À Montréal, dans ce qu’on appelle le Nouveau-Rosemont, se trouve la paroisse Saint-Bonaventure, coin Saint-Zotique et 42e Avenue. C’est à cet endroit qu’une laïque, Élisabeth Boily, et son curé, Patrice Bergeron, ont eu l’idée d’organiser un forum pour réseauter les paroisses du Québec qui veulent « sortir de leur tombeau ». Et Dieu sait que lorsque laïcs et pasteurs embarquent côte à côte dans les mêmes folies, ça peut prendre des proportions inespérées!
Dans cette église, qui aurait besoin d’être plâtrée et repeinte au grand complet, et rafistolée de tous bords tous côtés, des dizaines de vies ont été transformées depuis le jour où le curé et son équipe ont commencé à tout faire autrement.
En marge du forum Paroisses en mission, je suis allée recueillir un petit échantillon de ces conversions personnelles occasionnées par la conversion pastorale.
Raymond
Ici, il y a par exemple Raymond St-Denis, ingénieur à la retraite que la gestion d’une paroisse n’effraie pas.
Arrivé dans le quartier il y a cinq ans, il venait parfois le dimanche. « Au bout d’un an, j’ai vu quelque chose changer, mais je ne pourrais pas dire quoi. Patrice accueillait les gens à la porte. Ses homélies me touchaient de plus en plus. Et puis, la musique ! Il y avait un vrai band avec des vrais musiciens ! C’était su’a coche, comme on dit ! »
« J’ai toujours été un rebelle. J’ai jamais rien voulu savoir d’une “communauté” ; après la messe ? Vroum ! Je partais ! Mais là, Patrice venait me jaser. Je me suis senti interpelé par tout ce monde qui grouillait. J’ai eu le gout de revenir et… vous savez quoi ? J’ai eu le gout de me donner ! Ça, c’est un miracle ! Y’a de l’ouvrage en masse ici ! Et puis j’ai fait Alpha deux fois. Une lumière s’était allumée dans ma noirceur. »
Julie
En 2017, Julie Dermarkar, mariée, mère de quatre enfants et médecin entre pour la première fois.
« Je suis arménienne catholique, mariée chez les melkites, pratiquante. Comme maman, je cherchais une façon d’éduquer mes enfants à la foi. Je songeais à prendre un cours de théologie, ou étudier le catéchisme, mais un jour, la mère d’une amie de ma fille m’a parlé de la paroisse ici.
« Un dimanche, Élisabeth m’invite à la session Alpha. Je n’avais pas le temps ! Je sortais d’un congé de maternité, je travaillais… Elle a juste dit : “C’est un Venez et Voyez, ça ne t’engage à rien.” Ça m’a convaincu… Juste la première soirée, j’en revenais pas ! J’étais assise à table. On avait cuisiné pour moi. On me servait. Tu parles à une mère de famille là ! Je n’avais qu’à savourer un repas chaud, tranquillement, en discutant de sujets passionnants. »
« Je n’avais jamais ressenti ce besoin, mais là c’était comme un appel. »
« Puis, il y a eu cette Journée à l’Esprit saint. Il y avait le sacrement du pardon. Il n’y avait personne devant moi dans la file. Je n’avais plus d’excuses – les enfants n’étaient pas en train de crier partout autour de moi ! Je pouvais y aller. Je n’avais jamais ressenti ce besoin, mais là c’était comme un appel.
« À l’absolution, le prêtre a dit que j’étais pardonnée par Jésus pour tout ce que je trouvais lourd dans ma vie… Ah ! J’étais usée ! Je ne dormais plus depuis six ans – j’allaitais ou j’étais enceinte, j’ai perdu ma mère, j’ai eu une tumeur bénigne au cerveau (opérée), et puis mes études ! Quand il a prononcé ces paroles, j’ai reçu un déversement d’amour de Dieu. C’était un amour complet, une paix totale, une joie parfaite, quelque chose qui n’existait pas avant ! »
Ta vie a changé ? « Dans tous les domaines. J’ai toujours vécu dans un milieu aimant, qui me parlait de Jésus. Malgré tout, il me manquait quelque chose : toucher à l’amour du Christ. »
Et ton mari ? « Eh bien, il est inscrit à la prochaine session Alpha ! »
Edward
Adolescent, Edward déclarait son athéisme à ses parents. « Pour moi, la science expliquait tout. »
En 2017, il vit une rupture amoureuse qui le brise. « Cet été-là, je travaillais comme moniteur dans un camp de jour. J’ai rencontré Judith (une des filles d’Élisabeth !). Ça cliquait entre nous, même si elle avait la foi et moi pas. »
Judith ose lui parler d’Alpha. « Quand elle m’a expliqué que c’était des soupers où on parlait du sens de la vie, j’ai dit oui, mais je ne me suis inscrit qu’un an plus tard. En revanche, pendant tout ce temps, je peux le dire, le Seigneur me travaillait. Je posais plein de questions. Judith prenait bien soin de m’amener à la messe des jeunes – celle où il y a de la bonne musique, des gens vraiment accueillants, avec des familles et un p’tit gouter !
« C’est à la Journée à l’Esprit Saint, alors que tout le monde priait, que j’ai ressenti une grande chaleur. Une voix à l’intérieur de moi disait : “Le Seigneur est là !” C’était fou. J’ai ressenti un amour si fort ! C’est venu me remplir, panser les blessures laissées par ma rupture et des amis. J’ai dit : “Ah ben là ! C’est sûr que c’est Lui ! Ça ne peut pas être personne d’autre qui m’aime comme ça !” »
Tu es devenu croyant si vite ? « Oui ! Quoique, sur le coup, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Je pleurais. C’est en parlant avec les autres que j’ai compris que c’était vraiment le Seigneur qui m’avait donné son amour ; il était revenu dans ma vie, alors que moi, je l’avais rejeté et méprisé ! Ça, ça me bouleverse encore. »
Le père Patrice invitait Edward à revenir et à se mettre au service de la communauté. D’ailleurs, avec Judith, il est l’un des grands organisateurs du forum. « Deux ans plus tard, une des choses les plus formidables, c’est que, désormais, tout a un sens dans ma vie. La messe. La Bible. Les sacrements reçus quand j’étais jeune. »
En décembre 2020, alors que quasiment toute la planète était confinée, Edward et Judith, à peine âgés de 21 ans, se sont mariés. Ils animeront ensemble les sessions Alpha pour jeunes, et avec l’aide de Dieu, de leur curé et d’une équipe pas piquée des vers, parions qu’ils en feront sortir beaucoup de leurs tombeaux.
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À 7h30, le 18 septembre 2021, 220 personnes – quatre évêques inclus – venues de Sherbrooke à Amos en passant par Lévis et Gatineau, faisaient le pied de grue, attendant que les portes de l’église Saint-Bonaventure ouvrent. Des dizaines de Raymond, de Julie et d’Edward ont témoigné, échangé, partagé les expériences de transformation de leurs paroisses.
À 21h, le même jour, tout le monde est reparti avec une certitude : un vent de conversion souffle partout depuis au moins quatre ans.
Paroisse St-Bonaventure
Élizabeth Boily : 514 727-3723
THIEFFRY, Jean-Hubert. GERBEAUX, Bérénice. CROUY-CHANEL, Vincent. EZ 37. Guide pour rebooster nos paroisses, Paris, Salvator, 345 pages, 2021.