Ben-Hur: flip ou flop?

Comme tous les remakes que l’industrie hollywoodienne nous sert, Ben-Hur, version 2016, comprend des invraisemblances scénaristiques et de mise en scène. Cette mouture n’a pas l’amplitude de sa précédente (1959), qui fut un chef-d’œuvre en son genre, battant tous les records au boxoffice, raflant 11 oscars et consacrant du coup l’acteur Charlton Heston. Il est évidemment difficile de s’attaquer à un monument de l’histoire du cinéma…

Mais disons qu’il arrive parfois que Hollywood réussisse aussi quelques bons coups et que, parmi tous les films « bibliques » qu’on y a réalisés ces dernières années – la plupart très mauvais –, Ben-Hur 2016 ressort nettement du lot. En grande partie grâce à la Passion du Christ, très touchante, que le film donne à voir et qui rachète les défauts de l’œuvre… et de ses protagonistes.

Replongeons-nous dans l’histoire. Judah Ben-Hur est juif. Il grandit à Jérusalem à l’époque de Jésus dans une famille princière, avec un frère adoptif, Messala, un Romain qui devient chef d’armée et cocher. Leur identité et leur allégeance respectives rentrent bientôt en collision (c’est le cas de le dire !) et Messala se retourne contre son frère en l’accusant faussement de trahison contre Rome, puis le fait envoyer aux galères.

Après cinq pénibles années d’esclavage et une grave bataille en mer, Ben-Hur survit miraculeusement. Avec l’aide d’un propriétaire de chevaux, il décide de se venger dans l’arène, la course de chars étant le point culminant de cette lutte fratricide. Tout ça, sur fond de christianisme naissant.

Films bibliques et péplums

Ces deux catégories de films, le biblique et le péplum (ce type de films se déroulant dans l’Antiquité), ont le mérite de montrer les racines de l’histoire occidentale, à savoir l’importance de la Révélation et l’apport de la Rome/Grèce antique dans la construction de nos identités nationales respectives. Et dans une optique où plus rien de tout cela n’est enseigné dans les écoles, où l’ingratitude envers l’héritage de nos pères et mères règne en maitre, il est bienvenu que le cinéma comble cette lacune (remarquez, c’est toujours bienvenu de transmettre les savoirs, peu importe l’époque).

Les oeuvres agissent toujours un peu comme courroies de transmission, particulièrement le cinéma qui est indissociable du récit.

Bien sûr, nous sommes ici davantage dans la fiction que dans l’histoire, et c’est justement ce qui différencie l’art de l’historiographie, mais les oeuvres agissent toujours un peu comme courroies de transmission, particulièrement le cinéma qui est indissociable du récit.

Ben-Hur à la sauce 2016

Revenons donc à cette mouture 2016.

Nous regrettons que le film ne dure que deux heures, contrairement à celui de 1959 qui faisant trois heures et demie. La relation entre les deux frères est trop courte, trop simple, trop rapide. Il manque de profondeur et de subtilité. Et le jeu de Toby Kebbell (Messala), sans être grossier, est un peu limité. Celui du héros, interprété par Jack Huston (petit-fils de John Huston), est supérieur.

On reconnait, par ailleurs, l’audace de la production d’avoir eu recours à des jeunes acteurs moins connus. Cela a peut-être contribué au soi-disant «flop» du film aux États-Unis, mais personnellement, j’apprécie lorsqu’un film ne mise pas toujours sur des vedettes.

Je veux bien admettre que Ben-Hur est fort séduisant habillé en jeans avec une tunique hippie-contemporaine, mais on aurait pu faire un petit effort de crédibilité…

On est aussi agacés par les anachronismes voulus pour plaire aux modernes que nous sommes. Je veux bien admettre que Ben-Hur est fort séduisant (mais alors, vraiment !) et agréable à regarder habillé en jeans avec une tunique hippie-contemporaine ceintrée à la taille, mais on aurait pu faire un petit effort de crédibilité quand même ! Et puis, la neige dans le bassin méditerranéen en l’an zéro?

Le vrai héros

Mais, mais, mais ! Reste qu’on accroche quand même, du moins lorsqu’on est adepte de cinéma d’histoire ou épique. Les deux scènes attendues avec impatience sont sans contredit la bataille des galères et la course de chars, toutes deux impressionnantes (et stressantes). L’esthétique privilégiée est évidemment celle de l’action, les gros plans rapides et le montage, très serré, ne laisse que peu de place à ce que vivent vraiment les personnages.

On saisit en contrepoint la radicalité à laquelle nous appelle le Christ: aimez vos ennemis!

Tout est grossi, la caméra ne «respire pas». Mais c’est efficace pour créer une montée dramatique rapide et intense. La tension est palpable. On perçoit l’horreur de l’esclavage et la grandiloquence de Rome. On perçoit la haine qui engendre la haine et le désir de vengeance, on saisit en contrepoint la radicalité à laquelle nous appelle le Christ par sa Résurrection: aime ton prochain, mais surtout tes ennemis.

Cela peut paraitre moralisateur, mais la Passion, bien que partielle, est bien mise en scène et plus présente que dans la version de 1959. On est notamment touché par ce geste (et cette parole) que le Christ a envers Ben-Hur lorsque ce dernier s’apprête à lancer une pierre à un soldat romain. En bref, le vrai héros du film est Jésus, qui réussit à convertir le cœur des deux protagonistes. Notons que les producteurs de cette version 2016 sont Mark Burnett et Roma Downey, ce couple de croyants anglo-irlandais très impliqué auprès des catholiques et des protestants aux États-Unis, et ayant donné le film The Son of God en 2014.

Mot de la fin

Je sens déjà plusieurs cinéphiles critiquer ce Ben-Hur en insistant sur le fait que la série Rome réalisée par la chaine HBO il y a quelques années était nettement supérieure. Certes, elle était faite avec brio, malgré plusieurs scènes plaquées qui empruntaient aussi aux idéologies modernes… On répondra qu’on ne peut pas comparer un long-métrage à une série qui s’échelonne sur deux ans. D’ailleurs d’autres critiques du film ont été positives.

Mes autres mentions spéciales : la présence sure de Morgan Freeman dans le rôle du vieux sage qui rappelle celle des Rois Mages, ainsi qu’au générique de fin (en 3D) qui sculpte les images de la course de chars comme si c’était les ruines de Pompéi : c’est visuellement magnifique !

Petit conseil tout de même: voyez la version de William Wyler (1959) avant d’écouter la version actuelle.

Stéphanie Chalut

Stéphanie Chalut détient une maitrise en arts visuels de l'Université Laval (2012), ainsi qu'un baccalauréat à l'UQAM (1999) dans le même domaine. S'intéressant à l'image et au récit, sa pratique d’artiste depuis englobe surtout le dessin, mais depuis 2015, l'artiste a fait un retour au 7e art. Son court-métrage (2020) a été présenté en au Cinema on The Bayou Film Festival et au Winnipeg Real to Reel Film Festival​. Ses préoccupations tournent de plus en plus sur les questions spirituelles. Elle poursuit son travail tout en prêtant ses services en tant que coordonnatrice artistique et culturelle dans la fonction publique. www.stephaniechalut.com