Devant Dieu notre Père, un comportement religieux pur et sans souillure, c’est de prendre soin des orphelins et des veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde. »
– Épitre de Jacques 1, 26-27
Vous avez vu ces enfants dans les camps de réfugiés au Liban (photo), ou ceux bloqués cette semaine à la frontière hongroise.
Comme moi, vous avez aussi vu ces corps inertes, lessivés par les marées, gésir sur les rives de la Méditerranée.
Étrangers ou familiers? Parasites menaçant la citadelle occidentale ou frères et sœurs en humanité?
Et encore! Reconnaitre en l’autre un frère n’est pas nécessairement synonyme de solidarité. On peut facilement dire comme Caïn à Dieu, en parlant d’Abel : « suis-je le gardien de mon frère? »
Je m’occupe de mes affaires. Qu’il s’occupe des siennes.
De la sensibilité
Et si Abel se noie lors du naufrage d’un radeau trop chargé? Et si Abel ne peut plus rien pour son nourrisson affamé? Et si Abel a perdu sa femme, vendue à Daech pour quelques piécettes?
Entre Elisabeth Lévy, figure de la droite médiatique française, pour qui « la véritable générosité, parfois, c’est de dire non », et un certain angélisme naïf qui verrait dans l’accueil du réfugié une solution durable aux malheurs du monde, il doit bien y avoir une voie médiane.
Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli. »
– Mt 25, 35
Lévy dit que nos politiciens ne sont pas élus pour diriger avec leurs émotions. C’est vrai. Ils sont souvent là pour leurs qualités de bureaucrates ou de communicateurs. Si on est chanceux, ils auront les deux.
Alors, si on ne peut rien attendre des politiques, que doit-on attendre de nous-mêmes? S’il ne faut pas se laisser emporter par des sentiments « trop humains », quelles actions la raison nous dicte-t-elle d’accomplir?
L’accueil du faible
Il est aisé d’accueillir un médecin français qui veut pratiquer ici. Un ingénieur indien comme voisin, à la limite, ça se tolère. Mais le sans-papier irakien, le déserteur érythréen, la femme enceinte syrienne…
Un chemin éducatif pour accueillir les personnes faibles de notre entourage, qui parfois dérangent et sont inopportunes, si l’on ne protège pas l’embryon humain, même si sa venue cause de la gêne et des difficultés : « Si la sensibilité personnelle et sociale à l’accueil d’une nouvelle vie se perd, alors d’autres formes d’accueil utiles à la vie sociale se dessèchent » (Caritas in veritate, Benoit XVI). »
– Pape François, Laudato si’, #120
Cette semaine, il a été question de la possibilité accordée par le pape à tous les prêtres du monde d’absoudre ceux qui ont refusé d’accueillir dans leur vie un être humain dérangeant.
(Espérons que le patron qui menaçait madame de licenciement, que le conjoint qui promettait de la laisser et que la mère qui montrait la porte à sa jeune fille saisiront aussi l’occasion d’obtenir miséricorde!)
Lorsque l’étranger se trouve au sein même de nos familles, on a clairement besoin de la miséricorde divine pour apprendre à aimer et accueillir.
Or, cette crise des réfugiés nous rappelle cruellement que parfois, le familier est à l’étranger. Et ce frère, confessons-le, nous indiffère à mourir.
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PS : Si quelqu’un a une idée pour mettre en pratique l’exhortation de saint Jacques en exergue ci-haut, qu’il se lève et qu’il parle. Et qu’il me donne son numéro. Faut qu’on aille prendre un café. Ça urge.