Le Verbe, en cette journée de Pâques, propose deux entretiens avec Simon Lessard sur la résurrection du Christ. Voici la seconde partie de cet échange autour d’un évènement au retentissement historique sans précédent.
Pour lire ou relire la première partie, cliquez ici.
Le Verbe : Lors de notre dernier entretien, vous avez déconstruit l’idée que les disciples de Jésus qui ont témoigné l’avoir vu ressuscité auraient pu être des manipulateurs. J’aimerais maintenant aborder avec vous une autre hypothèse.
Simon Lessard : Laissez-moi deviner… n’aurions-nous pas plutôt affaire à une joyeuse bande d’illuminés qui prennent leurs désirs pour la réalité ?
Le Verbe : C’est à tout le moins une objection qu’il faut considérer, il me semble. Les disciples étaient peut-être de bonne foi, mais étaient-ils sains d’esprit ? N’auraient-ils pas été victimes d’une illusion d’optique par exemple ?
SL : La question est évidemment pertinente. Avant de croire quelqu’un, avais-je dit la dernière fois, il faut s’assurer que cette personne ne veut pas nous tromper. Mais pour être rigoureux, il faut aussi vérifier que cette personne n’a pu elle-même se tromper. Ou bien ils disent vrai, ou bien ils mentent… ou bien ils sont dans l’erreur quant à ce qu’elles pensent avoir vu. Il n’y a pas d’autre possibilité.
Le Verbe : N’arrive-t-il pas souvent que des fondateurs de sectes soient déséquilibrés mentalement ?
SL : Trop souvent malheureusement. C’est pourquoi la question est légitime. Mais dans le cas qui nous intéresse, je pense que l’hypothèse de la folie semble être elle-même folle à soutenir. Je m’explique.
Si les centaines de disciples qui ont vu le Christ ressuscité étaient tous fous, alors leurs ennemis auraient été les premiers à les traiter d’aliénés.
Si les apôtres et les centaines de disciples qui ont vu le Christ ressuscité étaient tous fous durant plus de 40 jours, alors leurs ennemis auraient été les premiers à les traiter d’aliénés. Ce chef d’accusation n’a pourtant pas été retenu par les adversaires de l’époque.
De plus, des fous ne nous auraient pas donné des écrits reconnus, même par les non-croyants, comme les plus profonds de toute l’histoire de l’humanité. Il semble déraisonnable aussi de penser que des fous auraient réussi à convaincre des foules entières parmi lesquelles se trouvaient de grands sages des élites hébraïques, grecques et romaines.
Difficile de croire aussi que des fous auraient enseigné et vécu la vie morale la plus parfaite, sans les incohérences et contradictions propres à la folie. C’est d’ailleurs la pierre d’achoppement de la plupart des gourous de secte.
Le Verbe : Des fous bons et brillants, c’est un peu contradictoire je vous le concède.
SL : Mais il y a plus. S’ils étaient vraiment fous, comment l’auraient-ils été tous de la même manière et sur la même chose ? Allons dans un hôpital psychiatrique et l’on n’y trouvera même pas deux fous qui ont exactement les mêmes idées folles. Or, ici, nous sommes devant des dizaines, voire même des centaines de personnes qui affirment avoir vu la même chose : un homme défiguré et torturé à mort publiquement revenir trois jours plus tard à la vie dans le corps le plus parfait.
Bref, le silence de leurs adversaires, le succès de leur prédication, la profondeur de leurs discours, la droiture de leurs actions et l’unanimité de leur témoignage ne permettent pas à mon avis de défendre raisonnablement l’hypothèse de leur déraison.
Le Verbe : Mais alors si les nombreux témoins de la résurrection n’étaient pas fous, s’ils étaient honnêtes et de bon sens, comme vous dites, n’ont-ils pas été tout simplement une fois dans leur vie victimes d’une hallucination ?
SL : Il est certes possible d’être trompé par une illusion, de prendre une personne pour une autre par exemple. Mais qu’un grand nombre d’hommes se trompent tous ensemble, tous de la même manière et que dans cette multitude, il n’y en ait pas un seul qui, avec de meilleurs yeux ou un meilleur jugement, découvre l’erreur, cela n’est jamais arrivé à ma connaissance.
Or, ceux qui prétendent avoir vu le Christ ressuscité sont très nombreux. Il y a d’abord Marie-Madeleine, puis Pierre, puis les deux disciples d’Emmaüs, puis tous les apôtres ensemble et même, nous dit Paul, une foule de plus de cinq-cents frères en même temps !
Je vous repose la question à mon tour : comment auraient-ils pu tous être victimes de la même illusion en des temps et lieux différents, sans qu’aucun de ceux qui étaient présents à ces apparitions ne les contredise? Car rappelons-le, les seules personnes qui s’opposent à leur témoignage étaient absentes.
Le Verbe : Mais peut-être ont-ils fait erreur sur la personne. Peut-être ont-ils pris pour Jésus quelqu’un qui lui ressemblait beaucoup ?
SL : Il est effectivement possible de se méprendre sur une personne que l’on voit une seule fois, en passant, de loin, surtout si on la connait peu ou si on l’a vue rarement. Mais les apôtres et disciples qui prétendent avoir vu le Christ ressuscité le connaissaient très bien. Ils avaient vécu plus de 3 ans avec lui. Ils le suivaient partout, ils mangeaient, buvaient et marchaient avec lui dans la plus grande familiarité.
Le Verbe : Certains pensent qu’ils auraient été victimes d’une sorte d’illusion d’optique ou d’une hallucination à la manière de ceux qui font des psychoses.
SL : Psychose de groupe sans drogues et hallucinations collectives répétées en différents temps et lieux ? On entre alors dans des hypothèses que ni la médecine ni la psychologie ne pourraient défendre.
Il est certes possible qu’un de nos sens soit trompé, qu’on croie voir ce que l’on ne voit pas. Mais que tous nos sens se trompent en même temps et de la même manière, que même le sens du toucher soit trompé, cela même les pires drogues ne peuvent le causer parfaitement. C’est pourquoi l’on se pince lorsqu’on a un doute sur nos autres sens, car le toucher est par-dessus tout le sens de la certitude. Or, pendant plus de 40 jours, nos témoins prétendent avoir vu le Christ ressuscité. Ils affirment que Jésus-Christ ressuscité leur a donné des enseignements et confié une mission. Ils racontent même avoir mangé et bu avec lui, qu’ils ont même pu le toucher.
L’apôtre Thomas qui doutait ne pouvait plus douter après avoir touché, en présence des autres apôtres, la chair et les os du Christ dans les plaies mêmes qui avaient causé sa mort !
Le Verbe : Mais pouvez-vous vous appuyer ainsi sur leurs écrits si nous ne sommes pas certains justement de la fiabilité de leur témoignage ? Se baser sur la Bible pour démontrer la Bible n’est-ce pas contradictoire.
SL : Ce serait contradictoire effectivement, mais ce n’est pas ce que je fais. Je ne cherche pas à démontrer que la Bible est la Parole de Dieu. Je m’appuie sur quelques livres de la Bible seulement en tant que documents historiques, comme le ferait n’importe quel bon historien.
Une fois que l’on a établi que les témoins ne sont pas des menteurs, alors leurs écrits deviennent fiables. Fiables au moins en toutes ces choses ordinaires dont aucun homme ne peut être victime d’illusion : le nombre de personnes présentes, les lieux, les temps, etc.
S’ils sont de bonne foi, on ne peut prétendre en même temps que tout ce qu’ils rapportent serait pure invention. On est ou bien trompeur ou bien trompé, mais pas les deux en même temps.
Le Verbe : J’aimerais revenir sur une autre objection assez courante. Ne pourrions-nous pas penser que les apôtres du Christ espéraient tellement qu’il ressuscite, qu’ils ont été plus faciles à abuser, plus disposés à se laisser convaincre par une similiapparition ?
SL : Le problème avec cette hypothèse c’est que lorsqu’on lit attentivement leurs récits, c’est tout le contraire que l’on voit. Ils étaient si persuadés qu’après la mort de leur maitre tout était fini, qu’ils sombraient dans la peur et la tristesse. Loin de toute exaltation, ils avaient au contraire tous perdu la foi. Ils sont même allés l’embaumer !
Leur première réaction fut de refuser de croire les évidences que leurs yeux leur montraient lors des premières apparitions et des premiers témoignages. Madeleine ne le reconnait même pas de prime abord. Les apôtres refusent de croire les saintes femmes qui prétendent avoir vu le Christ ressuscité. Les disciples d’Emmaüs étaient complètement découragés. L’apôtre Thomas, lui, ne crut pas ses meilleurs amis qui lui affirmaient unanimement avoir vu le Ressuscité. Thomas ne crut même pas lorsque ses propres yeux le virent avant que ses mains le forcent à reconnaitre l’évidence que sa tristesse obscurcissait.
Le Verbe : Autre objection à rejeter donc ?
SL : C’est à mon avis insoutenable si l’on étudie attentivement les circonstances. Leur lenteur à croire, les preuves qu’ils ont exigées pour croire, montrent que loin d’être exaltés et convaincus que le Christ devait ressusciter, ils étaient au contraire les plus méfiants et les premiers incrédules.
Le Verbe : Mais s’ils n’étaient ni fous, ni victimes d’illusion, ni menteurs alors…
SL : Alors je vous laisse tirer votre propre conclusion !