Jeudi dernier, l’Université Laval lançait sa campagne de financement avec une publicité où l’on voit un alérion, oiseau emblème de l’institution, rattaché aux lettres « UL » par des lignes aux couleurs que les habitants de la Ville de Québec connaissent bien : rouge et or.
Samedi, cette image a circulé dans les médias sociaux aux côtés d’une photo du pavillon de l’Allemagne nazie érigé à Paris pour l’Exposition universelle de 1937. Le lendemain, dimanche, les responsables de la campagne annonçaient que la publicité serait modifiée et offrait ses excuses à ceux qui auraient pu être offusqués par l’ancienne version.
Tempête dans un verre d’eau
Ces excuses et toute cette polémique sont infondées.
Premièrement, cette polémique n’a pas lieu d’être. Honnêtement, vous le connaissiez, vous, ce pavillon de l’Expo universelle de 1937 ? Moi non plus, et pourtant, j’ai un baccalauréat en science politique, de l’Université Laval d’ailleurs.
Deuxièmement, je n’ai vu personne se dire offensé par une image qui rappelle l’édifice nazi, mais simplement des gens disant que cela pourrait offusquer d’autres gens. À qui s’excuse-t-on alors ? Aux apôtres du politiquement correct, à ceux qui critiquent tout ce qui pourrait être blessant, mais qui ne l’est pas réellement ou nécessairement.
L’agence qui a réalisé cette publicité aurait pu répondre que l’alérion, un petit aigle sans bec, ni pieds, est un des symboles de l’Université Laval. Il est aussi l’emblème de plusieurs empires du passé, pensons à celui de Napoléon et de César. L’alérion ou l’aigle font également partie de la symbolique de plusieurs États actuels, comme les États-Unis, l’Allemagne, le Mexique, l’Autriche, l’Égypte, la Pologne.
Ces pays sont-ils gênés de partager un oiseau avec le régime nazi ? Non. Ils font la part des choses. Ils ne se laissent pas emporter par la tentative d’éradiquer de leur imaginaire collectif tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à un symbole hitlérien.
Au Québec, cependant, nous avons un tel malaise avec le passé, une telle difficulté à nous réconcilier avec notre propre héritage, qu’une ressemblance entre une publicité universitaire et un édifice nazi se transforme instantanément en polémique.
Quelque chose de similaire m’est arrivé à quelques reprises pendant les cinq années où j’ai été animatrice scoute. Était-ce une croix gammée que j’arborais fièrement sur ma chemise verte ? « Non, c’est une croix scoute. »
Il est vrai que la croix potencée ressemble un peu à la croix gammée, mais il faut vraiment avoir une peur bleue de la seconde pour l’associer à la première. Ces deux croix sont bien distinctes, comme le sont l’alérion de Laval et l’aigle hitlérien. L’Université aurait pu s’en tirer avec une réponse du genre.
Table rase
Comme je l’ai dit, j’ignorais jusqu’à hier l’existence du pavillon de l’Allemagne de 1937. En revanche, ce que je savais, c’est qu’on retrouve des aigles et des coquilles sur le drapeau et le blason de l’Université. Cette symbolique, partagée par le Petit et le Grand Séminaire de Québec, est héritée des armoiries de Saint-François-de-Laval, fondateur de ces institutions.
En voyant la publicité en question, je n’ai pas pensé à l’imagerie hitlérienne. J’ai plutôt été fière que mon université valorise ses symboles traditionnels. L’Université Laval exagère un peu en disant qu’elle célèbre son 350e anniversaire cette année, mais elle n’exagérait pas en mettant en valeur son alérion emblématique. La nouvelle publicité est, à mon avis, moins belle que l’ancienne, mais elle garde son ancrage historique. On y voit désormais non pas un petit aigle, mais son blason en entier au-dessus du slogan « Propulsons ».
L’UL résiste là où les Collèges Saint-Charles-Garnier et Mérici ont cédé. Passez devant ces établissements scolaires de la Haute-Ville de Québec: vous verrez des affiches annonçant « SC! » ou un simple « M », à la place des symboles témoignant de leur durée dans l’histoire.
Malheureusement, nombreuses sont les écoles, de la Capitale et de toute la province, qui se défont aujourd’hui de leur appellation historique. L’École secondaire des Compagnons de Cartier se nomme maintenant le Collège de Compagnons, exit Jacques Cartier !
Et comme notre passé est éminemment religieux, le patrimoine historique et l’héritage catholique disparaissent de l’espace public au même rythme. Le nombre effarant d’établissements qui perdent leur nom de saint illustrent trop bien cette tendance.