Mohamed
Un bénévole apprête la salle à manger, Maison Revivre. Photo: ©Gabriel Lapointe/Le Verbe.

L’incroyable procès de Colette L. Samson

Entre deux bourrasques de neiges, le soir du 8 février dernier, est passé quasi inaperçu un événement d’une beauté et d’une rareté inouïe.

Il était 19 heures, lorsque j’ai franchi le seuil de l’église Saint-Sauveur. J’étais surprise de m’y trouver seule. Cependant, avant que j’aie le temps de me dévêtir, un vieil inconnu avançait vers moi et me lançait de son plus bel accent Acadien : «Bon enfin, y’a du monde icitte!» Secouant la neige de son chapeau et prenant place à mes côtés comme un ami de toujours, il ajouta :  «Y’avait pas mal plus de monde quand ‘est morte! ».

« Elle », c’est Colette L. Samson, laïque. Et ce soir-là, entre deux bourrasques, c’était l’ouverture de son procès de béatification et de canonisation (1).

C’est en assistant à cette cérémonie au protocole impressionnant, 27 ans après sa mort, que j’ai fait la rencontre de cette laïque exemplaire. J’ai été vivement impressionnée par ce que j’ai appris sur elle, et j’ai eu envie d’en savoir davantage sur cette servante de Dieu.

Derrière le masque des gros durs

Colette Lamontagne (1923-1991) est Lévisienne d’origine. Elle épouse Jean-Louis Samson et ensemble, ils ont deux enfants.

En 1974, Mme Samson commence à rendre visite aux prisonniers de ce qui est aujourd’hui appelé le Centre de détention de Québec. Son cœur s’émeut face à ces marginaux. « Derrière le masque de gros tough, il y a toujours de la tendresse », constate celle que plusieurs appellent maman.

II suffit d’ailleurs qu’elle leur parle pour qu’ils se mettent à pleurer. Menaçants, ces gars? Non, c’est plutôt la peur qui les tiraille parce qu’ils ont trop enduré. « Et les gens qui les rejettent ne savent pas ça », poursuit-elle dans une entrevue au journal Le Soleil. Les détenus, lorsque leur libération approchaient, lui exprimaient leur angoisse : où iraient-ils demeurer, eux qui n’avaient rien?

Cela a suffi pour que Mme Samson, veuve depuis peu, retrousse ses manches et ouvre les portes d’un modeste logement de la rue de l’Église, ouvert aux plus démunis du quartier Saint-Roch. Nous sommes en 1978, et la Maison Revivre vient de voir le jour. Les gens qui y entrent reçoivent écoute compatissante, repas chauds et lit propre, la base de la base pour espérer retrouver sa dignité.

« La pauvreté n’est jamais attirante, il est vrai, surtout lorsqu’elle prend les traits d’alcooliques ou de drogués qui voyagent entre Robert-Giffard et la prison. Colette Samson, qui ne sait pas ce que c’est que de demander des références, les accueille tous du plus loin qu’ils arrivent. Au téléphone, elle leur dit : « Sois bien l’aise. Tu peux venir quand tu veux. Ici, c’est gratuit. » » (2)

Avec un tel accueil, des pauvres, il y en vient moult, et le local déborde rapidement.

Redoublant de cette foi inébranlable en la Providence qui lui était si caractéristique, Mme Samson fait appel à des communautés religieuses et à des hommes d’affaires. Ainsi, elle parvient à récolter les fonds nécessaires pour agrandir sa maison et accueillir davantage de pauvres, sur le boulevard Langelier cette fois.

Par et pour la charité

Depuis ses débuts, et encore aujourd’hui, la Maison Revivre ne vit que de charité.

L’histoire se répète ; les protégés de Colette Samson sont toujours plus nombreux, ce qui mène à un deuxième déménagement en 1986, dans une maison à trois étages sur la rue Saint-Vallier Ouest (un ancien édifice appartenant à l’époque à la ligue antituberculeuse!).

C’est à cet endroit qu’encore aujourd’hui, les hommes sans ressources trouvent un toit, une assiette comble, des vêtements chauds et du réconfort.

En 1991, cinq ans seulement après l’ouverture de la Maison, la servante de Dieu Colette Samson décède. « L’église de Saint-Sauveur n’a jamais été aussi remplie que lors de ses funérailles. C’était une chrétienne de grande foi et profondément engagée », témoigne Jean Picher,  le curé de Saint-Sauveur–Saint-Roch lors d’une entrevue.

Le plus grand souhait de Mme Samson est toujours au cœur de la mission de la Maison Revivre (3), soit celui que tous ceux qui y viennent puissent connaitre un réveil spirituel et retrouver une nouvelle estime de soi. Comme quoi elle semble toujours veiller sur son œuvre, celle qui nous est aujourd’hui présentée comme un exemple de miséricorde et de don de soi.

Il est réjouissant que l’Église considère béatifier cette femme, laïque, simple, qui a dédié sa vie et ses ressources au service des plus pauvres et qui a réellement fait siennes les paroles de sainte Teresa de Calcutta : « Je n’embrasserais pas un lépreux pour 1 million de dollars, mais pour l’amour de Dieu, oui.»

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Notes :

(1) « La béatification est un acte solennel par laquelle l’Eglise déclare la vie et l’action d’une personne authentiquement chrétienne. Elle la donne ainsi en exemple à tous. La béatification n’aboutit qu’au terme d’une longue quête de la vérité qui prend la forme d’un procès où s’affrontent le promoteur de la béatification (le postulateur) et son adversaire, l’avocat du diable. Il s’agit de l’étape qui précède la canonisation. » Source : La Croix.

(2) « Colette Samson dans ses nouveaux locaux », Journal Le Soleil, septembre 1986, Anne-Marie Voisard.

(3) En vue du procès de béatification, les responsables sont à la recherche de témoins qui ont connu Colette Samson. Contactez-les au (418) 523-4343.

Noémie Brassard

Noémie est mère de 4 enfants. Dans son ancienne vie, elle a complété une maitrise en cinéma à l’Université de Montréal. Ses recherches portaient sur les films réalisés par les religieuses au Québec. Elle a préalablement réalisé deux courts métrages documentaires ayant voyagé plus qu’elle-même. Elle siège sur notre conseil éditorial.