Le thermostat, la COP21 et les échalotes

Dans notre vieille bicoque bicentenaire, l’hiver traverse les murs. Ma femme, goutte au nez et orteils bleus, me dit parfois : « est-ce qu’on se paie un ou deux degrés? ».

Ça veut dire, grosso modo : le chauffage nous ruine déjà, mais pour ce soir, on se sent un peu foufous, on fait spécial, on crinque le thermostat à 22.

En pater familias bienveillant, et soucieux d’éviter la pneumonie à nos héritiers, j’accepte volontiers. Alors, c’est la fête pendant quelques heures. Et le confort nous endort… jusqu’au réveil brutal de la réception du « bill d’Hydro ».

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Paris, Conférence sur le climat. Aujourd’hui, peut-être il y aura un accord. Ou demain. Si je résume – j’avoue ne pas y comprendre grand-chose – les États se mettront d’accord pour continuer à chauffer la planète, mais juste un peu. Un ou deux degrés.

Chez les pourfendeurs d’« enverdeurs », il semble bon ton de rager contre le CO2 émis par le voyage en jet de tous ces mandarins du green et de leurs délégations.

Ce n’est pas très gentil de se moquer des dirigeants et de leurs incohérentes tentatives de sauvegarde planétaire. Je propose qu’on s’émerveille devant le simple fait que ces meetings aient encore lieu en personne. Car, il faut l’admettre, ne pas se limiter à une rencontre par technologies interposées, c’est déjà une petite victoire de la nature sur la technique.

Les climatosceptiques ne sont pas tous de grossiers beaufs et les verts ressemblent plus souvent à des pharisiens aux phylactères de chanvres qu’à des saints aux vertus bien cultivées.

Aussi, on doit dire que le bien nommé payeur de taxes conservateur – qui, pourtant, ne se rue pas aux portillons pour conserver les écosystèmes – a le mérite d’être sceptique face au processus un brin prétentieux: peut-on vraiment sauver la planète en 2 semaines de négos?

Attention! Les climatosceptiques ne sont pas tous de grossiers beaufs et les verts ressemblent plus souvent à des pharisiens aux phylactères de chanvres qu’à des saints aux vertus bien cultivées. D’autant plus que l’aura de scientisme dogmatique et d’illusion politique qui se dégage de la COP21 a comme une odeur de méthane et de soufre.

Si vous sentez ce que je veux dire.

De son côté, notre premier ministre québécois, nouvellement converti à la cause, propose un plan audacieux. Ni plus ni moins que d’imposer la simplicité involontaire aux 400 000 employés de l’État en réduisant leur pouvoir d’achat. J’étais au Costco hier soir. L’idée n’est pas si bête.

Dans la mesure où elle s’étend aussi aux toubibs. Mais ça, c’est une autre histoire.

À qui la faute?

Alors, est-ce que le réchauffement climatique est une supercherie? Est-ce que l’activité humaine en est responsable un peu, beaucoup ou passionnément?

Honnêtement, perso, je m’en fous un peu.

Pourquoi?

Costco à San Francisco (Wikimedia - CC)
Costco à San Francisco (Wikimedia – CC)

Parce que le mois de décembre est un douloureux rappel que la surconsommation demeure une valeur refuge qui ne risque pas d’être prochainement décotée. Les grands accords internationaux, s’ils ne sont pas complètement inutiles, ne remettent pas en question le grand dogme de la croissance-ou-la-mort.

Parce qu’on n’a pas besoin d’un rapport du GIEC pour voir que notre lifestyle est une ruine.

Parce que le léger recul des émissions de gaz à effet de serre en 2015 est essentiellement dû à la relativement faible croissance économique de la Chine.

Ce que j’en conclus? Si on peine à prédire la hausse du PIB d’un pays, bien malin celui qui pourra prévoir l’impact qu’auront les activités humaines sur la hausse de la température globale en 2100.

Le petit et le grand pollueur doivent-ils trouver là une licence pour leurs excès? Espérons que non.

Enfin, il me semble que le monde place un espoir démesuré dans les solutions techniques: produire des nouveaux gadgets qui nous aideront à limiter les dégâts causés par la production de trop de gadgets…

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En ce début d’hiver plutôt clément, l’échalote que je suis se réjouit quand même un peu des changements climatiques. Pour l’instant, pas besoin de monter le thermostat.

On profite d’un peu de confort, en attendant que nos enfants paient la facture.

Antoine Malenfant

Animateur de l’émission On n’est pas du monde et directeur des contenus, Antoine Malenfant est au Verbe médias depuis 2013. Diplômé en sociologie et en langues modernes, il carbure aux rencontres fortuites, aux affrontements idéologiques et aux récits bien ficelés.