Per il mio padre spirituale, per il suo nuovo incarico come Assistente della Comunità Giovanile San Michele. Possa dare la tua vita ogni giorno per i giovani come l’ha fatto don Pino.
À mon père spirituel, pour son nouveau poste d’assistant de la Comunità Giovanile San Michele. Puissiez-vous donner votre vie chaque jour aux jeunes comme l’a fait Don Pino.
Père Pino Puglisi, prêtre sicilien, est né et mort un 15 septembre (1937-1993), le jour de la fête de Notre-Dame des Douleurs.
Assassiné à Brancaccio, petit quartier de Palerme, l’Église lui a accordé le titre de « premier martyr de la mafia » et l’a reconnu officiellement bienheureux en 2013.
Difficile de prime abord de comprendre comment un prêtre si peu contestataire et sans aucune violence a pu se retrouver dans la mire de Cosa nostra (Notre affaire), la mafia sicilienne.
Les biographies expliquent le martyr de don Pino essentiellement par son activité pastorale. Don Pino détournait les jeunes de collaborer avec la mafia, en leur proposant un avenir différent. Et, à travers ses homélies dominicales, il dénonçait la prétention de la mafia italienne à la religion, comme si Dieu, Jésus et Marie encourageaient leur culture de « l’honneur » et de la « loyauté ».
L’enfer et le paradis
Les biographies ne rendent cependant pas claire la raison véritable pour laquelle la mafia a jugé don Pino aussi dangereux, au point d’envoyer l’un de ses pires mercenaires, auteur déjà d’une quarantaine de meurtres, tous plus risqués que celui d’un simple prêtre sans défense.
À lire l’histoire concrète de don Pino, on reste avec l’impression d’une certaine disproportion entre la « menace » que constituait le prêtre et la réponse de la mafia.
La mafia n’a pas assassiné don Pino à cause de son activité révolutionnaire, politique. Elle l’a tué à cause de la lumière qu’il apportait dans la vie des jeunes de Brancaccio, à cause de son témoignage pour la Révélation.
Le roman d’Alessandro d’Avenia, Ciò che inferno non è[1] (Ce que l’enfer n’est pas), réussit cependant à éclairer plus distinctement l’impact et l’influence de don Pino sur le quartier de Brancaccio.
Le roman comporte un aspect fictif. C’est à travers le regard de jeunes adolescents et d’enfants — pour l’essentiel inventés par l’auteur — que l’on suit les derniers instants de don Pino. Et, étonnamment, c’est cet aspect fictif qui devient comme la clé pour toucher la réalité de Pino Puglisi.
Car le roman fait voir don Pino avec les yeux d’un enfant. Se mêlent alors douceur et naïveté, cruauté et amertume. Mélange de bonheur et de malheur, comme l’étaient sans doute la vie des enfants que don Pino côtoyait.
Cette première scène, entre le petit Francesco de six ans et don Pino, illustre bien la tendance du roman.
« Tu n’es pas à l’école Francesco ?
– L’école finit quand on veut.
– Et qu’est-ce que tu fais ici dans la rue ?
– J’attends.
– Quoi ?
– Rien.
– Comment, rien ?
– Pourquoi devrait-on attendre nécessairement quelque chose ? Et toi, tu vas où ?
– À l’école, pour enseigner aux plus grands.
– Et qu’est-ce que tu enseignes ?
– Religion.
– Qu’est-ce qu’on fait avec la religion ?
– On apprend les secrets les plus importants.
– Par exemple comment voler sans se faire prendre ?
– Non…
– (…)
– Tu peux être un peu mon papa don Pino ?
– Mais qu’est-ce que tu dis ?
– Parce que j’ai seulement ma maman. Mon papa, je ne sais pas il est où. Peut-être que toi tu le sais, comme tu connais les secrets difficiles.
– Non, je ne peux pas…
– Tu te fais appeler “père” par tout le monde, mais tu ne veux pas être mon papa à moi qui n’en ai pas.
– C’est une façon de parler… Mais ok Francesco, faisons un peu comme tu dis… »
La scène fait sourire. Mais elle devient amère quand on saisit que Francesco n’a pas de père parce que sa mère se prostitue. Et le roman, en toute discrétion, fait voir l’horreur de cette situation, ainsi que la tyrannie de la mafia sur cette jeune mère.
Le roman alterne ainsi entre l’enfer (meurtres, haine, envie, violence, viols, etc.) et le paradis. Le paradis que vivent les enfants en découvrant, auprès de don Pino, leurs désirs les plus profonds. Le paradis qu’ils touchent en jouant au soccer, en apprenant la musique, en faisant du théâtre, en connaissant la religion, etc., tout cela au centre Padre Nostro, créé par don Pino lui-même.
Un martyr
« L’amour est une révolution », affirme l’une des adolescentes du roman. « Non, c’est une révélation », rétorque don Pino.
La mafia n’a pas assassiné don Pino à cause de son activité révolutionnaire, politique. Elle l’a tué à cause de la lumière qu’il apportait dans la vie des jeunes de Brancaccio, à cause de son témoignage pour la Révélation.
Quand on connait mieux l’histoire du prêtre, sa mort ne surprend plus. En un sens, elle n’est même pas l’essence de son martyr. Elle n’en est que la touche finale. Lui-même, avec un sourire et regardant son meurtrier droit dans les yeux (et cela ne vient pas du roman, mais des affirmations ultérieures et repentantes de l’assassin), prononcera comme dernières paroles : « Je m’y attendais. »
Car don Pino, durant ses trois années passées à Brancaccio, a été martyr tous les jours, en donnant sa vie et son temps.
« Qu’est-ce que ça veut dire “donner sa vie pour ses propres amis ?”
– Défendre leur vie et l’enrichir avec sa propre vie.
– Comment ?
– Avec son temps. »
« Don Pino est un maitre sans pouvoir, mais non sans force. Une force désarmée, pas supérieure à la violence — parce que la violence transforme la chair — mais au-delà de la violence — parce que cette force transforme le cœur. La force de don Pino dépasse la force de la mafia, non dans l’espace, mais dans le temps. Seul le temps peut vaincre l’espace. Il y a des hommes qui dominent l’espace, mais il y a aussi ceux qui gouvernent le temps. Tout dépend du dieu vers lequel ils se tournent. »
[1] Malheureusement, il n’existe pas de traduction française. Les traductions des diverses citations sont donc de moi. Il existe toutefois une traduction anglaise, intitulée What Hell is not.