Bourrelets. Vergetures. Poils. Sexe.

On pourrait croire que le nouveau truc pour répondre aux détracteurs de la « diversité corporelle » c’est de leur mettre ce qui les dégoûte dans la gueule. On se déshabille, on pose ses bourrelets (ou pas), et clic! Puis on publie. Parce qu’évidemment, c’est ça le but : montrer le cliché. J’avoue qu’il y a quelque chose dans ce nouveau trend qui chicote.

Tour d’horizon des réseaux sociaux des dernières semaines :

Safia Nolin lance un nouveau clip dans lequel on la voit, avec plusieurs autres femmes, poser nue dans la nature. Rien de vulgaire ou de sexuel, vraiment. Avec une esthétique très soignée, on contemple des images douces bercées par la voix de la chanteuse.

Ashley Graham, ce modèle taille plus que les designers de haute-couture s’arrachent, est enceinte. Elle a publié, la semaine dernière, une photo d’elle sur Instagram. Elle s’y montre de profil, assise. On ne voit ni ses seins ni sexe, mais on sait qu’elle est nue. La photo n’est vraisemblablement pas retouchée, de sorte qu’on remarque surtout les nombreux plis, bourrelets et vergetures de la femme fatale.

Mariana Mazza, l’humoriste dont le numéro « Le sable dans le vagin » a lancé la carrière, publie, elle aussi, une photo d’elle nue, de dos, en croisière. Un émoticône de soleil souriant cache ses fesses. Elle accompagne le cliché d’un texte sur l’acceptation de soi, peu importe le corps qu’on a. Un vraiment bon texte.

Tout le monde tout nu!

Y’a un message fort et plus qu’important dans ces publications-là.

C’est puissant parce que c’est un pied de nez à toutes les pop-stars (et pop-tartes!) qui se mettent presque nues dans leurs clips en s’hypersexualisant sans bon sens par leurs gestuelles et leurs paroles.

C’est aussi faire un bras d’honneur à toutes les autres qui s’exhibent la pas-de-bedaine postnatale de deux jours sur Instagram. À toutes les autres filles aussi, celles qui se filtrent à outrance dans des bikinis qui cachent moins de peau que le petit soleil sur les foufounes de Mazza.

Ça me dérange quand même un peu, ce genre de besoin de se montrer nue « pour la cause ».

Est-il possible aujourd’hui de passer un message pertinent sans se donner comme un morceau de chair fraiche au premier journal à potins?

Malgré toutes les bonnes intentions. Malgré les quantités outrageuses d’images de filles retapées versus les images de corps dits « normaux » (lire : de monsieur et madame Tout-le-Monde), ce qui me tracasse, c’est qu’on n’ait pas trouvé d’autres moyens de passer le message. Et que ça devient comme une mode.

En fait, on revient à faire exactement ce qu’on reproche, entre autres, aux pin-up modernes : on s’expose. Comme si le corps n’avait de réelle valeur que lorsqu’il est montré dans sa totalité. Au lieu de prendre des corps parfaits et retouchés, on présente des vrais corps. C’est la seule différence, au fond.

Le paradoxe du legging

Est-il possible aujourd’hui de passer un message pertinent sans se donner comme un morceau de chair fraiche au premier journal à potins?

Et il me semble que ça avance même un tout autre discours : est-ce que, pour assumer vraiment mon corps dans toutes ses imperfections, il faut que je sois à l’aise de me prendre en selfie en tenue d’Ève et de le faire voir à l’univers?

Est-ce que, si j’éprouve un malaise par rapport au fait d’exhiber mes fesses molles et mes seins qui pendent, ça veut dire que je ne m’aime pas, que je suis prisonnière des carcans imposés par les industries du vêtement et de la diète?

Je ne pense pas. En tout cas, il ne faudrait pas.

Peut-être que c’est l’inverse, même. Comme la toutoune qui se promène en legging et camisole. Est-ce qu’elle assume vraiment ses rondeurs et sa cellulite? J’sais pas… tsé. On y réfléchit, à ces affaires-là.

Enfin, moi oui, tous les matins, en m’habillant. À chaque fois que je suis confrontée à mon image, dans le miroir, sur une photo. À chaque fois que je suis face au dilemme : chandail moulant vs chandail ample.

Je pense juste que c’est facile de faire croire que, parce qu’on se montre à poils, on s’accepte comme on est. Parce qu’on n’a pas peur de nos rondeurs, ou whatever. C’est sûr que ça fait plus les manchettes. Que ça introduit peut-être la discussion…

Mais faudrait pas arrêter ça là.


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Florence Malenfant

Détentrice d'un baccalauréat en histoire de l'art à l'université Laval et d'un certificat en révision linguistique, Florence a une affection particulière pour le bouillon de poulet et un faible pour la littérature russe!