Un texte de Stéphane Bürgi*
Depuis quelques années, il est question d’éducation sexuelle au Québec. Hypersexualisation, maladies transmissibles sexuellement, grossesses précoces, le tout accompagné de détresses psychologiques : personne ne peut aujourd’hui nier que les jeunes ont un réel besoin d’éducation à la sexualité.
Doit-on pour autant se réjouir de l’arrivée du nouveau cours dans les salles de classe du Québec? En fait, si on y regarde de plus près, on peut sérieusement se demander si le contenu du programme, plutôt que d’offrir une solution, ne fera pas qu’aggraver le problème.
Un programme contre la science…
Par exemple, est-il approprié d’enseigner, en classe, le fonctionnement des organes sexuels – incluant la fonction du plaisir – dès les premières années du primaire? Il s’agit pourtant d’un apprentissage prévu dans le programme, où il est écrit qu’un enfant de 6-7 ans doit pouvoir « situer les organes sexuels des filles et des garçons et leurs fonctions (reproduction, plaisir, élimination) ».
Transmettre un contenu sexuellement explicite, en classe, dès le plus jeune âge, voilà qui va bien évidemment à l’encontre du bon sens et des valeurs de plusieurs parents, mais également à l’encontre des connaissances psychologiques sur le développement de l’enfant.
En effet, dans un document publié en 2005, l’American Academy of Child & Adolescent Psychiatry écrivait : « Les parents devraient répondre aux besoins et au niveau de curiosité de chacun de leurs enfants, offrant ni plus ni moins d’information que ce que l’enfant demande et est capable de comprendre. »
Le problème est que l’éducation des parents semble justement faire l’objet de soupçons par les auteurs du nouveau programme, particulièrement si ceux-ci souhaitent transmettre à leurs enfants des valeurs dites « traditionnelles ».
… et contre la tradition?
On lit en effet dans les documents du ministère que « les interventions réalisées auprès des adolescents (12 à 14 ans) doivent accompagner leur réflexion sur leur identité en tant que fille ou garçon et sur les effets nuisibles des versions traditionnelles de la masculinité et de la féminité qui peuvent affecter leurs relations interpersonnelles et leurs comportements sexuels. »
Ainsi, un apprentissage prévu pour les 12- 13 ans consiste justement en l’« exploration de nouvelles valeurs et normes en matière de sexualité, au-delà de celles de la famille. »
Alors que les comportements sexuels à risque se multiplient, pourquoi a-t-on l’impression que les valeurs « traditionnelles » transmises au sein des familles sont considérées comme un problème?
Ne devrait-on pas plutôt féliciter les parents qui apprennent à leurs enfants que la sexualité doit se vivre dans le cadre d’un engagement sérieux et mature? Un cadre dans lequel, par exemple, une grossesse, même imprévue, ne constitue pas nécessairement un drame insurmontable pour le couple?
Ministère de la Consommation et du divertissement
Il semble au contraire que le ministère partage avec la génération qu’il prétend éduquer une fascination pour le sexe vécu sur le mode de la consommation et du divertissement.
Certaines propositions du programme sont en effet surréalistes. On peut y lire : « [Les interventions réalisées au primaire doivent] miser sur le rôle positif de la sexualité dans la vie et ne pas mettre l’accent uniquement sur l’aspect « danger » ou sur la prévention. » Ou encore : « [Les interventions réalisées auprès des 10-12 ans doivent] permettre aux élèves de cet âge de développer une meilleure connaissance de soi comme fille ou garçon, dans l’expression de leur sexualité. » Et ailleurs : « [L’intervention réalisée au deuxième cycle du secondaire doit] renforcer leurs valeurs individuelles favorables aux pratiques sexuelles sécuritaires et leurs habiletés de gestion de la sexualité, des risques sexuels et des pratiques. »
Nulle part il n’est question de préparer le jeune à découvrir le mystère de l’amour humain, avec sa beauté, sa fragilité et son accomplissement dans le don de la vie.
La réalité est que le programme imposé par le Ministère ne correspond aucunement à une éducation à la sexualité, du moins dans le sens noble du terme.
Nulle part il n’est question de préparer le jeune à découvrir le mystère de l’amour humain, avec sa beauté, sa fragilité et son accomplissement dans le don de la vie. On veut enseigner des habiletés en termes de « gestion des risques sexuels », mais on n’enseigne rien de ce qui permettrait de préparer à la vie conjugale et familiale : engagement, tempérance, fidélité, don de soi.
Inutile de spécifier qu’il n’est nulle part mention du mariage, notion sans doute jugée trop « traditionnelle ».
Mais peut-être est-ce là trop demander au Ministère de l’Éducation.
Maladresse étatique
Après tout, comme écrivait Jacques Maritain : « Il reste que l’État a compétence et dextérité en matière administrative, politique et légale, mais que, dans tous les autres domaines, il est naturellement borné et maladroit, et, par suite, aisément oppresseur et malavisé. »
Le nouveau cours d’éducation à la sexualité – duquel il n’est par ailleurs prévu aucun droit de retrait – en est la démonstration saisissante.
Espérons simplement qu’au-delà des expérimentations douteuses du Ministère, les familles sauront répondre avec intelligence aux besoins de la nouvelle génération en matière d’éducation à la sexualité et que dans ce domaine, le Gouvernement du Québec aura la sagesse de ne pas imposer sa vision à ceux et celles qui iront chercher ailleurs les ressources qu’ils jugeront nécessaires pour exercer leur responsabilité et leurs droits parentaux.
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* L’auteur est marié, père de quatre jeunes enfants, agent de pastorale et doctorant au Centre d’études du religieux contemporain de l’Université de Sherbrooke.
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