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Photo : Diana Polekhina / Unsplash

Trois questions sur les vaccins contre la COVID-19

Comment fonctionnent les vaccins contre la COVID-19 ? Est-il vrai que des fœtus avortés sont utilisés pour développer ces vaccins ? Peut-on en conscience recevoir de tels vaccins ? Si on refuse cette vaccination, quelles sont les conséquences ? Ariane Beauféray, biologiste de formation, répond à ces questions appuyée sur la littérature scientifique et les textes officiels de l’Église catholique.

Comment fonctionnent les vaccins Pfizer et Moderna ?

Le virus SRAS-Cov-2, qui est responsable de la COVID-19, ressemble à une balle recouverte de petits piquants. Cette balle est en fait l’enveloppe externe du virus, qu’on appelle capside, et les petits piquants s’appellent spicules. Ces spicules permettent au coronavirus de s’accrocher à nos cellules pour insérer leur matériel génétique à l’intérieur.

Lorsqu’on reçoit un vaccin contre la COVID-19, on s’expose aux protéines qui composent les spicules, afin que notre système immunitaire apprenne à les reconnaitre. Si une réelle infection survient, notre système immunitaire reconnaitra le coronavirus et se chargera de le détruire avant qu’il n’infecte nos cellules. 

On peut s’exposer aux protéines virales de plusieurs façons. Les seuls vaccins disponibles au Québec sont produits par les compagnies Pfizer et Moderna, et il s’agit de vaccins à ARN messager. 

L’acide ribonucléique messager (ARN-m) est une recette de protéines. Notre corps produit sans arrêt des ARN messagers pour produire des enzymes, des morceaux de tissus, des hormones, etc. Ces ARN messagers sont en fait des copies de notre ADN (acide désoxyribonucléique). Notre matériel génétique est précieusement caché au centre de notre cellule, dans un noyau protecteur. Selon nos besoins, certaines parties de ce grand livre de recettes sont recopiées en ARN messagers. Ces ARN sortent ensuite du noyau et sont lus par notre machinerie cellulaire pour produire des protéines. Puis, ces messages sont détruits. 

Les vaccins Pfizer et Moderna contiennent un ARN messager viral contenant la recette pour produire des protéines de spicules du coronavirus (les petits piquants à la surface de l’enveloppe). Ces ARN messagers rentrent dans nos cellules, sont lus par la machinerie cellulaire, ce qui nous fait produire des protéines de spicules. Et hop : réaction immunitaire, production de globules blancs spécialisés dans la lutte au coronavirus, et nous voilà prêts à combattre la maladie quand elle viendra. 

Sachant cela, on peut tout de suite casser deux mythes.

Premièrement : non, l’ARN messager ne modifie pas notre ADN (l’ARN ne rentre pas dans le noyau cellulaire, et même s’il y rentrait, il faut une machinerie spécifique pour modifier notre ADN, et cette machinerie ne se trouve pas dans le vaccin). Deuxièmement : non, nous n’allons pas produire toute notre vie des protéines virales (l’ARN messager est détruit après usage).

Cependant, les vaccins Pfizer et Moderna posent d’autres problèmes. 

Est-ce que les vaccins contre la COVID-19 sont produits à partir de cellules de fœtus avortés ?

Une centaine de vaccins contre la COVID sont en développement de par le monde. Les plus prometteurs sont référencés par l’Institut Charlotte Lozier, qui évalue également leur niveau éthique.

L’utilisation de lignées cellulaires humaines est très courante dans le domaine de la vaccination, mais également pour tester des dizaines d’autres produits pharmaceutiques aussi courants que l’acétaminophène ou l’ibuprofène. Avant de tester un médicament ou un vaccin sur une personne, on le teste sur une cellule humaine en laboratoire afin d’observer la réaction.

Le problème, c’est que ces lignées cellulaires humaines ont été produites à partir de cellules de fœtus avortés de trois à quatre mois. La lignée la plus célèbre est HEK-293, et a été produite à partir de cellules de rein d’un fœtus avorté en 1973. Les cellules ont été modifiées en laboratoire afin de les faire croitre et de les utiliser dans différents tests pendant plusieurs décennies

Nous n’avons simplement pas notre mot à dire sur la façon dont les vaccins [contre la COVID-19] ont été produits. Nous avons par contre la responsabilité de demander des vaccins éthiques, et de les utiliser quand ils sont disponibles.

Les vaccins de Pfizer et Moderna ne sont pas produits grâce à des lignées cellulaires d’origine fœtale. En effet, les ARN messagers contenus dans ces vaccins sont produits sur un substrat artificiel. 

Cependant, le fonctionnement de ces vaccins a été testé grâce à des cellules de la lignée HEK-293. En bref : les chercheurs ont injecté les ARN messagers viraux dans des cellules humaines pour vérifier que les cellules produisaient bien des protéines de spicules. Et des tests de qualité sont probablement réalisés à chaque fois que la compagnie produit un nouveau lot de vaccin. 

Que nous dit l’Église sur les vaccins pour lutter contre la COVID-19 ?

L’Église s’est prononcée à trois reprises sur les vaccins, ainsi que plus généralement sur l’instrumentalisation de fœtus avorté : en 1987, lors du pontificat de Jean-Paul II, dans l’instruction Donum Vitae ; en 2008, sous Benoît XVI, dans l’instruction Dignitas Personae ; et, finalement, en 2020, dans la Note sur la moralité de l’utilisation de certains vaccins contre la COVID-19, signée par le pape François.

La position de l’Église peut être résumée en une phrase : « tous les vaccins reconnus comme cliniquement sûrs et efficaces peuvent être utilisés en sachant avec certitude que le recours à ces vaccins ne signifie pas une coopération formelle avec l’avortement dont dérivent les cellules à partir desquelles les vaccins ont été produits » (Note sur la moralité de l’utilisation de certains vaccins contre la COVID-19). 

Maintenant, il est possible de détailler cette position à l’aide d’autres textes. 

« L’utilisation des embryons ou des fœtus humains comme objets d’expérimentation constitue un crime contre leur dignité d’êtres humains, qui ont droit à un respect égal à celui dû à l’enfant déjà né et à toute personne. Ces formes d’expérimentation constituent toujours un grave désordre moral. » (Dignitas Personae, 2008, article 34)

Cependant, « il existe naturellement des responsabilités différenciées et des motifs graves qui peuvent être moralement proportionnés pour justifier l’utilisation de ce “matériel biologique”. Par exemple, face au danger pour la santé des enfants, les parents peuvent autoriser l’utilisation d’un vaccin pour la préparation duquel on s’est servi de lignées cellulaires d’origine illicite, restant sauf le devoir de tous d’exprimer leur propre désaccord à ce sujet et de demander que les systèmes de santé mettent à leur disposition d’autres types de vaccins. D’autre part, on doit tenir compte du fait que dans les entreprises qui utilisent des lignées de cellules d’origine illicite, la responsabilité de ceux qui décident de l’orientation de la production n’est pas la même que la responsabilité de ceux qui n’ont aucun pouvoir de décision. » (Ibid., article 35)

Il y a trois mots-clés à retenir dans ces deux articles : désordre moral, responsabilité différenciée et motif grave. 

Non, les vaccins de Pfizer et Moderna ne sont pas éthiques, car ils instrumentalisent l’avortement d’un fœtus, ce qui est immoral. Ces vaccins sont cependant moins immoraux que d’autres vaccins qui sont directement produits sur des cellules humaines (le vaccin AstraZeneca, par exemple). 

Cependant, la personne qui reçoit un tel vaccin n’est pas aussi responsable que le chercheur ou le gouvernant concernant l’utilisation de ces cellules de fœtus avortés. Nous n’avons simplement pas notre mot à dire sur la façon dont les vaccins ont été produits. Nous avons par contre la responsabilité de demander des vaccins éthiques, et de les utiliser quand ils sont disponibles. Et, plus globalement, de nous engager pour le respect de la dignité humaine dès sa conception. 

Finalement, la pandémie, qui tue et paralyse nos sociétés, est un motif grave qui rend licite l’utilisation de tels vaccins.

Il est ainsi possible de recevoir les vaccins en bonne conscience. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait le pape François et le pape Benoit XVI en début d’année. 

Si, malgré ces déclarations, des personnes n’ont pas la conscience tranquille quant au vaccin, il leur est alors nécessaire « de tout faire pour éviter, par d’autres moyens prophylactiques et un comportement approprié, de devenir des véhicules de transmission de l’agent infectieux. En particulier elles doivent éviter tout risque pour la santé de ceux qui ne peuvent pas être vaccinés pour des raisons médicales ou autre, et qui sont les plus vulnérables. » (Note sur la moralité de l’utilisation des vaccins contre la COVID-19)

Quand une personne est vulnérable, ce n’est pas forcément inscrit sur son front. Les personnes vulnérables prennent l’autobus, vont à l’école, au bureau, à l’épicerie — enfin, quand on n’est pas en pandémie. Se vacciner, contre la COVID-19, mais aussi contre d’autres importantes maladies, leur permet à elles aussi de mener une vie normale. 

En espérant, comme nous y invite le pape François, que la vie normale de demain sera plus juste et protègera mieux les plus faibles.  


Ariane Beauféray

Ariane Beauféray est doctorante en aménagement du territoire et développement régional. Elle s’intéresse à l’écologie intégrale et met au point de nouveaux outils pour aider la prise de décision dans ce domaine. Collaboratrice de la première heure, elle est désormais membre permanente de l’équipe de journalistes du Verbe médias.