#MeToo, le mariage et Dieu

Lui ne m’a pas reconnu. Ça se comprend : c’était il y a 14 ans déjà. Comment me reconnaitrait-il à travers les allées du Métro, les charriots et les masques ? Sans compter ma poussette… Il ne sait probablement pas que j’ai maintenant un fils !

Je le trouvais beau. Je venais d’avoir 15 ans, c’était un gros party et j’avais pas mal trop bu (pour me donner le courage de lui parler). 

J’ai été tellement malade !  

J’avais la tête qui tournait, les idées confuses. Et je me suis retrouvée avec lui. 

Je n’étais pas vraiment contre. Je l’aimais bien et j’espérais qu’il m’aime en retour. 

Je n’étais pas vraiment pour non plus. J’étais trop soule pour penser clairement…

Chaste avec Platon

À 18 ans, alors que je n’avais même pas la foi, j’ai décidé de m’abstenir de toute sexualité « jusqu’à nouvel ordre ». Car en rentrant chez moi, dans l’autobus, j’ai été frappée par un passage dans un dialogue de Platon.

L’idée de Socrate me semblait toute simple : quand on ignore ce qu’est une chose, il vaut mieux s’abstenir de la manipuler. C’est le conseil qu’il donne à Alcibiade, son jeune interlocuteur : avant de te lancer en politique, il faudrait que tu connaisses ce qu’est le bien de la cité et ce qu’est la justice.

Lisant cela, je me suis dit tout bonnement : « Moi, je ne sais pas ce qu’est la sexualité. Je la pratique. Je pressens que c’est une chose importante. Mais je n’en connais ni le but ni la manière… »

Ça va paraitre fou pour le monde d’aujourd’hui, mais je crois fermement que l’institution du mariage, bien comprise, est l’un des meilleurs remèdes contre les agressions, les déviances et les blessures que les gens s’infligent par la sexualité. 

Quelques mois plus tard, mon intuition sur la sexualité s’est approfondie, au même moment de rencontrer la foi.

Comme je demeurais curieuse, j’ai demandé à un de mes professeurs, que je savais chrétien, comment il avait vécu l’abstinence jusqu’à son mariage.

« Pour vrai, très bien. Ça va te sembler quétaine… Mais je me sentais fort. Courageux. Chevalier même. Je trouvais ma future femme si belle, si précieuse, si pure… J’étais prêt à attendre pour elle. » 

Ça va paraitre fou pour le monde d’aujourd’hui, mais je crois fermement que l’institution du mariage, bien comprise, est l’un des meilleurs remèdes contre les agressions, les déviances et les blessures que les gens s’infligent par la sexualité. 

Mariage naturel et surnaturel

La plupart des gens aujourd’hui qualifient le mariage de conventionnel. « C’est juste une formalité ! » En un sens, c’est vrai qu’il y a de la convention. La façon de s’habiller, de célébrer, de fêter, etc.

Mais en un autre sens, le mariage est tout à fait naturel, au sens de naturellement en continuité avec le développement de la personne humaine. 

Pour ceux qui s’aiment, être deux, c’est vouloir devenir plusieurs. C’est s’aimer au point de devenir fécond. Et cette fécondité demande la sécurité et la stabilité : pour le bien des enfants, les parents se promettent fidélité. Dit autrement, ils se marient. 

Le mariage, comme institution politique, n’a rien de religieux.

Un principe théologique affirme que « la grâce s’ajoute à la nature ». 

Ainsi en est-il du mariage chrétien. Il ajoute au mariage civil la grâce de Dieu, pour traverser les épreuves, pour se pardonner l’un l’autre, pour se supporter patiemment… Pour bâtir son mariage sur du roc

Et Dieu peut aussi, à travers ce sacrement, guérir nos sexualités blessées. Nos #MeToo.

Alors que, depuis mon accouchement (assez intrusif), mes souvenirs d’adolescente me hantaient, alors que mon désir sexuel était littéralement à zéro, j’ai prié, invoquant le sacrement de mariage que j’ai reçu.

J’ai espéré une Pentecôte. Une Pentecôte pour guérir de mes blessures passées. Une Pentecôte pour mon mariage. Pour la chambre à coucher…

Et mon espérance n’a pas été déçue.

Dieu et le désir

Rien ne tue plus le désir que la religion, pense-t-on aujourd’hui. Mettre Dieu dans la chambre à coucher, ce serait se résoudre à avoir le moins de fun possible. Le « plate » devoir conjugal…

Par contraste, j’ai connu une fille qui résumait bien l’impression ambiante même si, il est vrai, elle éprouvait une certaine gêne à le dire : « Moi j’aime ça quand c’est bestial. »

Sauf qu’on n’est pas des bêtes justement. Déjà, on ne mange pas comme eux. On s’attable, on se réunit, on discute. On élève cette humble activité animale – se nourrir – jusqu’à l’humanité, dans toutes ses dimensions. 

Et de même en est-il pour le sexe. L’humain doit y mettre tout son être : de l’animalité à la raison, de la raison à la grâce. Je dis la grâce, car un acte d’amour aussi profond et intense a sans aucun doute besoin de s’appuyer sur l’Amour lui-même, Dieu. Ainsi trouve-t-il son plein accomplissement.

En tout cas, l’autre soir, dans l’intimité de la nuit, entendant résonner encore et encore dans ma tête le verset ci-dessous, je me suis prise à réellement croire qu’il en était ainsi…

« Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ. » (Ep 1, 3)

Vraiment, Dieu bénit chaque aspect de la vie humaine… même les plus intimes !


Laurence Godin-Tremblay

Laurence termine présentement un doctorat en philosophie. Elle enseigne également au Grand Séminaire de l’Archidiocèse de Montréal. Elle est aussi une épouse et une mère.