Prenez Matt Damon, plantez-le sur Mars, arrosez de 100 millions de dollars et vous obtenez le plus gros navet de l’année! Seul sur Mars (The Martian) est une mega production sans réflexions, sans émotion ni même action. Bienvenue dans l’espace sidéral des clichés.
Série B
Mélange indigeste de Cast away et Gravity, le dernier film de Ridley Scott propose autant de finesse que Donald Trump et d’excitation qu’Hillary Clinton. On baille déjà à la moitié et on comprend après trente minutes que devant chaque défi, une formule magique appelée mathématique, chimie ou informatique triomphera de tous les pépins.
Personnage sans profondeur, humour facile, issues prévisibles, une mission de sauvetage dans l’espace parait moins captivante qu’un troisième débat des chefs. Le scénario et la réalisation sont tellement grossiers qu’ils font passer les derniers Marvel pour du cinéma de répertoire.
Scientisme facile
Matt Damon incarne Mark Watney, un astronaute botaniste et scientiste plein d’arrogance, laissé seul sur Mars par ses confrères qui le croyaient mort. Dans sa lutte pour se sauver lui-même, il fera pousser des patates avec sa propre merde… difficile de mieux illustrer son auto-suffisance.
L’action a beau se passer dans un futur proche, on dirait que les idées sont directement tirées du 19e siècle.
Devant chaque problème rencontré pour survivre, le héros trouve toujours la même et unique solution : le savoir scientifique, son génie dont il est imbu. « I’m gonna have to science the shit out of this », dit-il élégamment.
La science a réponse à tout, elle est le « sauveur » de ce « héros » américain. Le bon-dieu-science résout toutes les situations désespérées de manière impromptue. Un « Deus ex machina » à faire rougir Euripide.
L’action a beau se passer dans un futur proche, on dirait que les idées sont directement tirées du 19e siècle.
Athéisme condescendant
Une fois que le génie humain a remplacé la sagesse divine, l’orgueil a le champ libre pour cracher sur tout ce qui peut rappeler à l’homme sa faiblesse et sa dépendance.
Au premier rang, se trouve évidemment cette stupide croyance en Dieu dont on arrive difficilement à s’expliquer comment ont pu y adhérer d’aussi grands scientifiques tels que Newton, Einstein, Plank et Schödinger. Dès le début du film, le christianisme est ridiculisé sans nuance lorsque l’astronaute ne trouve un crucifix de bois utile que pour allumer un feu. Le protestantisme et l’hindouisme quant à eux sont réduits à de vulgaires superstitions équipollentes servant à incliner le hasard du bon bord.
Si vous n’aviez pas encore compris : la religion ne vous sauvera pas, seuls le savoir et la technique ont une chance de vous donner un coup de main dans votre propre autosauvetage. Le message est tellement gros que si Tom Cruise avait joué le rôle principal, on croirait avoir affaire à une promo pour l’église de scientologie. Entre science-fiction et science-religion il n’y a qu’un pas qui a été franchit.
Éthique superficielle
Dépenser des centaines de milliards pour une mission sur Mars est déjà un enjeu social en soi, mais en dépenser quelques centaines de plus pour sauver une seule vie semble ne poser problème à personne. Aucune réflexion du genre « que pourrions nous faire de mieux avec cet argent?», « Combien de vies pourrions-nous sauver en l’investissant autrement ?».
Le réalisateur veut même nous faire passer pour des sans-cœurs si l’on ose opiner que la vie d’un astronaute américain blanc sans enfant n’est peut-être pas sacrée au point d’y sacrifier le reste de l’humanité.
Aucune réflexion sur le sens de la vie, de l’amour et de ses missions interplanétaires. Aucune remise en question, aucun regret, aucune conversion.
Face à la solitude, l’échec et la mort, l’astronaute Watney a autant de profondeur que la musique disco qu’il écoute. Aucune réflexion sur le sens de la vie, de l’amour et de ses missions interplanétaires. Aucune remise en question, aucun regret, aucune conversion. Sa seule vertu est la constance de sa suffisance. La seule leçon qu’il aura retenue en frôlant la mort 348 fois c’est qu’il faut affronter l’adversité un problème à la fois.
Si j’étais un astronaute, je mettrais en demeure Ridley Scott pour atteinte à ma réputation. Le moindre épisode romantico-bourgeois de Downton Abbey a plus de philosophie à nous enseigner.
Myopie volontaire
La propagande russe a fait dire à Youri Gargarine en 1961 : « Je suis allé dans l’espace et je n’ai vu aucun Dieu là-haut. » Seul sur Mars semble ne pas voir beaucoup plus loin.
La science résout toutes les questions de l’homme, les autres questions il ne faut pas les poser. Comme quoi bêtise et science peuvent coexister quand la technique éclipse la sagesse.