whiskey
Photo : Dylan de Jonge / Unsplash

Petite théologie du whiskey

Dans le cadre de la fête de la Saint-Patrick, quoi de mieux que de s’assoir à la table d’un pub irlandais pour nous parler de whiskey… et de Dieu !

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours adoré les pubs irlandais. Il faut dire que l’ambiance de ces endroits tranche avec celle des restaurants et autres lieux branchés. 

Côté menu, un Irish pub digne de ce nom ne sert pas de mets exotiques et délicats. La carte tourne évidemment autour des classiques irlandais : fish’n’chipsshepherd’s pie et Irish stew, auxquels se sont greffés avec les années une panoplie de grillades et de gros hamburgers bien juteux. 

Ce sont des mets la plupart du temps bien gras, souvent lourds sur l’estomac et, surtout, toujours réconfortants. Les régimes ou la diète végétalienne, on oublie ça. 

Le décor typique du pub n’est pas plus épuré que le menu. Les murs sont pratiquement toujours couverts d’affiches de bières, de whiskeys, de reproductions des magnifiques paysages irlandais et de croix celtiques. 

Le whiskey, tout comme la création, est à la fois éminemment simple et complexe.  

Ce joyeux bordel digne d’une boutique d’antiquités baigne dans la pénombre perpétuelle. Les mauvaises langues bourgeoises vous diront que cela empêche de voir les verres sales…

J’aime plutôt y voir une incitation à la confidence. Parce que, pour moi, le pub c’est avant tout le lieu de rencontre entre chums de gars. Avec les spectacles de lutte, le pub est l’un des rares univers essentiellement masculins qui survit encore. On y va pour prendre des nouvelles, autant des amis qui nous y accompagnent que des habitués de la place que l’on connait forcément à force d’y passer du temps. Autant vous dire que, dans mon cas, je ressens un vide depuis un an.

Allégorie de la création

Évidemment, le tout se déroule autour d’un verre. Et c’est là que ça se complique. Lequel des 300 whiskeys de la carte essayer ? Qu’est-ce qui va me plaire ? Les premières fois qu’on va au pub, on est forcément perplexe, voire confus, devant autant de possibilités. Même que ça se voit et c’est en général à ce moment qu’un des piliers de la place ou un barman intervient.  

Il faut dire que le whiskey, tout comme la création, est à la fois éminemment simple et complexe.  

Comme tous les humains qui sont constitués de chair, d’os et de sang, le whiskey a toujours les mêmes ingrédients. C’est d’une simplicité enfantine : pour distiller un whiskey, on n’utilise que de l’eau et une céréale. Puis, on met le tout dans un tonneau et on attend. Les années font gagner l’individu en maturité et le whiskey en raffinement. Et les combinaisons, comme avec l’humain, sont infinies. La gamme de gout possible, tout comme la sagesse, se décline en une myriade de possibilités.

Et c’est ici que la quête commence. 

Trouver ce qui est la quintessence en whiskey est un véritable chemin mystique. Le but est le même pour tous les amateurs, accéder à un grand bonheur des sens au moment où le précieux liquide touche nos lèvres. 

Mais la route est parfois sinueuse puisque le bon chemin est rarement le premier que l’on emprunte. On va forcément se tromper, puisqu’on essaiera de toutes sortes de manières de trouver notre bonheur. Léger ? Floral ? Tourbé ? Boisé ? Fruité ? Corsé ? Il est souvent difficile de savoir comment parvenir à notre bonheur.

Avancer à tâtons

En matière de whiskey comme au plan spirituel, les choix sont nombreux, mais les chemins véritables sont difficiles à discerner. Plusieurs chemins de vie différents peuvent mener à Dieu, mais chacun d’eux ne nous conviendra pas nécessairement. Trouver son chemin de Damas est la plupart du temps le projet d’une vie. C’est même fort probable que, tout comme moi, vous aurez régulièrement l’impression de faire de déplaisants retours en arrière. C’est l’espérance d’un bonheur au bout de la route qui incite à continuer d’avancer.

Tout simplement parce que, bien souvent dans nos vies, on prend un chemin sans avoir la certitude de l’endroit où il nous mènera. C’est comme la bouteille de la marque qu’on ne connait pas et qu’on essaie au hasard. Possible que le résultat soit génial, possible que le contenu finisse dans l’évier ! 

Bien sûr, en whiskey comme en spiritualité, l’on fera des rencontres à travers nos pérégrinations. Il est possible d’obtenir des conseils. Et la plupart des gens nous aideront de bonne foi, même si souvent, bien malgré eux, ils nous induiront en erreur. Les guides fiables se font rares. 

Quiconque boira le meilleur verre de whiskey aura encore soif. D’où l’importance de chercher également un guide qui offrira une eau qui étanchera notre soif pour toujours.

Bonne Saint-Patrick !

Sláinte ! 


Emmanuel Lamontagne

Emmanuel est historien de l'art et de l'architecture. Il se spécialise en iconographie et en architecture religieuse. Il travaille présentement dans le domaine de la conservation du patrimoine bâti.