Un texte d’André LaRose
Notre famille s’est donné rendez-vous pour aller voir Une Vie cachée au cinéma Impérial dans le cadre du Festival du nouveau cinéma de Montréal. Nous n’avons pas été déçus, loin de là. Ce drame historique d’un objecteur de conscience autrichien nous tient en haleine du début à la fin.
Le film, qui a remporté le prix du jury oecuménique à Cannes, est de la trempe du magnifique Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois.
Malick nous avait déjà offert Un Nouveau Monde (2005) et L’Arbre de la vie (un film à concept sorti en 2011, aux accents autobiographiques).
Cette fois, l’œuvre du cinéaste américain Terrence Malick nous plonge dans les années ’40 chez Franz Jägerstätter, un paysan de la Haute-Autriche et un jeune père de famille, qui mène sa vie et son travail en campagne, conscient toutefois que le pays est subtilement pris et entrainé dans les rouages de la propagande nazie. Et que tôt ou tard il ne pourra esquiver les filets qui tapissent et enveniment le climat social, même en milieu rural.
Alors ici, le réalisateur déploie son talent et toute sa sensibilité pour nous introduire dans l’intimité des personnages et des lieux, par un habile jeu d’ombres et de lumières, de longs plans sur la nature, sur les habitations, sur les visages des personnes d’influence, un maire, un magistrat, une grand-mère, une épouse, un enfant.
On devine ainsi les sentiments qui habitent les personnages et qui nous laissent entrevoir le combat intérieur que vit ce fermier, seul ou presque face aux villageois et ultimement face aux autorités qui feront tout pour lui rappeler ses engagements envers l’État.
Récit d’un bienheureux
Ce film raconte la vie du jeune couple Franz et Franziska Jägerstätter et de leurs trois jeunes filles dans le petit village de Sankt Radegund, au moment où le père se voit obligé de reprendre son service militaire.
On nous dépeint un homme taciturne, non-violent par choix, profondément religieux, et étonnamment courtois face à l’hostilité grandissante à son endroit. C’est que le paysan refuse d’obtempérer aux souhaits du maire, des voisins, voire du clergé face aux consignes du gouvernement provisoire (suite à l’annexion du pays par l’Allemagne nazie en 1938), notamment son devoir envers la patrie.
J’écris avec les mains liées, mais je préfère cette condition à celle de savoir ma volonté enchaînée. (Lettre de Franz Jägerstätter à sa femme Franziska, juillet 1943)
Malick donne libre cours à son art et en un peu moins de trois heures, ce réalisateur peu commun nous entraine dans une envolée d’émotions tant par la qualité des images, par un emploi judicieux de ralentis, par le dialogue et les silences, que par une trame sonore bien appuyée (il faut le dire) par des œuvres classiques.
Un festin pour les sens.
Tout concourt pour nous offrir et pour laisser au plus profond de soi une empreinte de sainteté, car ce jeune père de famille, inculte aux yeux du maire du village et de l’appareil judiciaire militaire nazi, va aller jusqu’au bout de ses convictions et de sa foi et ainsi refuser de prendre les armes pour le compte du Troisième Reich. Ce qui va entraîner sa condamnation en cour martiale et son exécution par décapitation le 9 août 1943. Il n’a que 36 ans.
Encore…
À la fin de la projection, un silence s’est imposé dans la grande salle presque au comble de sa capacité. Comment ne pas être remué par le sacrifice de ce père de famille ? L’Église reconnait ce martyr de la foi et il a été béatifié par Benoit XVI en octobre 2007. Franz Jägerstätter, un exemple à suivre aujourd’hui ?
On ne peut que s’étonner de l’assurance avec laquelle cet homme simple a su analyser la situation spirituelle et politique de son temps, de sa faculté à distinguer le mensonge de la vérité et à expliquer sa démarche humblement, mais fermement aux prêtres mêmes et à son évêque de Linz sans jamais juger la hiérarchie ni les catholiques qui acceptaient de faire la guerre. (Cardinal Christoph Schönborn)
[NDLR] Même si la sortie du film est annoncée pour le 13 décembre prochain, aucun cinéma du Québec ne semble, jusqu’à ce jour, avoir intégré le film à sa programmation.
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