« Si vous continuez à commettre des injustices,
Dieu vous laissera sans la musique. »
– Cassiodore, homme politique romain, écrivain latin et moine (485-580)
Ennio Morricone, compositeur italien connu pour sa musique de film, est décédé le lundi 6 juillet. Avant sa mort, il avait écrit une nécrologie sous forme de dernières volontés, qui a depuis paru dans les journaux. Retour sur un homme qui a su élever les âmes par la musique.
Le grand compositeur italien de 91 ans est décédé lundi dernier des suites d’une fracture du fémur causée par une chute. Sentant déjà sa mort venir, sans doute poussée par son âge vénérable et la précarité sanitaire généralisée des derniers mois, il avait lui-même rédigé et fait parvenir sa nécrologie sous forme de dernières volontés à son ami et avocat Giorgio Assumma quelque temps avant son accident.
Son ami Me Assumma a déclaré par communiqué qu’il s’est éteint « à l’aube, avec le réconfort de la foi ».
Il y salue particulièrement ses amis, dont le réalisateur Giuseppe Tornatore avec qui il a collaboré durant sa longue carrière, ses proches, ses enfants et ses petits-enfants. Mais c’est surtout à sa femme Maria qu’il lance « le plus douloureux des adieux » après lui avoir renouvelé « l’amour extraordinaire qui les a unis » et le regret de l’abandonner.
C’est avec ces mots émouvants que le géant de la musique tire sa révérence. Son ami Me Assumma a déclaré par communiqué qu’il s’est éteint « à l’aube, avec le réconfort de la foi ».
Une œuvre traversée par la spiritualité
Dans un entretien à La Stampa, le cardinal Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical pour la culture et ami de longue date du compositeur, déclare : « Il aimait beaucoup écouter, et aussi provoquer un peu. Dans les derniers temps, il s’intéressait aux thèmes de l’eschatologie, peut-être qu’il sentait que c’étaient les dernières années. »
Le prélat lui avait fait connaitre la maxime de Cassiodore (placée en exergue de ce texte) et qui, selon lui, résume bien la vision spirituelle traversant l’immense œuvre musicale du maestro.
Ennio Morricone est connu notamment pour ses musiques de film, qui comptent plus de 500 bandes sonores. Ces partitions enchanteresses que vous connaissez peut-être sans savoir qu’elles sont de lui. Parfois profonde ou mystique, ou bien épique et même joviale, sa musique aura accompagné de nombreux longs-métrages sur des générations, de Sergio Leone à Quentin Tarantino, en passant par Tornatore, Roland Joffé et Brian de Palma, pour ne nommer que les plus célèbres.
« Croyant fidèle mais créatif », comme dira de lui le cardinal Ravasi, il mettra en musique les deux téléséries consacrées au saint pape polonais Jean-Paul II. Ainsi, à Cracovie en 2007, il composera et dirigera un oratorio pour commémorer le souverain pontife en se basant sur ses propres écrits lyriques.
Et en 2015, à la demande de la communauté de Jésus lors du bicentenaire de leur rétablissement, il présentera une Missa Papae Fransisci à l’église del Gesù à Rome. Il aurait désiré la voir exécutée à la basilique Saint-Pierre, mais ce ne fut pas possible, ce qui le peina un peu. Il aura eu tout de même la chance de présenter la partition en personne au pape argentin dans un entretien très émouvant, où les deux hommes auraient pleuré ensemble.
Au-delà du cadre
Pour moi, Ennio Morricone est un compositeur de génie, et pas seulement au cinéma, car la plupart du temps, sa musique a transcendé le cadre initial dans lequel elle prenait place. On oublie facilement les images, mais la musique nous ramène toujours là où nous l’avons entendue. La musique fait revivre le passé, égaye et approfondit le présent et nous donne d’espérer en l’avenir.
C’est exactement ce que je vis et ressens chaque fois que j’écoute un chef-d’œuvre, ce qui inclut quasiment toutes les pièces de Morricone, que j’espère vous écouterez après avoir lu ce texte.
Après un concert pour son quatre-vingtième anniversaire, le pape Benoît XVI, un autre grand amant de la musique, a dit ses mots magnifiques sur la musique et notre rapport à Dieu :
« Je suis convaincu que la musique, je pense ici surtout au grand Mozart et naturellement à de nombreux autres compositeurs, comme Dvorjak [ndla : ou Morricone], est vraiment le langage universel de la beauté, capable d’unir entre eux les hommes de bonne volonté sur toute la terre et de les conduire à élever leur regard et à s’ouvrir au Bien et au Beau absolus, qui ont leur source ultime en Dieu lui-même. »
« En regardant en arrière dans ma vie, je dois dire que je remercie Dieu d’avoir placé la musique à mes côtés presque comme une compagne de voyage, qui m’a toujours offert réconfort et joie. Je remercie aussi les personnes qui, dès les premières années de mon enfance, m’ont approché de cette source d’inspiration et de sérénité. Je remercie ceux qui unissent musique et prière dans la louange harmonieuse de Dieu et de ses œuvres : ils nous aident à glorifier le Créateur et Rédempteur du monde, qui est une œuvre de ses mains merveilleuses. »
La musique et les anges
Ennio Morricone, trompettiste dès la première heure, fils de trompettiste, instrument qui a souvent fait sa signature lors de ses productions musicales, fera sans doute partie du chœur céleste — s’il ne le dirige pas lui-même — lorsque ces mots de saint Paul viendront à s’accomplir :
« En un instant, en un clin d’œil, au son de la trompette finale, car elle sonnera, la trompette, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous nous serons transformés. » (1 Co 15, 52)
Requiescat in pace
Pour une autre très belle anthologie du maestro, cliquez ici.