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Illustration : Marie-Pier LaRose.

Bébé « napro », bébé miracle

On connait bien la recette pour concevoir un bébé. Pourtant, ce ne sont pas tous les couples qui voient leur rêve d’enfant se réaliser aussi simplement. En 2021, l’infertilité touche environ 300 000 couples au Canada. Marie-Christine et Jean-Philippe ont vécu un parcours d’espérance d’enfant parfois douloureux, cachant dans ses retranchements un sentiment de solitude et de désert à traverser. Leur expérience les a menés vers la naprotechnologie, et ils espèrent que le chemin qu’ils ont ouvert servira à d’autres couples.

L’infertilité toucherait près de 40 à 45 % des couples dans le monde. Devant cette condition de plus en plus répandue au 21e siècle, la science et la médecine s’efforcent d’offrir des solutions pour ceux qui voudraient voir un jour se réaliser leur rêve de famille.

Parmi celles-ci, on retrouve la naprotechnologie (Natural Procreative Technology), très peu connue au Québec et au Canada. Cette méthode offre une solution de rechange pour les couples aux prises avec des problèmes d’infertilité et qui ne désirent pas se tourner vers la procréation médicalement assistée (PMA). Conçue par le docteur Hilgers il y a plus d’une trentaine d’années aux États-Unis, la naprotechnologie s’est perfectionnée de plus en plus au fil d’études scientifiques et continue à progresser.

Un cycle sans fin

Après quelques mois à essayer de concevoir un enfant, Marie-Christine et Jean-Philippe commencent à se questionner, sans toutefois vouloir s’inquiéter outre mesure. Mais le temps passe et toujours pas de signe d’une vie dans le ventre de Marie-Christine : « À ce moment a commencé l’espèce de cycle qui se répète. On est rendu à la fin du cycle menstruel. Est-ce que les règles de Marie-Christine vont être en retard de quelques jours ? C’est un cycle d’espoir puis de déceptions. » Plus ils se rapprochent du « un an normal », plus l’inquiétude qu’il y ait « quelque chose » les ronge.

Cet article est d’abord paru dans notre numéro spécial automne 2021. Cliquez sur cette bannière pour y accéder en format Web.

Ils décident de se tourner vers un professionnel de la santé. S’ensuit alors un manège interminable, de liste d’attente en liste d’attente, pour rencontrer différents spécialistes. Et les mois passent, s’envolent. Pendant ce temps, le couple continue « d’essayer ». Montagnes russes d’émotions. « À un moment donné, ça fait un an et demi qu’on est mariés, ça fait deux ans qu’on est mariés, ça fait trois ans qu’on est mariés. Tu vois tes amis ou tes frères, tes sœurs, qui sont mariés depuis moins longtemps que toi, qui ont un bébé. Puis, leur bébé a un an, leur bébé marche, leur bébé parle. Ils arrivent à un deuxième, puis là tu te dis : j’ai même pas encore mes rendez-vous pour mes examens ! »

Finalement, Marie-Christine reçoit un diagnostic d’endométriose – comme elle le soupçonnait depuis longtemps, mais n’ayant jamais réellement été prise au sérieux et diagnostiquée – et se fait opérer. Après cela, normalement, plus d’entraves à l’horizon.

Pourtant, l’enfant espéré ne vient pas.

Évidemment, lorsqu’on les prend en charge médicalement, ils sont tout de suite envoyés « en in vitro ». Mais cette méthode ne répond pas du tout à leurs valeurs ni à leurs désirs. Ils ont souvent l’impression d’être peu écoutés et considérés ou mal compris. Peu ou pas d’options ne leur sont offertes. « On était dans le néant, on ne savait plus où se diriger. » Ils essayent de consulter les cinq ou six autres couples de leur entourage qui sont eux aussi touchés par « l’épidémie de l’infertilité ».

C’est presque « par hasard » qu’ils apprennent que la naprotechnologie est possible au Canada. Ils font les démarches et sont pris en charge. Après un long processus et beaucoup d’efforts et d’ajustements, le couple a la joie de découvrir qu’un petit bébé allait voir le jour en aout 2021. Ce qui est effectivement arrivé. Grâce à la « napro » ou pas ? « C’est un mystère… » Mais dans tous les cas, c’est un petit miracle !

La naproquoi ?

Brigitte Diemand, instructrice en naprotechnologie depuis 18 ans et responsable du centre Cherish FertilityCare en Colombie-Britannique, suit des couples partout dans le monde par visioconférence. « Je fais ce travail parce que ça m’a aidée personnellement à avoir ma petite famille et parce que je vois tellement de gens que ça aide. C’est vraiment quelque chose de formidable qui doit être mieux connu. »

En tant qu’instructrice, elle accompagne les couples de manière très précise, leur expliquant comment s’observer et remplir eux-mêmes des tableaux. Il faut au moins deux cycles féminins avant que Brigitte ne puisse envoyer le couple vers un médecin formé en « napro » qui lira ces tableaux et s’en servira comme « point de départ » pour créer un plan de traitement. Ces tableaux sont extrêmement précis et sont le fruit d’une observation rigoureuse et de tests et de prises de sang échelonnés.

Dans la démarche, on s’intéresse particulièrement aux indices du corps de la femme, car, contrairement à l’homme, elle n’est pas toujours fertile. Toutefois, c’est la santé globale des deux partenaires qui est prise en charge, rappellent Marie-Christine et Jean-Philippe. « L’idée, c’est qu’on enlève le plus d’obstacles possible. » On veut régler un problème et non pas uniquement « mettre une patch ».

Un coup de pouce dans la courbe des naissances

Brigitte Diemand est surprise que la méthode de la naprotechnologie soit si peu connue, « parce que c’est simple », dit-elle en souriant. « Ça ne coute pas cher. »

Les traitements sont variés et uniques à chaque couple et situation, car ils « suivent le rythme du corps de la femme et de l’homme », explique Brigitte. « Des fois, c’est aussi simple qu’un complément alimentaire ! »

Par exemple, une femme qui aurait un cycle de 70 jours, plus long que celui des femmes en général, n’ovulera pas nécessairement au 14e jour, mais beaucoup plus tard dans le cycle. Ainsi, le couple qui se concentrerait sur les deux premières semaines du cycle va totalement rater la période de fertilité. Cela illustre la complexité et la variété des corps et des physiologies qu’on tente de comprendre et de mettre en lumière grâce à la naprotechnologie, pour donner un petit coup de pouce.

Les traitements peuvent aussi être des chirurgies ou des médicaments prescrits pour aider une ovulation ou pour aider à garder certains taux hormonaux :

« Avec la naprotechnologie, on sait à chaque semaine d’une grossesse où devrait se situer le taux de progestérone, et s’il n’est pas suffisant, on peut en donner un peu pour que la femme reste enceinte. Alors, les taux de fausses-couches sont très bas avec cette méthode », dit Brigitte. « C’est du soutien là où on a besoin, pas avant. On suit le couple jusqu’à ce qu’il ait une grossesse ou que le désordre gynécologique soit résolu. »

Suivre la nature, simplement

Évidemment, la naprotechnologie n’est pas une méthode 100 % efficace. Parfois, on ne peut rien faire « naturellement ». Dans ces cas, Brigitte tente d’orienter vers l’adoption ou autres. « Mais l’infertilité, c’est un parcours très difficile pour les couples. » Elle accompagne également des femmes qui ont des soucis gynécologiques.

La force de la méthode réside dans son rythme et sa dynamique avec la physiologie. « J’accompagne des couples de toutes religions, ou sans religion aussi, peu m’importe. Parce que, pour les gens qui veulent quelque chose de naturel, qui fonctionne avec le corps, la naprotechnologie est vraiment adaptée. »

« Dans la napro, on n’est pas dans une dynamique de contrôle des choses, mais dans le respect », expriment Marie-Christine et Jean-Philippe.

Une oasis dans le désert de l’infertilité

Selon différentes études scientifiques, simplement grâce à l’utilisation du tableau d’observation quotidienne, des taux de succès1 de 20 à 40 % sont observés chez les couples. Avec les traitements médicaux et la collaboration de médecins spécialisés, les taux de succès grimpent à 80 %, mais sur une période de 8 à 12 mois d’utilisation : « Parce que le traitement, ça prend du temps. Le corps a besoin de guérir. » Parfois d’un mal qui dure depuis longtemps, rappelle Brigitte.

La démarche de la naprotechnologie est toutefois exigeante et demande beaucoup au couple. « Ça prend du temps. Et habituellement, le temps que le couple trouve la naprotechnologie, il a déjà vécu un parcours très long. »

Parfois, les couples n’ont pas le soutien émotionnel nécessaire autour d’eux. Brigitte essaye surtout de les écouter et d’offrir des ressources comme des groupes de soutien, malheureusement peu présents physiquement au Canada, mais accessibles virtuellement.

Ils vécurent heureux et…

Marie-Christine et Jean-Philippe ont réalisé au cours de leur chemin que l’ouverture à la vie, ce n’est pas uniquement accueillir des enfants, mais accepter qu’il pourrait ne jamais y en avoir. Dans cette perspective, un enfant est un don, surtout pas un dû. Ils ont appris à s’abandonner et à accepter les limites de leur corps. Mais dans l’incertitude, passer à autre chose n’est pas si simple : « C’est très difficile, l’espèce d’équilibre entre garder l’espoir et faire un deuil », exprime Jean-Philippe. « Il n’y a pas de moment marqué, ajoute Marie-Christine. Ton désir est toujours présent… »

Pour la suite, ils verront. « C’était une longue période de désert que de passer à travers tout ça, mais là, on sait mieux quoi faire. » Ils ont trouvé une oasis pour continuer leur route… à trois !

Quelques ressources :

Brigitte Diemand (offre 20 minutes d’informations gratuitement via Cherishfertilitycare.com)

Naprotechnology.com

Pour trouver une instructrice : Fertilitycare.fr

Claire S2C illustre son parcours avec la naprotechnologie sous forme de bande dessinée sur son blogue.

Marie-Jeanne Fontaine

Diplômée en sexologie, Marie-Jeanne chante, jase et écrit. Femme de cœur (elle essaye !), elle trace sa petite route dans le Grand Large du Bon Dieu. Vous la trouverez devant son piano ou dans sa cour arrière, au soleil, en train de faire fleurir ses idées entre deux éclats de rire et un café.