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C’est bien connu et ça dérange de plus en plus de monde : dans l’Église catholique, les femmes ne peuvent pas devenir prêtres. Ça en choque plusieurs, c’est accepté d’un petit nombre et ce n’est compris par à peu près personne.
Grand écart ecclésial ?
Comme les papes l’ont plus d’une fois rappelée, cet enseignement « définitif et infaillible » ne changera pas de sitôt. En fait, il ne changera jamais, et ce, même si Gabrielle Bouchard tourne ses pouces et les Femen retournent leur t-shirt.
Pour preuve, malgré de fortes pressions médiatiques, le pape François n’a pas bougé à ce sujet dans son plus récent texte sur l’Église en Amazonie. À contrario, il a plutôt dit qu’il fallait éviter de réduire l’Église à des structures fonctionnelles :
« Ce réductionnisme, écrit François, nous conduirait à penser qu’on n’accorderait aux femmes un statut et une plus grande participation dans l’Église seulement si on leur donnait accès à l’Ordre sacré. Mais cette vision, en réalité, limiterait les perspectives, nous conduirait à cléricaliser les femmes, diminuerait la grande valeur de ce qu’elles ont déjà donné et provoquerait un subtil appauvrissement de leur apport indispensable. »
Avouons-le, le pape argentin risque d’être un peu moins adulé par la presse pour quelques semaines.
En même temps, l’Église enseigne comme vérité absolument fondamentale de l’anthropologie chrétienne, l’égale dignité personnelle entre l’homme et la femme.
Contradiction de scribes en jupon ou folie de Dieu plus sage que les hommes ?
Je laisse à d’autres les débats d’exégèse biblique, de convenance théologique et de droit canonique. Comme je n’ai pas le pouvoir d’y changer quoi que ce soit, je me suis plutôt demandé pourquoi le Dieu qui a révélé qu’« il n’y a plus l’homme et la femme » (Ga 3,28) aurait pu vouloir chose pareille.
L’avenir est aux femmes
Et puis soudain, une idée a surgi (éclair de génie ou fusible sauté à vous de juger !) : peut-être que si les femmes ne peuvent pas devenir prêtre c’est qu’elles le sont déjà.
Après tout, qu’est-ce qu’un prêtre, sinon un médiateur entre Dieu et les hommes ?
Or, les femmes que je connais sont de bien meilleures diplomates que les hommes. Toujours prêtes à intercéder pour les petits, à dialoguer pour éviter la guerre, à pardonner (ou demander pardon) pour préserver l’unité. Comme disait Gandhi : « Si la non-violence est la loi de l’humanité, l’avenir appartient aux femmes ».
Qu’est-ce qu’un prêtre encore sinon le pasteur qui nourrit, guérit et protège son troupeau ? Dites-moi franchement, qui fait tout cela dans votre famille ?
Les femmes ont ce charisme qu’aimerait avoir tout prêtre : savoir comment rassembler une communauté, faire sentir à chacun qu’il est aimé et important. Elles comprennent l’importance de souligner les bons coups des autres et de célébrer les fêtes. Elles ont ce sens du mémorial qui rappelle les évènements importants d’une histoire d’amour. La preuve en est que ce sont rarement elles qui oublient les anniversaires de mariage !
Si les femmes ne peuvent pas devenir prêtre c’est qu’elles le sont déjà.
À bien y penser, ce n’est surement pas par défaut d’aptitude que les femmes ne disent pas la messe. Plutôt que de position et de qualification, la solution est peut-être davantage du côté de la représentation.
Après tout, le prêtre est, selon la formule consacrée, un alter Christus.
Qu’est-ce qu’un prêtre enfin, sinon un pro de l’offrande et du sacrifice ? N’est-ce pas que les femmes semblent avoir ce sens inné du don de soi, empressées à se dépenser pour les plus faibles ? Toutes les bonnes mamans et bonnes sœurs de chez nous en font l’éblouissante démonstration quotidiennement.
Ça va saigner
Parlant de sacrifice, cela me rappelle une étonnante conversation que j’ai eue il y a quelques années avec une grande dame du Burkina Faso. Elle étudiait en théologie et s’était spécialisée sur la question féminine.
Parlant de l’ordination réservée aux hommes, je m’attendais qu’elle me déploie une panoplie d’arguments en faveur d’une ouverture au sexe dévot.
« Au contraire, me rétorqua-t-elle, chez nous les femmes sont les plus opposées à cette idée ! »
Pour une rare fois dans ma vie je suis resté bouche bée.
« Pour nous, m’expliqua-t-elle, les femmes sont “trop nobles” pour s’abaisser à une telle tâche de verser le sang. Car le prêtre est avant tout un sacrificateur (kohen/hiereus). Si l’homme peut prendre la vie, la femme, elle, a pour vocation de la donner. » J’ai ensuite appris que dans son royaume d’Afrique de l’Ouest, si le roi a le pouvoir de condamner à mort, c’est à la reine que revient le privilège de gracier la vie.
Bien sûr, cette théologienne savait que le Saint-Sacrifice de la messe est le renouvèlement « non-sanglant » de l’unique sacrifice du Christ. Mais elle savait aussi qu’il ne s’agit pas d’un simple symbole, que le drame de la passion se joue réellement sous nos yeux, malgré le voile des signes sacramentels.
En tout cas, son point de vue est certainement le plus opposé au cléricalisme que j’ai jamais entendu.
Pour cette Africaine, aucun doute que le sacerdoce n’est ni une position de pouvoir ou de privilège humain, mais avant tout un service. Et ce sont les femmes qui les premières jouissent du privilège d’être servies par les prêtres.
Dans cette perspective, si les femmes ne peuvent devenir prêtres, c’est parce qu’elles auraient quelque chose de plus que les hommes !
Sens dessus dessous
Quoi qu’il en soit des véritables raisons qui poussent l’Église à dire qu’elle n’a, d’aucune manière, le pouvoir de changer cette pratique, cette affirmation demeure aujourd’hui fort impopulaire.
Les femmes siègent non pas au-dessous, mais bien au-dessus de leurs serviteurs en col romain.
Mais comme Marie qui, sans être elle-même prêtre, trônait néanmoins au sommet du palmarès des saints, les femmes portent toutes en elles les qualités sacerdotales enviées des hommes.
Comme Marie, mère du sacerdoce et reine des apôtres, les femmes siègent non pas au-dessous, mais bien au-dessus de leurs serviteurs en col romain.