieu était proche, qu’il me tirait à lui, nonobstant ma culture, ma famille, mes pensées. 

Je n’ai pas été baptisée enfant. Je n’ai rien connu de la religion. Jamais ouvert une bible, jamais assisté à une messe dominicale avant 18 ans.

Par erreur, il est vrai, j’ai suivi en première année un cours de religion. Et un jour, en rentrant de l’école, ma mère m’a raconté que j’avais même commencé à réciter spontanément un « Je vous salue Marie » dans l’auto. Mais, comme elle aime ajouter, elle m’a bien expliqué de ne pas recommencer…

Mon père, lui, m’a répété durant toute mon enfance et mon adolescence que la religion était une ânerie. « Dieu, c’est comme le père Noël : une invention humaine pour nous rassurer et nous faire plaisir. »

Où était Dieu alors ? Comment penser qu’il me tirait à lui alors que j’ignorais tout de lui ? Où l’aurais-je donc trouvé au milieu de l’athéisme dans lequel je grandissais ?

Il était dans le « murmure d’une brise légère » (1 Rs 19, 12).

Dieu était cette brise légère qui effleurait parfois mon cœur. Comme quand, vers sept ans, j’ai assisté à des funérailles avec mon père et que je me suis émerveillée devant la beauté de l’église dans laquelle je me trouvais. Ou comme quand, vers dix ans, je suis devenue amie avec François, atteint de trisomie. Ou comme quand les livres fantastiques, plein de merveilleux, me faisaient rêver à une vie plus grande, plus héroïque. 

Dieu était aussi dans mes blessures et mes péchés. Repassant mes souvenirs un par un, avec le regard de la foi, il me semble apercevoir Jésus porter, par sa croix, mes douleurs d’enfants et mes péchés d’adolescente. 

Dieu était encore dans ma « soif ». Dans ma soif de vérité et d’absolu. Dans ma soif de vivre pleinement. 

Et comme pour la Samaritaine, c’est finalement ma soif de vivre qui m’a conduite à la rencontre de l’auteur même de la vie.

Dieu sera présent 

Dieu a habité mon passé. Discrètement, certes. Il m’a accompagné dans la mesure du possible, étant donné mon milieu, ma famille, mes pensées.

De même, il habitera le futur de mon fils. Mais cette fois, pas sous le couvert de l’anonymat. Son nom sera loué, proclamé, annoncé !

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Ces commandements que je te donne aujourd’hui resteront gravés dans ton cœur. Tu les rediras à tes fils, tu les répèteras sans cesse, à la maison ou en voyage, que tu sois couché ou que tu sois levé. » (Dt 6, 5-7)

Mon fils choisira ou refusera librement la foi. Mais s’il abandonne Dieu un jour, j’ai confiance que Dieu, lui, ne l’abandonnera pas, comme il n’a d’ailleurs jamais abandonné sa mère… 

Dieu était et sera présent. Voilà le point d’arrivée de ma grossesse. Voilà les deux vérités vers lesquelles mon père spirituel m’a guidée durant les derniers mois et que mon cœur ne doit pas oublier. 

« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ; espère le Seigneur. » (Ps 26, 13)


Laurence Godin-Tremblay

Laurence termine présentement un doctorat en philosophie. Elle enseigne également au Grand Séminaire de l’Archidiocèse de Montréal. Elle est aussi une épouse et une mère.