Brigitte Bédard (crédit photo: Samian)
Brigitte Bédard (crédit photo: Samian)

Une vraie libération sexuelle

Une femme cocaïnomane, alcoolique, nymphomane, bisexuelle et anticléricale devient une épouse et une mère de famille catholique épanouie.

Brigitte Bédard est une Québécoise qui a eu soif, c’est le moins qu’on puisse dire. Soif de vivre ou de mourir, ça dépend du point de vue qu’on adopte. Alternant entre les lignes de coke, les verres de trop et les partenaires d’un soir, Brigitte a porté en titubant l’étendard de la libération sexuelle et de la haine de l’Église pendant plus d’une dizaine d’années.

Brigitte cherchait l’amour de sa vie, sans encore se l’admettre. Après quelques échecs amoureux, elle a, comme plusieurs autres, mis son désir de côté, comme pour l’oublier. Pourtant, elle espérait secrètement « l’impossible » après chaque aventure qui n’avait pas abouti…

Dans son livre J’étais incapable d’aimer*, l’auteure témoigne qu’il n’existe pas de causes désespérées. Et on peut la croire.

Rien que la solitude

Le fond du baril de dix années de débauche est atteint en 2001. Une page se tourne. Une page de vie sombre et terne comme les toilettes du sous-sol d’église où elle se trouve alors.

Lors d’un meeting des Anonymes qu’elle fréquente depuis trop longtemps, Brigitte y vomit sa vie, littéralement. Ce jour-là, c’en est trop. Elle a des flashs de ses nombreuses aventures sexuelles et elle se souvient du jour où elle avait allumé un lampion à saint Judes dans cette même église plusieurs années auparavant.

Je pensais à saint Judes et je lui demandais de venir me chercher, là, dans les toilettes…

« J’avais des scènes de sexe qui remontaient. Tous les visages entremêlés et toutes les positions mélangées, et je vomissais encore plus.[…] Je pensais à saint Judes et je lui demandais de venir me chercher, là, dans les toilettes » raconte-t-elle dans son livre.

On lui propose alors d’aller faire son « inventaire moral et sexuel » dans un monastère  ̶  étapes 4 et 5 du Programme de rétablissement des 12 étapes des Anonymes. Elle aurait ainsi l’assurance que sa confession demeurerait secrète, gardée entre les murs de l’Abbaye.

Brigitte n’a rien à perdre.

Un amour tout autre

Quand Brigitte rencontre l’homme qu’elle appelle « son moine », sa colère contre l’Église est tout aussi noire que son pantalon de cuir moulant. Au terme de trois jours passés à l’accuser de tous les maux du monde, sa révolte se transforme en larmes.

Le moine pose alors doucement ses mains sur sa tête. Elle la sent bruler. Elle le regarde avec ses « yeux bouffis et rougis » et lui demande: « C’est vrai? Tout ça est vrai? Jésus est vivant? Il est ressuscité? »

Il lui répond avec un doux sourire: « Oui… tout ça est vrai. C’est la vérité. Maintenant, Brigitte, tu vas sortir de ce monastère, et tu vas enterrer ta culpabilité, ta peur et tes remords dans la terre du monastère. Tu vas sortir d’ici et tu vas danser ta vie. »

Ses vieilles habitudes la ramènent dans une salle de meeting mais maintenant, c’est pour d’autres raisons.

Quand Brigitte sort du monastère, « une urgence avait pris naissance en [elle], un feu. » Elle monte les marches trois par trois, s’empresse de quitter les lieux sans savoir encore ce qui l’attend. Ses vieilles habitudes la ramènent dans une salle de meeting mais maintenant, c’est pour d’autres raisons : elle se surprend à y annoncer que Jésus est vivant.

Même si Brigitte est devenue chrétienne, le combat de purification des passions demeure vif.

Brigitte part de loin; elle était bisexuelle depuis 8 ans. Toujours autant impétueuse, elle s’unit à un homme trop rapidement. Après 3 ans de tentatives pour construire une famille avec le père de ses deux enfants, l’échec arrive comme un couteau dans la plaie.

Vient alors un temps nécessaire de maturation spirituelle où elle apprend à aimer l’Église de plus en plus et à purifier son désir d’un amour toujours plus vrai. Elle décide de faire une promesse de chasteté en bonne et due forme. Brigitte pense même à la vie consacrée. Sauf que les quelques mariages auxquels elle assiste finissent par raviver sa soif de jadis.

Brigitte a 36 ans et est toujours monoparentale et célibataire, avec deux jeunes enfants. Elle tente donc le tout pour le tout et s’inscrit sur un site de rencontre. Elle s’y présente comme une catholique qui veut vivre la chasteté avant le mariage.

Sans surprise, sa fiche ne fait pas fureur. Et les mois passent.

L’autre amour

Une nuit, elle pleure amèrement devant une icône de saint Joseph en le suppliant de lui trouver un mari.  Brigitte ne sait pas que pendant qu’elle prie saint Joseph, son futur mari, lui aussi père de deux enfants, prie à la même intention à l’autre bout de la ville.

C’est alors que Hugues, lui aussi sur le site de rencontres, remarque pour la première fois l’onglet Recherche par mots-clés. Il y entre le mot catholique. Il tombe sur deux fiches: celle d’une dame qui aime les choses « pas très catholiques » et celle de Brigitte.

Hugues et Brigitte se sont trouvés. Leurs quelques semaines de correspondance et de rencontres seront couronnées par un mariage et deux autres enfants!

En entrevue, l’auteure ne se gêne toujours pas pour parler de sexe. Et surtout depuis qu’elle vit la chasteté, me dit-elle. « La chasteté a tout changé dans ma vie parce que tout part de là. On a une fausse idée de la chasteté, on pense que c’est strictement sexuel. C’est bien plus que ça, c’est l’amour fraternel. Le fait de voir chaque être humain comme un enfant de Dieu.

« Pour moi avant, tout était consommable. J’étais bisexuelle. Je vivais une amitié qui avait toujours la possibilité de l’érotisation.

« Séduire l’autre et être séduit par l’autre: j’étais toujours dans ce mode de relation humaine. Je jouais un personnage, même dans le lit. Ça va faire 10 ans qu’on est mariés Hugues et moi et on apprend encore à faire l’amour. »

Celle qui a tant cheminé avec les Anonymes n’a maintenant plus rien à cacher.

Par son livre, Brigitte souhaite toucher les jeunes qui entendent toutes sortes de choses erronées sur l’amour, le sexe, la drogue et qui ne sont pas guidés là-dedans. Et elle a à cœur également les dépendants et les nombreux Anonymes, comme elle-même l’a été dans le passé. Depuis la sortie de son livre, les demandes d’aide et de conseils lui parviennent de toutes parts. Elle constate une fois de plus que ce n’est pas le besoin qui manque…

Celle qui a tant cheminé avec les Anonymes n’a maintenant plus rien à cacher. Au contraire, elle veut crier sur les toits sa rencontre avec ses deux amours : son mari, mais aussi et surtout Celui qui est la source de l’Amour. D’autant plus que ce n’est plus de polyamour dont il est question.


Note :

* J’étais incapable d’aimer est paru aux éditions Novalis (au Québec) et Artège (en France) en 2019.

Article mis à jour le 2 septembre 2021.

Sarah-Christine Bourihane

Sarah-Christine Bourihane figure parmi les plus anciennes collaboratrices du Verbe médias ! Elle est formée en théologie, en philosophie et en journalisme. En 2024, elle remporte le prix international Père-Jacques-Hamel pour son travail en faveur de la paix et du dialogue.