« Et puis, tu as passé de belles vacances ? Tu t’es bien reposé, j’espère ! »
Bien sûr. Il ne manque que quelques moulures, des rideaux, une ou deux tablettes. J’ai presque terminé de construire la chambre des gars, au sous-sol. Presque. Mais croyez-moi (notez ici l’effort d’autopersuasion), je vous jure que ça achève vraiment.
Tout en bricolant, je méditais ces mystérieuses paroles d’un vieux prêtre italien à la paroisse, quand j’étais plus jeune : « Le Christ veut nous rencontrer dans le sous-sol de notre être. » J’aurais préféré au salon, c’est plus joli.
Revenons à la finition. Cette ultime étape de chaque projet de rénovation a ceci de pernicieux qu’elle parait aisée, voire anodine. Quoi de plus simple que de clouer les chambranles de la porte lorsqu’on vient de réaliser des œuvres hautement plus exigeantes telles que la maçonnerie, la charpente ou l’électricité ? Or, il s’agit aussi de l’étape la plus procrastinable par rapport aux multiples autres impératifs du quotidien : faire l’épicerie, payer les comptes, aller au bureau.
Le vernis tout comme la peinture ne semblent pas, à priori, aussi fondamentaux que les fondations. Ils sont néanmoins essentiels pour que les habitants du foyer sentent qu’ils vivent dans une maison et non dans une étable.
Pour le dire brutalement, la fonction l’emporte sur la poésie. Oui, poser une moulure est un acte poétique. Elle ne soutient rien. Elle est soutenue par tout le reste et elle fait la belle. Même si elle a couté un bras, elle est pure gratuité et inutilité.
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Le vernis sur les moulures tout comme la peinture sur le plâtre ne semblent pas, à priori, aussi fondamentaux que les fondations. Ils sont néanmoins essentiels pour que les habitants du foyer sentent qu’ils vivent dans une maison et non dans une étable, participant ainsi d’une manière particulière à la dignité des lieux et à la reconnaissance de celle des hôtes.
La finition, c’est l’impression finale, qui demande patience, doigté, et qui donne un sens à ce qui a été fait en amont. La finition révèle la beauté ou la laideur des couches précédentes. La finition ne ment pas : la peinture dévoile que le plâtre n’a pas été bien sablé ; la moulure révèle à quel point la fenêtre n’a pas été posée au niveau.
Enfin (je vous rassure, j’aurai fini ensuite de faire des comparaisons clouées un peu vite et croches entre le chantier de construction et celui de la vie), l’autre jour, en déballant les nouvelles, je prenais le pouls de la Commission spéciale sur l’élargissement des critères d’accès à l’euthanasie. À écouter nos députés, il serait bien commode de pouvoir formuler des consignes anticipées et de pouvoir offrir aussi aux personnes souffrant de maladies mentales un raccourcissement de leur fin de vie. En fin de compte, ce sont précisément ces instants d’attention, de délicatesse et de révélations qui prendront le bord.
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Bien souvent, les derniers moments sont les plus importants. La finition. Au sous-sol.