deux papes
Photo tirée de la page Facebook «The Two Popes».

Les deux papes: «Continuez à marcher!»

C’est précisément cette phrase : « Ne vous arrêtez pas ! Continuez à marcher ! »*, qui rythme toute la durée du film Les deux papes diffusé sur Netflix. Parfois, ce message est fort, à d’autres moments presqu’inaudible, mais toujours présent. Il nous amène ainsi à réfléchir à l’histoire, à la tradition de l’Église et à notre propre vie.

Je vous avouerai avoir eu des réticences à visionner ce film, surtout dans le contexte actuel où on observe une polarisation dans les communautés chrétiennes entre les « tradis » et les « libéraux ».

Les comparaisons (lire : accusations) se multiplient et on cherche où situer la vraie « tradition » et la vraie « fidélité » à l’Évangile.

Je ne vous cacherai pas non plus ma surprise devant la respectueuse humanité du film dans lequel les deux papes — le pape émérite Benoît XVI et le pape François — apparaissent dans leur vérité et nous permettent de discerner l’intervention de l’Esprit.

Garder ce qui est bon

Que peut-on retenir de ce film, pour la croissance communautaire et personnelle, croyante ou agnostique ? Car toute œuvre bonne, vraie et belle porte des fruits de même nature.

Notons un des éléments importants, à savoir que l’amour d’un Dieu unique se décline en mille visages chez les humains créés à son image et à sa ressemblance.

C’est l’Amour dérangeant et déconcertant, comme le dit le pape François en décrivant la voix de cet Amour :

La voix du Seigneur qui apporte la paix ! L’appel, oui, mais la paix… peut-être pas !

C’est un amour qui déconcerte et fortifie en même temps. Le pape émérite Benoît XVI s’exprime ainsi : « J’étais un solitaire, mais jamais seul ».

Les secrets de la miséricorde

Ainsi, les deux papes nous livrent le secret de leur marche avec Dieu, secret qui a, comme l’amour, plusieurs visages.

Il s’agit d’un amour qui connaît une difficulté admise par les deux papes et qui s’applique à nous toutes et tous :

Le plus difficile, c’est d’écouter la voix du Seigneur.

Pour écouter, pour entrer en communication avec les autres, nous devons adopter une attitude de miséricorde.

À ce sujet, le pape François précise, à propos des murs que nous construisons et qui nous séparent : « La miséricorde est la dynamite qui fait écrouler les murs ».

Il est regrettable que, dans la traduction française, le mot « miséricorde » ait été remplacé par « tolérance ». Le texte anglais original utilise bien « miséricorde ».

(Il est à noter que, hélas, dans certains épisodes de ce film, la traduction française est pitoyable !).

Ce que ce film nous amène à constater, c’est qu’une telle attitude d’écoute et de miséricorde nous amène à mieux vivre les changements les plus profonds.

En effet, chacun des deux papes, à deux moments différents, réagit à l’interpellation de l’autre : « Vous avez fait des compromis (compromissions) ! Non, j’ai changé ! ». L’amour de Dieu ne nous fige pas dans des postures idéologiques, il nous transforme et nous transfigure.

Réflexion sur la foi

Les deux papes nous invitent à réfléchir sur la nature de la foi chrétienne.

Est-ce une croissance des semences du Verbe nourries par l’eau du Baptême et le souffle de l’Esprit à travers le temps et l’espace de notre histoire personnelle, communautaire et sociétale ?

Ou est-ce le clonage à l’identique de certaines idées impersonnelles et intemporelles hors du temps et de la mémoire ? C’est à chacun et chacune d’y répondre et, comme le pape (ou les papes), d’être les martyrs — les témoins de la vérité et de la justice.

Le dernier moment que je veux souligner, selon moi le plus touchant, est celui de la scène où le pape Benoît XVI pose cette question au cardinal Bergoglio :

Pourquoi Dieu permet qu’il y ait plusieurs papes en même temps ?

À la réponse de Jorge Bergoglio, qui dit ne pas pouvoir donner la réponse à cette question, le pape Benoît XVI dit simplement :

« Pour que le pape qui s’en va puisse voir la correction de son pontificat ! J’aimerais voir la correction de mon pontificat. »

Silence incarné

Je dois ajouter que, dans cette scène, il n’y a aucune sous-estimation de Benoît XVI, ni de sarcasme ou de moquerie ! On peut vraiment y observer la véritable grandeur d’un Pape qui s’en va librement.

C’est seulement celui qui est véritablement humble qui peut affirmer qu’il est prêt à vivre la correction de son vivant (malheureusement, dans la traduction française, le mot « correction » est remplacé par le mot « punition », ce qui rend cette scène plus que problématique).

Dans le texte anglais, les dialogues sont très subtils et nuancés en nous montrant la profondeur des deux papes. Le jeu remarquable d’Anthony Hopkins (Benoît XVI) et de Jonathan Pryce (François) nous porte à croire à une invitation dans le secret pontifical.

Ce qui découle de ce film, c’est que Sélénium Incarnatum, « Silence incarné », ce n’est pas le mutisme, mais la recherche de la vérité et de l’amour.

La recherche de la vérité n’est pas une dictature. Le pape François dit encore que nous sommes appelés à devenir des instruments de libération où « la vérité est essentielle, mais la vérité sans l’amour devient intolérable ».

« NE VOUS ARRÊTEZ PAS ! CONTINUEZ À MARCHER ! ».


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* Toutes les citations proviennent du texte du film.

Édouard Shatov

Edouard Shatov, jeune prêtre Augustin de l'Assomption, d'origine russe et issu d'une famille orthodoxe. Directeur du programme pastoral au Montmartre, à Québec.