Le Verbe cherchait depuis longtemps à recueillir le témoignage d’un enseignant qui vit chaque jour les hauts et les bas de la vie scolaire. En vain. Jusqu’au jour où nous avons reçu, au bureau, une lettre d’Alain Brochu accompagnée d’un Journal d’un prof désespéré. Le vent tournait. Portrait d’un homme qui porte, malgré tout, un trésor d’espérance dans un vase d’argile.
«On n’aime pas l’étude.»
Une semaine après avoir rencontré Alain Brochu, j’entends encore cette phrase résonner. Pendant l’entrevue, le prof de sciences de la polyvalente de Louiseville, en Mauricie, insistait: «On n’aime pas l’étude.»
Il m’a d’ailleurs donné rendez-vous dans une bibliothèque. Ce n’est pas anodin.
«Pourquoi on n’aime pas l’étude? Les gens ont hâte de se débarrasser de l’étude. Même mes élèves de 5e secondaire, qui ont choisi leur cours de physique, n’aiment pas vraiment ça! Ils font ça pour avoir un diplôme, pour avoir un métier, pour avoir la paye qui va avec.»
Mais qui aime l’étude?
Ceci est un extrait du texte paru dans le numéro Éducation du magazine Le Verbe, automne 2019. Pour lire tout l’article, cliquez ici. Pour vous abonner gratuitement, cliquez ici.
«Peut-être qu’on n’a pas le temps de réfléchir parce qu’on a plein de choses à faire: on a un jardin à faire, on a du ménage à faire, on a une maison à rendre propre, on a des sorties, des achats, des voyages à faire. Mais étudier? Non.
Le professeur insiste. «On n’aime pas l’étude.»
On pourrait se demander si cette marotte n’est pas celle d’un vieux maitre bourru, nostalgique, idéaliste et un brin réactionnaire.
Pas du tout.
J’ai devant moi un homme discret, au regard vif, plein d’espérance… et à l’humilité déconcertante. Ne désespérez pas, j’y reviendrai.
Une minisociété
Pour Alain Brochu, on retrouve dans l’école un condensé de ce qui se trouve à l’extérieur.
«L’école n’est pas différente de la société. L’école est une minisociété en soi qui est le portrait le plus exact de la société globale, peut-être parfois en mieux, je dirais. Avec les jeunes, il y a des élans généreux…»
Et dans l’école comme dans le reste de la société, la souffrance fait partie de l’existence humaine.
«On souffre beaucoup à l’école. C’est vrai dans tous les métiers, mais à l’école, disons qu’on la voit, la souffrance: élèves, profs, directeurs, psychologues, etc. Le contact avec la misère est permanent.
«Parmi les adultes, plusieurs endurent souvent en silence… avant la dépression. On laisse souvent scrupuleusement de côté celui qui pourrait partager notre souffrance et nous guérir… au moins de notre solitude. Car ce n’est pas rien de savoir le Christ à côté de soi, qui ne parle pas toujours beaucoup – on ne l’entend pas toujours – et parce que sa présence et sa discrétion suffisent.»
Et voilà que l’espérance du vieux prof (pas si) grincheux se pointe le bout du nez.
«Comment peut-on former une personne sans réfléchir à ce qui fait sa joie, son bonheur, son intériorité? Il faut absolument joindre à cette bonne volonté une recherche de sens, un fondement à cette vie qui ne sera jamais toute joyeuse, même si elle jouit d’un bienêtre plus ou moins extérieur.
«Autrement dit, la bonne volonté – dont l’école se contente quand elle ne s’en gargarise pas – ne suffit pas. Il faut l’amour, certes, mais l’intelligence aussi: une intelligence pleine d’amour et un amour plein d’intelligence.»
«T’es un vieux con!»
Amour et vérité se rencontrent, dit le psalmiste.
«T’es un vieux con!» dit le jeune élève impulsif de 2e secondaire à son professeur de sciences. Il a envie de lui répondre, comme le ferait saint François d’Assise: «Piétinez-moi, c’est tout ce que je mérite.»
Pourquoi?
«Ma génération a gaspillé la planète. Les étudiants voient que nous avons une sécurité d’emploi. Ils entendent des enseignants répéter qu’ils ont hâte à leur retraite, qui parlent de leurs voyages, qui parlent de leur bienêtre.»
Il semble que certains jeunes réalisent que ceux qui sont leurs maitres et leurs modèles sont des bourgeois.
«Exactement. Moi aussi, quand j’étais jeune, j’étais révolté contre ce genre d’affaires là. Il faut parfois accepter des vérités, même quand elles sont mal dites. Dans le fond, quand ils nous disent ça, les jeunes nous disent que nous avons agi de façon irresponsable. Et moi, comme babyboumeur, il faut que je prenne ma part de responsabilité. J’ai fait partie de ce monde-là.»
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