C’est quoi une peine à vie? Qu’est-ce que ça représente vraiment? Le Verbe a rencontré l’intervenant psychosocial en milieu carcéral et ex-détenu Daniel Benson, qui nous explique à quoi ressemble sa vie depuis qu’il a tué son beau-père, un jour de juin 1982.
« Moi, les premiers mois de liberté, quand je rentrais dans mon appartement à 16h, je me sentais mal. Parce qu’à 16h, c’est l’heure du compte. Y’a personne qui me comptait! T’sais, en prison, si le lavabo coule, t’appelles le gardien, pis y’a un plombier qui va venir le réparer… »
C’est par ces mots que Daniel Benson raconte ses premiers jours de liberté. Il a passé 17 ans « en-d’dans » et demeurera en libération conditionnelle jusqu’à la fin ses jours.
Accepter les limites
« C’est facile la prison. C’est pas l’fun, mais c’est facile », poursuit-il.
Daniel Benson croit au pouvoir des mots. Et s’il y a un mot qu’il considère fondamental, autant pour ceux qui sont dans sa situation que pour tous ceux qui sont aux prises avec d’importantes limitations, c’est le mot « acceptation ».
Dans une tirade qui a tout d’un éloge à la résilience, il laisse tomber cette phrase: « La journée où on accepte, on est capable de vivre. »
Mais pour y arriver, l’ex-détenu a été soutenu. « Y’a pas d’évènement fantastique, j’ai pas vu la lumière, un jour. Mais y’a des gens qui ont été là à des moments précis de ma sentence, pis qui m’ont aidé. »
Une fois dehors
Difficile de s’imaginer à quoi ressemblera la vie hors de prison quand on y a séjourné des années durant.
Lucide, Daniel s’explique : « Il n’y a pas un être humain sur terre qui peut dire : bon, dans 25 ans, je vais être rendu là…
« On peut savoir à peu près où est-ce qu’on va être demain, ou la semaine prochaine. Peut-être qu’on sait déjà où est-ce qu’on compte aller prendre nos vacances l’année prochaine. Pis encore! On le sait pas. Mais où on va être dans 10 ans? Personne ne peut prédire ça! »
Bien sûr, on se fait des illusions. On se dit qu’une fois dehors, ce sera la fête.
« Pis là, t’arrives dehors, pis là t’as une petite job, faut que tu te trouves un appartement, pis t’as pas beaucoup d’argent. Pis là, tu te dis finalement que tu pourras pas vraiment faire ça, ni ça… Donc on s’adapte, constamment, à ce retour-là. »
Un boulet ou un privilège
Même « libéré », la prison continue de suivre Daniel Benson. Jusqu’à la fin de ses jours, il aura un agent de libération conditionnelle. Ne pourra circuler librement – sans permission – que dans un rayon de 50 kilomètres à partir du bureau de libérations conditionnelles.
Je lui demande : « Jusqu’à la fin de vos jours? »
« Jusqu’à la fin de mes jours, rétorque-t-il. Je rencontre mon agent tous les 3 mois. Mais je ne peux pas décider tout d’un coup d’aller passer la fin de semaine à Québec. Il faut que je demande la permission. Et mon agent va me demander : à quel hôtel je vais coucher, avec qui j’y vais, quelle voiture je vais prendre, etc.
« Les gens ne savent pas ça. Ils pensent qu’un libéré conditionnel, il fait ce qu’il veut… »
Mais Daniel ne joue pas du tout à la victime. Il sait pertinemment que cela fait partie de la peine.
« J’ai été condamné à la prison à vie. J’ai obtenu une libération conditionnelle. Une libération conditionnelle, c’est un privilège. Donc, c’est un privilège d’être en libération conditionnelle.
« Et je fais attention à mon privilège. Une peine de prison, on peut se révolter contre ça, et ne pas l’accepter. Mais quand on fait ça, on ne s’aide pas. Il est possible d’accepter les limites qui viennent avec ce nouvel état-là.
« Et malgré ces limites, il est aussi possible d’être heureux! »
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Pour aller plus loin :
Ne manquez pas le reste de l’entrevue que Daniel nous a livrée dans le numéro d’avril-mai 2016.