Mépriser les parents

L’éducation sexuelle en milieu scolaire peut-elle être comparée à l’enseignement des mathématiques ? L’école a-t-elle la prérogative de l’éducation des enfants ou devrait-elle se limiter à soutenir le projet éducatif des parents ? Notre collaborateur répond ici à l’éditorial d’Alexandre Sirois, publié hier dans La Presse.

Monsieur Sirois,

Comment réagiriez-vous si vous appreniez que l’on enseigne à votre enfant à tirer de la carabine à l’école primaire ? Absurde, n’est-ce pas ?

On pourrait penser qu’il relève du jugement des parents de décider quand, avec qui et de quelle manière leur enfant devrait-il être initié à la carabine. Vous me direz que l’éducation à la sexualité n’est pas la même chose que le maniement d’une arme à feu.

Premièrement, ce n’est pas si sûr.

Deuxièmement, l’éducation à la sexualité n’est pas l’apprentissage des mathématiques non plus, pour reprendre une analogie de fond de tonneau que j’ai lue dernièrement…

Une connaissance comme les autres ?

Il y a une éducation de l’enfant qui tient de la culture et de la morale, et une autre qui tient d’un cumul de connaissances. Je ne ressens pas le besoin de vous expliquer pourquoi, à mon avis, la première devrait venir des parents et la seconde de l’institution scolaire.

Si l’on exclut l’avis de ceux qui ne croient plus en la famille, il n’est que raisonnable de penser que celle-ci, cette petite cellule du corps social, ce lieu où l’amour, malgré ses défauts, est gratuit et inconditionnel, représente le meilleur environnement pour faire naitre dans la psyché de l’enfant la notion de gratuité et de confiance.

Je me méfie comme de l’herpès d’un discours institutionnel qui prétend pourfendre les stéréotypes chez des enfants de 6 ans.

Je n’ai pas envie que mon enfant apprenne à se servir d’un condom avant que j’aie pu lui parler de l’amour dans une relation. Je n’ai pas envie qu’on apprenne à mon enfant de se méfier de la syphilis avant que j’aie pu lui parler de la beauté du sexe. Je me méfie comme de l’herpès d’un discours institutionnel qui prétend pourfendre les stéréotypes chez des enfants de 6 ans.

La sexologue Thérèse Hargot suggère au contraire de laisser les enfants vivre les stéréotypes, le petit gars qui joue au pompier et la fille à la princesse, afin, justement, d’éviter que ces comportements, si refoulés, reviennent à l’âge adulte faire de l’homme un macho ou de la femme une poupée. Permettre à l’enfant en bas âge de vivre ces pôles humains à leur maximum permettrait à l’adulte de dépasser le stéréotype.

Est-il possible de débattre ?

Bref, contrairement aux mathématiques, lorsqu’il s’agit de sexualité, les opinions divergent, et c’est exactement le point. Pouvons-nous le reconnaitre ? Sommes-nous capables de vivre en dehors du consensus ? Est-il possible de débattre ?

Je ne m’oppose pas à l’éducation sexuelle à l’école par aveuglement religieux. Je ne proteste pas par refus de la société. Je pense que cette société a un devoir d’éducation envers l’enfant, mais je déteste l’attitude d’appropriation des mœurs par l’État.

Cette arrogance me sidère. Ce mépris, qui fonde la censure de l’opinion parentale et l’autoritarisme qu’on décèle dans votre texte (« il est essentiel d’obliger », etc.), fait du père et de la mère des géniteurs qui doivent laisser leur place quand vient le temps de parler de choses importantes.

Que d’autres parents démissionnent de ce devoir et refilent la tâche à l’école par manque de temps, de courage ou d’énergie n’est pas mon problème. Que le gouvernement et des commentateurs publics fassent de cette démission une obligation morale et civile devient, malheureusement, mon problème.

C’est aussi une grave dérive.

Il convient de rappeler que le gouvernement n’est pas le papa de ses citoyens, et qu’il n’est l’éducateur de nos enfants que par procuration, et non par droit moral.


Gabriel Bisson

Physiquement bellâtre, intellectuellement ambitieux, socialement responsable, moralement innovateur, Gabriel croit aux choses qu'on peut prouver, mais aussi à certaines choses qu'on peine parfois à rationaliser. Ingénieur, il met son amour des lettres et du dessin au service de notre média.