la carrière ou la famille Kobe Bryant
Image : Celeste Lecaroz, Portrait de Kobe Bryant / Wikimedia Commons, détail

La carrière ou la famille ? Le cas Kobe

À cette même date l’an dernier, Kobe Bryant ainsi que huit autres personnes ont perdu la vie dans un écrasement d’hélicoptère. L’évènement a secoué la planète entière. Tellement, que « Kobe » s’est retrouvé en troisième position parmi les mots les plus recherchés sur Google en 2020.

Selon mon collègue Simon Lessard, cette tragédie a fasciné parce qu’elle a rappelé tout un chacun à son propre destin : la mort. Peu importe la célébrité, la richesse et le pouvoir, on meurt tous un jour.

C’est bien vrai. Mais Simon est selon moi passé à côté d’un point important (et ce sans doute parce qu’il ne possède pas mon vice : être obsédée par la NBA !).

Si l’accident de Kobe a autant marqué les esprits, c’est aussi parce qu’il impliquait la mort de sa fille de 13 ans, Gianna Bryant. Kobe, lors du tragique accident, l’accompagnait en effet à son prochain tournoi de basketball.

Le 26 janvier 2020 a donc anéanti non pas un, mais deux grands désirs humains : la carrière et la famille.

Kobe le joueur

La plupart des gens connaissent davantage Kobe le joueur de basket que Kobe le père de famille.

D’ailleurs, il a lui-même encouragé cette image en quelque sorte. À l’entendre dans son célèbre court-métrage, seul le basket comptait : 

I knew one thing was real / Je savais qu’une chose était réelle :
I fell in love with you / Je suis tombée en amour avec toi.
A love so deep I gave you my all / Un amour si profond que je t’ai tout donné – 
From my mind & body / De mon intelligence et de mon corps
To my spirit & soul / Jusqu’à mon esprit et mon âme.  

Le basket, dans la bouche de Bryant, devenait même une entité à part entière : 

YOU called me / TU m’as appelé.
I did everything for YOU / J’ai tout fait pour TOI.
Because that’s what you do / Parce que c’est ce qu’on fait
When someone makes you feel as / Quand quelqu’un nous fait sentir
Alive as you’ve made me feel. / Vivant comme tu m’as fait sentir.

Kobe le père

En même temps, les hommages après la mort de Kobe n’ont pas seulement porté sur sa carrière ni même prétendu que le basket était TOUTE sa vie. Le contraire aurait conduit à trois problèmes.  

Premièrement, cette carrière devait prendre fin un jour ou l’autre. Si le basket était le sens de la vie de Kobe, alors elle aurait perdu son sens à seulement 37 ans, ce qui est pour le moins ennuyant, pour ne pas dire absurde…

Sans qu’on en ait pris nécessairement conscience, ce tragique accident a soulevé une question profonde : à quoi ou à qui donne-t-on son cœur ?

Deuxièmement, le basket est quand même juste un jeu. C’est un « stupid game » comme le disait d’ailleurs dernièrement l’ancien joueur Charles Barkley. 

Qu’on se comprenne bien : le basket m’excite au maximum. Je ne me tanne pas de voir lancer Stephen Curry d’endroits improbables ni de voir LeBron James dunker comme une bête féroce. J’aime tout du basket : les dribles, les passes, les points, les rivalités… Mais, au bout du compte, il s’agit quand même juste de lancer un ballon dans un panier. 

Troisièmement, on a tous plus ou moins l’intuition que les relations priment sur la carrière. Présenter Kobe comme un pur obsédé de basket, ça aurait paru cheap pour sa femme et ses quatre enfants. Et, de fait, je suis sure qu’il était un bon père, comme on le dépeint justement. 

Carrière ou famille ?

Sans qu’on en ait pris nécessairement conscience, ce tragique accident a soulevé une question profonde : à quoi ou à qui donne-t-on son cœur ? 

Aujourd’hui, le dilemme se trouve le plus souvent entre la carrière et la famille. Où est mon bonheur profond ? 

« Les deux », me répondra-t-on. D’accord, mettons. Mais il y a toujours une hiérarchie dans son cœur, même si on n’en est pas toujours conscient.

Écoutez Laurence parler de Kobe Bryant à On n’est pas du monde.

À ce sujet, je me rappelle d’un film, intitulé Père de famille, que j’ai regardé avec les jeunes de l’action catholique de Florence. Dans ce film, un carriériste, par un mystérieux sort, accède à la vision de la vie qu’il aurait eue s’il avait choisi de se marier plutôt que de devenir un courtier de renom. C’est un film un peu sucré et la morale est prévisible : il faut choisir l’amour avant l’argent, la famille avant la carrière.

Après le film, je me souviens du débat entre les jeunes Italiens. Les filles trouvaient toutes le film GÉ-NIAL. Les gars, eux, étaient un peu déçus.

Et je les comprenais, les filles comme les gars. Car, au fond, tant la carrière que la famille contiennent de grands biens. Pour la carrière, c’est la grandeur et le dépassement par exemple. Pour la famille, les relations et l’amour. 

Et, en même temps, aucun d’eux ne suffit. Le cœur de l’homme a besoin de plus. 

L’homme a besoin d’une relation qui l’élève et lui fait gouter la vraie grandeur. Il a besoin de connaitre le Dieu d’amour qui, par l’adoption filiale, le fait participer à sa divinité même.

« Je l’ai dit : Vous êtes des dieux, des fils du Très-Haut, vous tous ! » (Ps 81, 6)


Laurence Godin-Tremblay

Laurence termine présentement un doctorat en philosophie. Elle enseigne également au Grand Séminaire de l’Archidiocèse de Montréal. Elle est aussi une épouse et une mère.