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Polyamoureux et chrétien ?

Un lecteur nous demandait dernièrement s’il était possible d’être à la fois chrétien et « polyamoureux ». En moins de deux, on refilait la requête à Simon Lessard. Voici ce qu’il en pense.

« Aimez-vous les uns les autres. »

L’amour mutuel ! L’amour de tous ! L’amour sans frontière ! N’est-ce pas le cœur du message chrétien ?

Dieu lui-même, selon le mystère de la Trinité, serait trois Personnes vivantes dans une parfaite unité amoureuse !

Jésus ne serait-il pas même l’inventeur du polyamour ?

Polyquoi ?

Le polyamour, c’est l’idée que l’on peut avoir des relations amoureuses et sexuelles avec plusieurs personnes en même temps, mais de manière ouverte et consentante.

L’idée est séduisante et en vogue chez les milléniaux. Des séries comme Wanderlust et Sens8, ou un film comme Vicky Cristina Barcelona de Woody Allen en font la promotion.

« Nous allons réinventer le couple ! » s’écria Jean-Paul Sartre.

Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir sont le couple fétiche qui inspire le mouvement. « Nous allons réinventer le couple ! » s’écria le philosophe quand sa compagne accepta sa proposition de « pacte de polyfidélité ».

Derrière cette nouvelle tendance se profile une critique de la monogamie et une soif de liberté. Les chrétiens devraient-ils abandonner leur vision traditionnelle du mariage et enfin libérer l’amour ?

Pluriel, mais pas que sexuel

Primo, l’appel à l’amour implique qu’il existe différentes formes d’amour : des conjoints, des parents, des enfants, des amis et même des ennemis. Amours (je l’espère!) qui ne sont pas toutes sexuelles. Le sexe en amour c’est bon (très bon même!), mais pas avec n’importe qui, n’importe où et n’importe quand, vous en conviendrez certainement.

Écoutez la chronique de Simon Lessard sur le polyamour à l’émission On n’est pas du monde.

S’il est certes impossible d’aimer tout le monde également et pareillement, il est toutefois possible de vouloir le bien de tous. Désirer le bonheur de l’autre, voilà le fin mot de l’amour.

Bref, pas besoin de coucher avec tout le monde pour aimer tout le monde. Le christianisme est la religion de l’amour universel – sans réduire cela à la sexualité, et sans l’exclure non plus.

Amour illimité

Secundo, la monogamie n’a rien d’artificiel. Elle est le fruit d’une observation naturelle, d’une expérimentation multiséculaire et d’une sagesse divine.

Qu’ils soient affaire de corps ou de cœur, l’amour et la sexualité ne peuvent se diviser sans se blesser.

De cœur. La relation sexuelle est l’expression d’un désir d’intimité, d’unité absolue. La jalousie, en passant, n’est pas toujours maladive. Elle témoigne naturellement de notre désir d’exclusivité. Qui aime dit : « je suis tout à toi et tu es tout à moi ».

De corps. Il est physiquement impossible de se multiplier à l’infini. Mon corps et mon temps sont limités. Je ne peux pas être l’amant de tout Montréal sans être le pire époux et papa de la métropole en même temps.

Contre le mariage capitaliste

Il n’y a rien de nouveau sous le soleil, disait l’Ecclésiaste.

Le concept de polyamour est une sorte de reprise 2.0 de « l’amour-camaraderie » des communistes. Les camarades de Lénine voulaient s’attaquer au mariage qui selon eux introduit de la « propriété » en amour et détruire ainsi la famille. Parce que la famille a toujours constitué le principal intermédiaire/obstacle au pouvoir absolu de l’État sur l’individu.

Mais le mariage n’a rien de capitaliste !

Le mariage, c’est plutôt le don de soi-même libre et total pour toujours.

Au contraire, le mariage c’est le don de soi-même libre et total pour toujours. Le mariage n’est donc pas une possession de l’autre, mais une dépossession de soi pour l’autre. Quand deux personnes s’engagent à chercher mutuellement le bien de l’autre, il n’y a ni possession, ni domination, ni fusion, mais don réciproque.

L’ennui dans le mariage ne vient pas tant du fait que l’on couche toujours avec la même personne, mais plutôt que l’on ne se donne plus, plus assez, plus totalement.

Antiféministe?

Au fait, ne serait-ce pas les femmes qui ont le plus à perdre dans le polyamour ?

Les femmes qui risquent de se faire abandonner par les hommes quand leur beauté sera transformée par le temps ou quand des enfants viendront gêner les projets des messieurs indépendants.

Les femmes aussi qui risquent de se sentir trahies par des « polymâles » et « polyfakes » en recherche de plaisirs éphémères plus que d’amour pérenne.

Finalement, loin de l’oppresser, l’exclusivité et l’engagement sont comme les deux ailes de l’amour qui le libère et l’élève au-dessus des caprices adolescents.


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Simon Lessard

Simon aime entrer en dialogue avec les chercheurs de vérité et tirer de la culture occidentale du neuf et de l’ancien afin d’interpréter les signes de notre temps. Responsable des partenariats pour le Verbe médias, il est diplômé en philosophie et théologie.