Vous l’avez peut-être vue dans une production du théâtre Saint-Denis, dans un concert des Jonas Brothers, aux côtés de Demi Lovato dans le film Camp Rock 2 de Disney ou encore à la télé dans L’auberge du chien noir ou dans Toute la vérité. Plus récemment, c’est au Vatican, avec le pape François, qu’on pouvait apercevoir Marybel Mayorga. Celle qui travaille désormais comme édimestre pour le diocèse de Montréal nous raconte comment elle a quitté le monde artistique pour mettre ses talents au service de l’Église.
Marybel est la seule Canadienne (et la seule francophone) à suivre le programme Faith Communication in the Digital World. Cette formation intensive d’un an propose à seize jeunes communicants du monde entier de parfaire leurs compétences et d’approfondir leur foi. Le groupe d’élus s’est rassemblé pour la première fois au Vatican, en juin dernier, là où l’initiative a été lancée.
À voir le parcours professionnel de cette Montréalaise, on se demande d’emblée comment elle a pu atterrir dans les antiques corridors de la petite cité enclavée.
« Une crise d’anxiété m’a prise, en Europe, alors que je dansais sur la scène. Ça faisait un bout que j’étais physiquement malade en tournée : palpitations, estomac et digestion dérangés. Rendue à l’hôtel, je me suis mise à genoux et j’ai dit : “Seigneur, ça fait quinze ans que je danse, qu’est-ce qui se passe ?” Et c’est à ce moment que j’ai entendu cet appel : “J’ai besoin que tu me donnes plus.” J’ai pris mes valises, en plein milieu du contrat, et je suis partie. »
« La passion est encore là, mais je veux la mettre au service de ma foi. »
Marybel Mayorga
Un héritage déterminant
De retour chez elle, la jeune femme a repris les études en communication qu’elle avait mises sur pause pour se consacrer à la danse. Le sixième art, qui n’était d’abord qu’une « très grosse passion » pour elle, est devenu rapidement une profession.
Presque chaque soir de la semaine, Marybel se rendait à son école de danse pour suivre des cours et s’entrainer. La propriétaire, qui avait de bons contacts, a reconnu son talent et l’a rapidement propulsée dans le milieu artistique.
« Dans la culture latino-américaine, la danse n’est pas un métier. Mes parents ont immigré ici du Nicaragua parce qu’il y avait une guerre. Ils espéraient que moi, leur fille ainée, je deviendrais avocate, médecin, etc. Quand je leur ai dit que je voulais devenir danseuse professionnelle, ils ne comprenaient pas. »
Ce couple d’immigrants avait trainé avec lui une autre évidence culturelle du Nicaragua : la foi en Jésus Christ. Celle-là, Marybel ne s’en est pas délestée. Le service de la messe chaque dimanche et la prière du chapelet en famille sont au cœur de sa jeunesse : « C’est très ancré chez nous comme Latino-Américains, c’était même plutôt intense. » Désormais maman à son tour, elle essaie de transmettre cette même foi à sa fille.
Le dilemme d’être soi
Si vivre sa foi à l’adolescence lui a paru difficile, c’était sans doute pour mieux la préparer au milieu artistique. Marybel fait partie de la dernière génération de Québécois à avoir suivi le cours de religion à l’école. Elle y entendait fréquemment ses pairs rire de ses croyances. Fréquentant de surcroit une école multiculturelle de LaSalle, à Montréal, elle a été amenée à remettre sa foi en question.
« Je vivais un dilemme. Il y avait Marybel les dimanches à l’église et Marybel à l’école. La communauté chrétienne hispanophone dans laquelle je grandissais était très serrée. Je voulais être moi-même. Comment je pouvais arriver à combiner les deux, arrimer la même Marybel et la projeter ? »
Ce même dilemme, elle l’a de nouveau affronté alors que les contrats et les auditions se présentaient : jusqu’où irait-elle pour être prise ? Accepterait-elle de s’habiller légèrement pour danser avec tel artiste ?
« J’ai toujours écouté mes valeurs. Je n’ai jamais eu à faire des choses qui allaient contre elles. Quand j’étais plus jeune, par contre, je dois avouer que je ne savais pas trop où me positionner. Je vivais un combat jusqu’au moment où j’ai atteint un âge où je voulais m’assumer. »
Alors qu’autrefois elle se cachait pratiquement dans un coin pour prier avant d’entrer sur scène, les dernières années, elle osait s’agenouiller et faire le signe de croix devant tous ses collègues.
« Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain. Ça a pris des années. Au début, je me disais que ma relation avec Dieu ne les concernait pas, je ne voulais pas être show off. Mais un moment donné, des coulisses, ce n’est pas très grand… Et les artistes, en fin de compte, ils respectent ça. Certains font autre chose. Chacun a ses petites routines. »
Disponible, tout simplement
Si Marybel a décidé aujourd’hui de se concentrer davantage sur les communications en Église, ce n’est pas parce qu’elle a mis une croix sur les arts de la scène, bien au contraire. Celle qui a toujours son agente attend qu’une occasion de mettre ses talents à profit pour Dieu se présente. « La passion est encore là, mais je veux la mettre au service de ma foi », précise-t-elle.
Bien des gens l’envieraient d’avoir pu faire de sa passion une carrière. De fait, elle n’a pas quitté le métier parce que celui-ci l’a rendue malade. C’est plutôt l’intuition profonde de ne pas être là où elle devrait être, de ne pas être tout à fait à l’écoute de Dieu.
C’est en quelque sorte cette même conviction qui l’a fait persévérer en communication alors que la danse prenait toujours plus de place.
« Avant de partir dans cette tournée en Europe, j’étais dans mes cours à l’université et je recevais sur mon téléphone des pop-ups qui me proposaient des auditions. Je pouvais en avoir 10 en cinq minutes parfois. Je n’étais pas trop certaine, mais je me disais que c’était peut-être un signe et que je devrais aller la faire. Finalement, je suis prise. Je me dis : “Génial, j’écoute l’appel de Dieu et il veut que je travaille dans la danse.” Je m’étais trompée, mais il a utilisé cette situation pour me dire quelque chose d’encore plus important. Il m’a tellement donné et tellement sauvée dans certaines situations. Cette fois, l’appel était trop grand pour ne pas l’ignorer. »
De Disney au Vatican
Tout le monde conviendra que passer des grandes scènes aux officines de l’Église, ça peut paraitre drôlement moins attrayant, autant pour la renommée que pour le portefeuille. Mais jusqu’à ce jour, la jeune femme n’a aucun regret.
« J’ai confiance en Dieu là où il me met. J’ai été dans le monde artistique pour une raison. Si l’on commence à comparer, c’est là où l’on se perd. Croire en ses rêves, c’est important, mais surtout croire en Dieu et être attentif à ce qu’il essaie de nous dire. Si je n’avais pas la prière, ce serait impossible d’être attentif à ce qu’il me dit. Je suis reconnaissante envers mes parents qui m’ont transmis la foi. »
Pour l’instant, elle travaille sur un projet pour le Vatican. Elle aimerait un jour contribuer à la mise en scène des Journées mondiales de la jeunesse ou mettre sur pied une fondation pour les enfants pauvres du Nicaragua.
Quand elle était plus jeune, il y a une chose que Marybel écrivait sans cesse dans son journal : « Je veux utiliser mes dons pour ta gloire. » Ce désir était accompagné d’une certitude profonde qu’il allait s’accomplir, sans qu’elle sache comment.
Et si aujourd’hui elle commence peut-être à l’entrevoir, nul doute qu’elle verra un jour les rideaux se lever pleinement sur la grande chorégraphie que Dieu avait préparée de toute éternité.