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Photo: Le Verbe/Maxime Boisvert

Cinq mythes tenaces sur l’école-maison

Il y a l’école publique et l’école privée. Il y a aussi l’école à la maison. Cette dernière, comme tout ce qui est marginal, attire son flot de préjugés. Le Verbe a rencontré Annie Couture, présidente d’Ex Corde Schola, un réseau coopératif de parents ayant fait le choix de l’instruction en famille, pour confronter quelques idées préconçues.

Le Verbe : Pourquoi avez-vous décidé de faire l’école à la maison ?

Annie Couture : Ce n’était pas par peur du monde comme plusieurs l’imaginent. Ma première préoccupation, c’était la qualité de l’éducation pour mes enfants. L’école privée était vraiment trop chère. Alors j’ai opté pour l’école à la maison en me disant que je pourrais offrir tout ce dont je rêve pour mes enfants : une éducation de haut niveau dans l’esprit des humanités. Mais rapidement mes raisons ont changé.

Que s’est-il passé ?

Thomas, mon premier fils, n’arrivait pas à suivre le programme « avancé » que je voulais pour lui. Un spécialiste a découvert qu’il avait un TDAH et qu’il était profondément original. Selon les tests qu’on lui fait faire, il est toujours hors-norme. Il donne souvent des bonnes réponses, mais selon sa logique à lui. Il a donc besoin d’une éducation adaptée à sa manière différente d’apprendre.

J’ai dû faire le deuil d’un enfant brillant, surdoué, parfait, mais pas d’un enfant saint. Je n’ai même plus l’impression que c’est désirable. Je trouve plus savoureuse l’originalité que la performance.

Mythe no1

Les parents qui choisissent l’école à la maison le font-ils avant tout pour des raisons religieuses ?

Annie : Ce n’est pas mon expérience. Les gens qui font l’école à la maison que je connais sont plus préoccupés par une bonne éducation que par une pureté idéologique. Une bonne éducation comprend aussi une éducation religieuse, mais pas seulement.

Je n’oblige pas mes enfants à aller à la messe tous les jours pour ne pas les écœurer. Je préfère leur inculquer un esprit de louange, leur apprendre à remercier le Seigneur de manière spontanée. À la base l’idée de la religion ce n’est pas de multiplier des pratiques, c’est le désir de sainteté.

Mythe no2

N’y a-t-il pas un danger qu’en restant à la maison vos enfants soient surprotégés ?

Annie : Je n’ai pas tendance à protéger mes enfants. Au contraire, j’ai peur de la surprotection ! Je pense que si on élève nos enfants dans une bulle, alors la relation avec eux va se casser sec à l’adolescence.

Mais si tu es capable d’aller dans les sujets les plus difficiles, de répondre à l’enfant avec une grande vérité sur les pires saloperies, je me dis que cet enfant-là risque d’avoir confiance en toi, et le jour où il va se frotter à ses pairs, de venir vers ses parents pour demander conseils et explications.

Je veux que mes enfants aient les outils intellectuels pour avoir une prise sur le monde qui soit droite et complète.

Mythe no3

On pense souvent que les enfants qui ne vont pas à l’école sont coupés du vrai monde.

Annie : Ce n’est pas impossible que des parents enferment leurs enfants dans un garde-robe avec une bible. (Rires!) Tout est possible.

Par contre les études ne nous montrent pas ça. Elles révèlent des enfants mieux socialisés, capables de bien intégrer les règles de la société. Ils comprennent mieux les codes de la société, car ils sont éduqués plus par des adultes que par leurs pairs. Quand on a seulement des amis de notre âge, on s’éduque à une sous-culture, aux codes des personnes de notre âge. Mes enfants ont des amis de tous les âges et comprennent les codes de tous.

Mythe no4

Comment s’assurer que vos enfants ne demeurent pas naïfs sur la dureté de notre monde ?

J’ai la préoccupation que mon fils fasse partie de la société et que du milieu de la société il l’évangélise et cela suppose qu’il la comprenne mieux que ceux qui la font.

Pour moi c’est important de parler avec mon fils de ce qui se passe dans notre monde. De lire les journaux avec lui. Ne pas lui cacher la réalité. C’est important qu’ils connaissent aussi les mensonges et déviations de notre monde mieux que ceux qui les font et pourquoi ils les font.

Je veux que mes enfants apprennent à se scandaliser du mal.

Par exemple, la semaine passée, mon fils était en train d’écouter du François Pérusse et il y avait une blague sur Michael Jackson. Il m’a demandé c’est qui. Alors je lui ai fait écouter une de ses chansons. Mais j’ai dû lui expliquer aussi qu’il était accusé d’avoir abusé de jeunes garçons. Est-ce que je suis en train de scandaliser mon enfant ? Je veux au contraire que mes enfants apprennent à se scandaliser du mal.

Mythe no5

Pensez-vous que tout le monde devrait faire l’école à la maison ?

Annie : Non, je ne dirais pas que c’est pour tout le monde. Si la relation parent-enfant est terriblement conflictuelle, ou si on est face à un enfant-roi, alors l’école à la maison n’est pas une bonne idée pour cette famille. Un parent qui n’a pas assis sa discipline ne sera pas capable de faire l’école à la maison non plus. La liberté que donne la maison doit être assise sur une bonne discipline. Sinon on ne pourra jamais rien faire avec notre enfant.

Je ne crache pas sur l’école. Ça m’énerve profondément quand ceux qui font l’école à la maison se vantent et pensent qu’il y a un seul choix qui est possible et parfait. Il faut être capable d’avoir un discours nuancé. Il y a de bonnes et de mauvaises expériences d’école à la maison, comme il y a de bonnes et de mauvaises expériences à l’école publique et à l’école privée aussi.


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Pour aller plus loin :

Découvrez notre photoreportage « Apprendre par cœur » sur l’école à la maison dans le Magazine Le Verbe.

Et aussi cet article original de la coop Ex Corde Schola : « How to dress a duck » ou comment allier naturellement science, géographie, Dieu et la pratique de la lecture à voix haute en famille.

Simon Lessard

Simon aime entrer en dialogue avec les chercheurs de vérité et tirer de la culture occidentale du neuf et de l’ancien afin d’interpréter les signes de notre temps. Responsable des partenariats pour le Verbe médias, il est diplômé en philosophie et théologie.