Emanuel
Le père Emanuel Zetino.

Emanuel, le padre de la joie

Confinement ou pas, Emanuel Zetino, le plus jeune prêtre du diocèse de Montréal, célèbre la messe à la cathédrale de Montréal chaque matin en direct à la télé. Tout de suite après, on peut le voir danser sur TikTok dans la sacristie, faire un meme avec son encensoir ou chanter « Aqui Estoy » sur le parvis de l’église

À 16 ans, il avait décidé d’être heureux et toujours joyeux. 20 ans plus tard, il tient promesse. 

Né à Montréal de parents immigrants guatémaltèques, il ne le cache pas : il a toujours voulu être prêtre. « Comme beaucoup de Latinos, mes parents étaient très pratiquants et très impliqués à la paroisse. J’étais enfant de chœur. J’ai grandi là-dedans. C’était facile de pouvoir m’imaginer dans cette vie-là. Il n’y a jamais eu personne pour m’en dissuader. »

Le choix

Pourquoi vouloir toujours être heureux et joyeux ? « Je ne sais pas trop d’où ça vient, mais un matin, je me suis réveillé en prenant la décision ferme d’être heureux, quoi qu’il arrive. Je me disais qu’il y avait trop de monde triste, de gens malheureux, et que moi, j’avais tout ce qu’il fallait pour être heureux, je n’avais pas le droit d’être malheureux. J’aime Dieu, je le connais ! Qu’est-ce qu’il me faut de plus ? Jusqu’à maintenant, grâce à Dieu, ça marche… J’essaie vraiment d’être heureux et toujours joyeux. »

Écoutez le père Emmanuel à La Victoire de l’Amour !

Pendant ses années de séminariste, il part pour Compostelle. Il a marché 800 kilomètres. Il n’hésite pas à dire que ça a été l’expérience de sa vie. Dans ce mois-là, toute sa vie a défilé devant ses yeux. 

Physiquement, il a souffert le martyre : « Cette douleur remettait tout en question. Je me demandais ce que je faisais là à souffrir alors que je pourrais prendre le train ! Ça devenait absurde cette marche… absurde de se faire souffrir comme ça… Puis, la douleur physique passe, et c’est là que le travail intérieur commence ».

« J’ai réalisé que tout ce que je faisais, ce n’était pas mon œuvre à moi ; c’était l’œuvre de Dieu, et par extension, ce n’était même pas mon sacerdoce, mais plutôt celui du Christ ! »

Emanuel Zetino

Loin de son séminaire tout douillet, il se retrouvait avec moins que rien, mais juste ce qu’il fallait. « J’avais de l’air, un peu de nourriture, mon corps, mon esprit, mes frères et sœurs… et Dieu ! » 

Dans ce chemin, sa compréhension du plan de Dieu pour sa vie prend une autre direction, un autre sens. « Au séminaire, tout était centré autour de moi. C’était toujours des “Je me prépare à faire ceci”, “Je dois faire cela”, etc. J’étais beaucoup dans le “faire”, mais “l’être”, lui, semblait être mis de côté, alors que c’est ce qui est central dans la vie d’un chrétien. J’ai réalisé que tout ce que je faisais, ce n’était pas mon œuvre à moi ; c’était l’œuvre de Dieu, et par extension, ce n’était même pas mon sacerdoce, mais plutôt celui du Christ ! »

L’égo

Ce qui, d’un point de vue extérieur, pourrait sembler dégradant, devenait, pour un chrétien véritable, le plus beau cadeau qui soit : être un instrument de Dieu. « Ce n’est pas moi le show ! précise Emanuel avec toute sa fougue, c’est Dieu qui se sert de moi. Durant la célébration de la messe, au moment de la consécration, j’ai le corps du Christ entre les mains… C’est tellement facile de passer de Lui à moi, à être moi, le protagoniste (c’est moi qui parle, c’est moi qui fais l’homélie, c’est moi que tout le monde regarde, etc.). Je ne veux pas ça ! Je veux que ce soit le Christ qui soit en premier, en avant. 

« Cette prise de conscience a été une véritable purification de mon égo. Mettre Jésus toujours en avant, dans chaque situation de ma vie, dans toutes mes rencontres, mes projets, c’est un combat de chaque instant. »

La meilleure image qui peut représenter cette vie cachée derrière le Christ, donnée au Christ, c’est, dit-il, celle de ses parents, mariés depuis 45 ans. « Ils sont les mieux placés pour me montrer c’est quoi une vie donnée à l’autre, dans la fidélité, et ce à travers les difficultés, l’immigration, le déracinement de son pays natal, l’adaptation au pays d’adoption, et maintenant la vieillesse… ». 

À son ordination, le padre de la joie a fait son entrée aux bras de ses deux parents… Il m’a semblé, peut-être, que son cœur, tout joyeux, dansait. 

Emanuel Zetino
Emanuel Zetino et ses deux parents lors de son ordination. Photo : Felix Rosario.

Brigitte Bédard

D’abord journaliste indépendante au tournant du siècle, Brigitte met maintenant son amour de l’écriture et des rencontres au service de la mission du Verbe médias. Après J’étais incapable d’aimer. Le Christ m’a libérée (2019, Artège), elle a fait paraitre Je me suis laissé aimer. Et l’Esprit saint m’a emportée (Artège) en 2022.