#Balance ton steak

La campagne #BalanceTonPorc connait un franc succès sur les réseaux sociaux. Évidemment, c’est dégoutant et regrettable de constater à quel point un nombre incalculable de personnes, surtout des femmes, se font harceler et agresser.

Si le problème semble particulièrement présent dans le monde du showbiz – au moment d’écrire ces lignes, La Presse nous apprend que même l’étoile polaire du vedettariat québécois aurait harcelé plusieurs personnes au cours de sa carrière –, il ne s’y limite pas.

Gigot et abats

Alors que certaines dénoncent « les religions » d’avoir nourri la bête du patriarcat et de la domination sexuelle pendant des siècles, d’autres leur répondent poliment que le christianisme, au contraire, a souvent agi comme vecteur de liberté.

Quoi qu’il en soit, je demeure – comme toujours – étonné de l’étonnement populaire et médiatique devant tous ces scandales. Pas comme un vieux blasé que plus rien n’étonne. Mais plutôt comme un observateur ahuri des liens qui nous brodent les uns aux autres.

C’est que les rapports sociaux entre les hommes et les femmes sont profondément marqués par le matérialisme ambiant.

Le matérialisme fait de chacun de nous le steak de notre prochain.

Une fois réduit à sa composante matérielle, des gigots et des abats, il me semble tout naturel que l’homme devienne un loup pour la femme (ou pour l’homme).

Le matérialisme fait de chacun de nous le steak de notre prochain.

Supplément d’âme

Qu’est-ce qui confère à la personne sa dignité humaine – laquelle est, contrairement à sa chair, inviolable?

Demande-t-on la permission au bœuf avant de l’abattre et de le consommer? Cette question mène directement à une autre, plus fondamentale, éminemment fondamentale : quel saut qualitatif y a-t-il entre l’humain et la bête?

En quoi l’homme et la femme sont-ils différents du taureau et de la génisse?

La réponse, il me semble, se trouve ailleurs que dans les cellules osseuses, nerveuses ou musculaires. On doit nécessairement poser notre regard sur la constituante immatérielle de la personne.

Pour ça, faudrait que les esprits modernes que nous sommes cessent de nier l’âme. Et surtout, que nous cessions d’enseigner à nos fils qu’il suffit d’enfiler une capote et de demander poliment la permission à la femme/viande avant de la consommer pour avoir agit en bon garçon.

On doit se sortir la tête du derrière et regarder un peu plus haut.

Ce type d’éducation sexuelle est d’une hypocrisie crasse. On doit se sortir la tête du derrière et regarder un peu plus haut.

La morale du consentement – bien bonne à bien des égards – est loin d’être suffisante pour garantir le respect de la dignité des femmes.

Bien bonne est la liberté aussi. Critère indispensable pour que deux personnes se traitent véritablement en sujets l’un pour l’autre, il arrive néanmoins que la liberté nous mène à paradoxalement consentir, à choisir de se traiter soi-même et autrui en objet à consommer.

Tant que perdurera la prémisse matérialiste dans ce qui fait office d’éducation sexuelle dans nos foyers et nos écoles, le consentement entre deux steaks sera invalidé par une « objectification » consumériste (aussi mutuelle soit-elle, parfois!) des protagonistes. Et ce matérialisme ne cessera de faire office de marchepied du patriarcat.


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Antoine Malenfant

Animateur de l’émission On n’est pas du monde et directeur des contenus, Antoine Malenfant est au Verbe médias depuis 2013. Diplômé en sociologie et en langues modernes, il carbure aux rencontres fortuites, aux affrontements idéologiques et aux récits bien ficelés.